La Guerre Froide ayant le vent en poupe ces jours-ci, pas étonnant de voir les fictions sur le sujet fleurir. Celle-ci se décline en 6 épisodes d'une heure, qui mélangent plusieurs périodes avec une obstination proche de la névrose. Un agent du MI6 découvre que son ami le plus proche depuis 25 ans est un agent à la solde du KGB, tandis qu'une enquêtrice du MI5 qui a oublié d'être bête sous ses allures de ménagère endimanchée tente de démêler les fils des allégeances diverses qui sous-tendent les organigrammes déjà compliqués des services secrets britanniques. Elle, c'est nous, les spectateurs, essayant désespérément de trouver nos marques dans un monde de faux-semblants souriants autant que mortels. C'est qu'il se joue des tas d'affrontements, dans ce sac de nœuds : Est/Ouest, bien sûr, mais aussi gens du commun et gentlemen imbus de leur supériorité de droit divin, hommes/femmes, innocents/coupables/complices/dindons de la farce, le tout à la sauce 60's. La trame temporelle complexe n'aide pas vraiment à s'y retrouver facilement, mais elle tend à nous donner le fin mot de l'histoire à la toute fin, lors d'une conversation off the record sur un balcon de Beyrouth. Conversation dont on découvre des bribes tout au long de ces 6 épisodes savamment intriqués, un peu à la Homeland, où Damian Lewis faisait déjà merveille en agent double, voire triple. Personne n'étant vraiment ce qu'il paraît être au premier regard, on sait qu'on va en baver des ronds de chapeaux pour démêler le vrai du faux, tout en croisant les doigts pour que la fin nous donne suffisamment de matière pour ressortir de tout ça avec une assez bonne idée de ce qui s'est tramé tout du long. Pour ma part, je ne dirais pas que j'ai vraiment tout bien mis à plat; malgré tout, j'ai eu suffisamment de grain à moudre pour avoir la sensation de ne pas avoir perdu mon temps. D'abord, j'ai trouvé inédite et enrichissante l'idée de la concurrence d'origine sociale entre le MI5 et le MI6 : l'espionnage populaire contre les magouilles aristocratiques, en un bras de fer stérile qui ne fait que compliquer les enjeux internationaux, déjà complexes. Ensuite, la vanité de ces embrouilles sophistiquées saute aux yeux, ce qui vient flatter l'idée que je me faisais déjà de ce genre de manœuvres aussi compliquées qu'infantiles, d'une certaine manière. Je reste persuadée qu'un jour, peut-être pas si lointain, nos descendants regarderont tout ça avec un mélange de commisération et d'amusement. A condition que tout ne tourne pas trop au vinaigre d'ici-là. On a vu les frontières et les alliances bouger si souvent que je me demande comment certains peuvent encore s'investir à fond dans des plans à la gomme destinés à nuire à leurs ennemis du moment. Mais bon, on me dira qu'ainsi va le monde depuis toujours, ce à qui je répondrai par un soupir fataliste, mais pas complètement dupe. Enfin, comme tout citoyen d'en bas, j'éprouve malgré moi une certaine fascination pour les occupations carrément perverses de ceux qui nous gouvernent et vouent leurs vies au mensonge et à la manipulation. Ils s'en sont toujours tirés, jusque là, et songent certainement que c'est le seul moyen de jouer dans la cour des grands sans considérer qu'à ce train-là, c'est une certaine forme de bonheur qu'ils tiennent éloignée d'eux aussi sûrement que l'huile éloigne le vinaigre dans la sauce de salade... Mais la jubilation narcissique peut un temps s'y substituer, visiblement, et certains milieux s'accrochent à l'ombre au lieu de se concentrer sur la proie avec une application presque attendrissante. Si on n'inclut pas les 49.3 et autres joyeusetés dans notre réflexion, parce que là... Une fiction qui permet de tout mélanger, donc, et ce sont les meilleures.