Adolescence
7.6
Adolescence

Série Netflix (2025)

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J'aurais tellement aimé noter plus haut, mais...

J'aurais tellement aimé noter plus haut.


Adolescence est un tout d'abord une prouesse technique : proposer des épisodes en un unique plan séquence, de plus de 50 minutes à chaque fois, relève d'un immense talent à la fois côté acting et côté production. J'ai toujours admiré et respecté les prises de risque dans l'art, et le plan séquence ne laisse pas de place à l'erreur.

Et ce n'est pas juste pour le plaisir de la forme : cette retranscription du temps réel permet d'apprécier les durées, à la fois la vitesse avec laquelle on peut se faire arrêter, que la lenteur d'un examen et les délais pour informer de ce qui se passe vraiment (pour ne parler vaguement que du premier épisode et ne pas spoiler tout de suite).


Passée ce waow de réalisation, que nous raconte Adolescence ? Jamie, 13 ans, est arrêté pour suspicion du meurtre de sa camarade Katie, et dès la fin du premier épisode, sa culpabilité semble plutôt bien prouvée. Mais il reste à comprendre pourquoi, alors le second épisode nous amène deux jours plus tard dans son collège, et met en lumière un système de harcèlement très diffus. Il apparaît alors que tout est clair - plus ou moins.

Le troisième épisode se recentre sept mois plus tard sur Jamie, lors d'un entretien avec une psychologue, afin d'établir ce qu'il pense, ressent, comprend de la situation, avant son procès. La psyché de Jamie et son rapport aux femmes est mis en lumière, la présomption d'innocence en prend un coup.

Enfin, le dernier épisode se concentre sur la famille de Jamie, treize mois après les faits, de leur souffrance et ce qu'ils endurent au quotidien. Ce qui n'est en rien arrangé par un appel de Jamie qui leur annonce qu'il a décidé de plaider coupable. Et la série s'arrête sur ce dernier épisode.


Sur le fond, au final, Adolescence porte bien son nom, et nous présente une immersion dans ce qu'est (en partie) l'adolescence aujourd'hui : un réseau d'individus et de technologies entremêlées à des codes en emojis, des modes de pensée hérités d'influenceurs, des vagues de haine, d'attaques et de harcèlements.

Vous pouvez lâcher ici votre meilleur "ok boomer", j'en ai conscience [rires].

L'adolescence n'est pas que ça bien sûr, mais elle est ça, et c'est de ça que parle la série. Elle raconte une histoire arrivée tant de fois, qui hélas relève aujourd'hui plus du fait divers que de l'enquête exceptionnelle. La narration prend le parti pris de l'exposition d'une violence sociétale, ancrée profondément dans les interactions entre les jeunes de notre époque. Elle ne cherche pas à pointer du doigt, elle expose, tout simplement : aujourd'hui, c'est comme ça.

Il y a une recherche de nuance, personne n'est ni bon ni mauvais, personne n'agit sans raison. Il y a une victime et un coupable, mais si on sait qui a porté le dernier coup, il est aussi pertinent de s'intéresser à qui a porté le premier. La haine adolescente est une violence complexe, à multiples facettes, qui s'inscrit dans un système vaste et labyrinthique, codifié, et souvent opaque pour les personnes qui y sont extérieures (le lieutenant, les parents).


En bref, Adolescence dresse un portrait à mon sens fidèle de son propos, et présente d'excellentes qualités de jeu et de réalisation qui le servent, et en ça c'est une très bonne série.



Mais cette série est trop incomplète.


C'est hélas le constat que je me suis fait à la fin du visionnage. D'un point de vue de l'enquête, c'est bon, on a tout : le première épisode nous présente les faits avec beaucoup de preuves et peu d'incertitudes, le second dresse un portrait du pourquoi, et les deux derniers nous amènent à sa culpabilité avérée.

Oui, et ?

Le problème est que cette série n'est pas une série d'enquête. On n'est pas dans l'excellente La Résidence (un "who done it?" avec Uzo Aduba dans la fabuleuse détective Cordelia Cupp, actuellement aussi sur Netflix), ici la série veut dresser un portrait de l'adolescence. Et donc il faut admettre que ce portrait est incomplet.


Premièrement, et c'est le plus flagrant quand la sergente le mentionne : où est Katie ? Effectivement, on ne parlera que de Jamie, on ne retiendra que le fait que c'est lui le coupable. À mon sens il manque déjà deux épisodes :

- un gros flashback d'avant les évènements qui montrerait Katie dans son environnement, afin de finir de présenter qui est elle et quelle influence elle a - mais ça aurait pu ruiner la narration chronologique, j'entends

- une narration sur la famille de Katie, leur point de vue, leurs ressentis, possiblement mêlés à ceux de Jade [sa meilleure amie] - et ça pour le coup c'était complètement faisable.

Oui, encore une fois, ce n'est que l'agresseur qui est au centre de la scène.


J'ai également été très frustré que la série se termine comme ça, comme si le "je vais plaider coupable" c'est ça qu'on attendait. Franchement, bof, je me suis endormi sur le dernier épisode tellement je ne voyais pas ce qu'il apportait - et en quoi il allait conclure la série. Là encore, d'autres épisodes pouvaient suivre :

- le procès en lui-même, qui je trouve aurait fait un bon point culminant de la narration, faisant intervenir toutes les parties prenantes, et qui conclurait sur une sentence finale

- et même, éventuellement, un épisode bien plus tard, sur Jamie après sa peine, ce qu'il pense de tout ça avec le recul, quel impact cela a eu dans son quotidien présent, etc


Enfin, finissions sur ce qu'on a commencé : la choix du plan séquence. Aussi admirable que ce soit, ce n'est pas un choix pertinent pour tous les épisodes. Il est d'une efficacité redoutable dans les deux premiers épisodes, réussissant à nous embarquer dans des dédales et des successions d'évènements ; il renforce le huis clos de l'entretien du troisième épisode, ne laissant peu de porte de sortie à ce qui pourrait se passer ; en revanche, dans le dernier... pfiouh.

Encore une fois, je me suis endormi, et c'est sûrement parce que le désavantage du plan séquence c'est qu'il rend plus compliqué les changements de rythme, les ruptures qui peuvent redynamiser la narration - et oh boy cet épisode en avait besoin. Ce dernier épisode est long, long, long. À lui seul il est responsable de la perte d'une étoile pour la série.



En conclusion, beaucoup de frustration quoi. Adolescence est empreinte d'une certaine audace, tant sur le fond que sur la forme, qu'il convient de saluer, mais reste un projet incomplet où deux à quatre épisodes supplémentaires m'auraient permis d'accorder peut-être la note parfaite. Une série à voir et à partager, assurément, mais hélas ne remplissant pas complètement le contrat qu'elle se donne.

Flo___
7
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Créée

le 27 mars 2025

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Flo'

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