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Ca y'est, je viens de terminer la saison 1 de All of Us Are Dead sur Netflix.


Comme la plupart des critiques étaient mauvaises, voire, catastrophiques à sa sortie, je m'attendais vraiment à découvrir un mix entre Sharknado et Zombeavers mais comme d'habitude, -je dis ça avec amusement - les gens sont quand même des DramaQueens de l'extrême et ont tendance à vraiment mal noter pour rien. (Si All Of Us Are Dead vaut moins de 5 sur 10 franchement, je vous invite à regarder Grizzly Park ou la revanche de Samson sur Youtube.. ;) )


En réalité, pour moi, cette petite série ne mérite pas autant de critiques car elle semble avoir été formatée -justement- pour plaire au plus grand nombre et "faire des vues". Elle est le prototype même de la sérieporn à la mode qui se consomme pour se vider la tête sans se prétendre gastro.(Même si on le verra, tout n'est pas si bêbête que ça en a l'air...)


Dans l'air du temps, cette série efficace obtiendra nécessairement assez " de succès" pour rembourser voire récompenser les producteurs sans donner l'impression d'un gros foutage de gueule comme pourrait le faire un Piranha 3D qui, clairement, pose la question d'un blanchiment d'argent.
(Dans l'épisode 1 par ailleurs, les élèves citent Un Train pour Busan pour décrire la situation, c'est dire si les créateurs assument de faire dans le "déjà vu"...)


De fait, à défaut d'un concept nouveau, on sent quand même qu'il y a du travail dans la création de cette série. Rien n'est "très mauvais". Les acteurs jouent pas mal -à noter que pour une fois ils ont choisi de "vrais coréens" et pas des top model, ce qui rend l'ensemble plus vraisemblable et qui peut être appréciable-, on ne s'ennuie pas grâce aux nombreuses scènes d'action -même si ça traine un peu en longueur en fin de saison-, c'est assez "binaire" (les méchants, les gentils) pour être compris par tout le monde et même les effets spéciaux sont plutôt chouettes.


Si on peut donc lui reprocher un aspect très commercial, un brin facile, les ingrédients de cette "soupe" n'ont pas de quoi donner la nausée non plus. (Sauf bien sûr si on est anticapitaliste, puriste radical du cinéma ou qu'on bosse à Télérama...)


On a en effet :



  1. Des zombies/infectés (Après le succès du chef d'œuvre Kingdom dont la saison 3 est longue à sortir, la porte était grande ouverte pour un public impatient …) - à noter que ceux-ci vont être un peu différents des décérébrés habituels-


  2. Un Huis Clos comme la plupart des films/séries d'horreur qui ont cartonné ces dernières années et dont le principe est un code du genre en Corée. (Dans Un train pour Busan, c'était...un train, dans Sweet Home un immeuble, ou même le très célèbre Old Boy dont presque toute l'action se déroule dans une pièce...)


  3. Des intrigues secondaires dignes de Dramas coréens classiques "pour ados" avec tous ses archétypes (Romance entre la petite ado et son meilleur ami/le beau gosse du lycée qui admire secrètement l'intello, les méchants harceleurs qui vont finir par payer leurs méfaits etc. ) Même l'intrigue principale qui est basée sur la revanche d'un père rappelle les trames des coréens historiques lambdas.


  4. Un humour loufoque made in Corée qui apporte une touche comédie horreur/remake de ZombieLand à la série pour en faire un divertissement . ( Le zombie avec son pied dans le plot VLC, le saut improbable du beau gosse dans le vide, l'influenceur Orange de Tout, les scènes pour aller aux toilettes etc.)


  5. Un Background très culture coréenne qui apporte une touche d'exotisme pas désagréable. (Blague à part, leur nourriture a l'air ouf. Ils m'ont donné faim avec leur poulet!)


  6. Du fan service pour les amoureux de l'horreur avec quelques références/parallèles avec d'autres classiques du genre. Comme je disais, les élèves citent Un train pour Busan mais également Bienvenue à ZombieLand - La Référence du Comédie Horreur de ces dernières années-, l'archère du lycée n'est pas sans rappeler Darryl de Walking Dead par exemple, l'humour de ce film évoque par instants Brain Dead, Bienvenue à ZombieLand etc., certains plans rappellent Battle Royal, les zombies ressemblent plus à des démons de films japonais -The Ring pour l'effet contorsionniste- qu'autre chose etc. On a également les "sempiternelles" scènes propres aux films d'infectés avec l'apparition de la maladie, l'analyse des premiers symptômes, les crises de panique, les effets de foule, de paranoïa, ces moments il faut décapiter/empaler/broyer le crâne des zombies, se cacher, l'affrontement avec la police ou l'armée, l'ordre qui se délite tranquillement avec les coupures réseau, internet...Tout est dans le etc. en réalité car clairement, ce film m'a donné l'impression que les scénaristes s'étaient bouffés du cinéma d'horreur pendant un mois en prenant des notes pour piquer certaines idées et les insérer dans la série.


