J'attends chaque saison avec une impatience non feinte. J'ai même le plus grand mal à commencer cette critique tant tout est extraordinaire.
Regarder cette série, c'est regarder un obus tomber du ciel chaque jour et oblitérer un peu plus la liberté, un épisode à la fois, impunément et avec une efficacité irrépréssible. Une arme de destruction massive avec une précision chirugicale. Sous couvert d'être une série Z inoffensive et sereine, à elle seule cette série aurait fait élire Trump une nouvelle fois si elle était sortie plus tôt, passant sous le radar de tout le monde, contribuant de manière subreptice à la destruction de la société dans ses fondements les plus élémentaires.
Entièrement préoccupées par l'avenir de leurs enfants et leurs affaires de coeur, Maddie Townsend, Helen Decatur et Dana Sue Sullivan sont enfermées dans leur univers minuscule et validiste.
Maddie est la leader du groupe car elle est blanche et de taille normale. Avec sa teinture orange, son gloss rose pâle et ses robes fleuries de débutante texane, elle vit la plus vieille histoire du monde lorsque son mari Bill engrosse sa maîtresse (jouée par la petite soeur de Britney Spears). C'est bien pratique car ainsi elle peut le divorcer sans être reniée par Jésus. Elle est obsédée par l'idée que ses deux fils, Adolescent Aryen et Justien Bieber pré-2012, soient détruits par cette trahison et n'expriment pas leurs émotions. Cette répression affective risque de les faire perdre au baseball, éventualité catastrophique puisque sans le baseball Adolescent Aryen ne pourra pas aller à l'université, alors que son talent est pourtant un don du Seigneur. C'est ainsi que Maddie rencontre le coach sportif, un crapaud-mannequin de film Hallmark avec qui elle prend rendez-vous régulièrement pour parler de la santé de ses fils et de son bagage affectif de femme sudiste bafouée. Il porte des t-shirts quelconques, l'écoute attentivement et lui demande toujours la permission de parler, réalisant ainsi le fantasme de l'homme parfait.
Helen, grande avocate noire et rieuse, n'a jamais fait l'expérience du racisme car le racisme n'existe pas dans le sud des Etats-Unis. Helen rit comme un personnage de Dragon Ball Z, pour prouver qu'elle est toujours vivante, et non pas quand quelque chose est drôle. D'ailleurs, rien n'est jamais drôle, mais voici une liste non exhaustive de choses qui ont fait rire Helen :
- Porter des gants
- Rentrer chez elle
- Faire des biscuits au citron
- Dire au revoir à la voisine
- Dire bonjour à la voisine
- Faire la vaisselle
- Se promener dans le parc
Enfin, Dana Sue est la chef cuisinière obèse et désagréable du restaurant de la ville où des mannequins se battent en duel pour coucher avec elle. Quand elle ne donne pas des leçons de morale à son entourage, elle fait des cocktails qu'elle boit 4 fois par jour avec ses deux copines lors de leur sessions de soutien moral où chacune confirme aux deux autres qu'elles sont les meilleures personnes sur terre et que tout est difficile émotionnellement.
Chaque personnage est profondément narcissique et tribaliste, sectaire et condescendant. Tout ce qui est émane de la volonté de Dieu, et ils passent leur temps à se féliciter car ils ont "de l'espoir" et "de la persévérance face à l'adversité". Ils sont très préoccupés par le respect. Ils précisent régulièrement que leurs mères les ont élevés "correctement" pour devenir des "gens biens", par opposition forcément à d'autres personnes qui auraient été mal élevées et seraient mauvaises.
Pour couronner le tout, des marqueurs culturels forts qui animent chaque détail de cette série réglée au millimètre. Les personnages ont des noms comme "Dana Sue", "Mary Vaughn" et "Tyler". Les dialogues sont ponctués d'aphorismes country hilarants et merveilleux. "Mon papa m'a toujours dit de faire de l'immobilier, parce que Dieu ne créera pas davantage de terres !"
Ma scène préférée reste le moment dans la saison 2 quand un jeune garçon (noir bien sûr, car il est pauvre) vient à la kermesse de l'église réclamer des nuggets en forme de dinosaure. Furieux et impoli, il hurle qu'il a "aussi faim qu'une guêpe". Le pasteur chuchote à Dana Sue que c'est un malheureux... ses parents ne viennent pas à l'église, ce sont des gens perdus moralement et spirituellement. Dana Sue est prise de pitié jusqu'à ce que son mari lui révèle qu'il est ami avec le père de l'enfant, et qu'il réclame sûrement des nuggets de dinosaure car son père ne lui donne pas assez à manger, à lui et ses 5 frères et soeurs. Ce pauvre enfant veut juste être un enfant comme les autres qui mange de la nourriture de MARQUE. Dana Sue lui achète donc des nuggets en forme de dino et verse une larme charitable. L'enfant l'embrasse pour la remercier, fou de joie il lui dit "je t'aime". Vive le capitalisme, amen.