  7. Du gore, du sang, de la survie dans un registre vu et revu mais au fond, qu'attend-t-on d'autre de ce genre de série ou de film?


    1. Mais Surtout :


Une dimension sociale/philosophique comme dans toutes les séries coréennes qui apporte une touche de profondeur, de relief par rapport aux "produits américains". (Et qui m'a fait augmenter ma note car c'est sur ce point que la série a un petit truc intéressant. Sans cela, en tant que comédie d'horreur, je suis d'accord, la série vaut simplement la moyenne.)


De fait, on le perçoit ces dernières années dans les séries coréennes, (dernier exemple en date, le fameux Squid Game mais on le voit aussi beaucoup dans les Dramas classiques) beaucoup d'artistes sont en train de remettre en cause le capitalisme, notre façon de vivre, plus particulièrement le système pyramidal d'une société coréenne fragmentée et délétère. Les inégalités et l'individualisme ambiant sont pointés du doigt.


En Corée, comme un peu partout d'ailleurs, les jeunes subissent en effet une pression monstre pour réussir leurs études et s'enrichir si bien que le pays compte de plus en plus de suicides et de dépressifs. Le désir d'être au sommet, l'obligation d'écraser les autres pour l'atteindre, engendre une société divisée et désœuvrée.


Dans All Of Us are Dead, cette dimension est bien présente. Non seulement les zombies demeurent une allégorie de cette sauvagerie humaine qui détruit l'humanité (simple, basique), mais ci et là, la série nous fait également apparaître ces problématiques par petites touches (par exemple les infos parlent de la chute de la bourse plutôt que des morts, les influenceurs sur internet sont perchés et plus intéressés par leurs vues/leur argent que par la réalité ; les habitants de Corée qui rejettent les survivants par peur et égoïsme comme ils le faisaient avec les parias et les pauvres etc.) ou par la mise en lumière de conflits concrets entre les personnages qui entravent leur survie.


On a par exemple l'élève riche/égoïste qui insulte l'autre de sangsue parce qu'il touche des allocs -vous connaissez la suite...-,et qui s'enferme avec toutes les provisions sans rien partager, des harceleurs impunis du fait de leur statut social, des personnes en souffrance car elles sont pauvres et deviennent le jouet des harceleurs, des gens prêts à tout pour s'en sortir, des sempiternels problèmes de communication entre les personnages car ils se méprisent à cause de leur "caste", leur âge ou encore leur sexe etc. Rien de bien glorifiant donc pour dépeindre le monde d'aujourd'hui.


De fait, l'invasion zombie va révéler encore plus ces conflits sociétaux et créer au fur et à mesure une nouvelle donne où les personnages vont devoir désapprendre ce qu'on leur a enseigné du monde pour compter uniquement sur leurs compétences et coopérer afin de survivre. Au fond, l'important n'est-il pas "la santé"?


Par exemple, l'archère qui était critiquée par son professeur au début de la série pour être "nulle" va devenir une badass en survie, la déléguée va trouver une réelle place au sein de cette nouvelle société sans que ce soit liée à l'argent de ses parents, le jeune en surpoids (les coréens sont ultra grossophobes) va devenir une sorte de héros et avoir le courage de dévoiler ses sentiments etc.


Au fond, donc, par cet enfer zombiesque, la série assène une critique bien amère du monde actuel sans l'air d'y toucher et tend finalement à dresser le tableau d'une "société meilleure" où les vraies valeurs vont/doivent retrouver une place essentielle dans les rapports humains pour la survie de l'espèce. (Cela me fait penser à la chanson l*'odeur de l'essence* d'Orelsan tiens, décidément, c'est vraiment dans l'air du temps ;) )


Par ailleurs, la question du harcèlement est au coeur de l'intrigue principale et un peu comme dans 13 reasons Why, la série, en mode "J'accuse", s'engage pour dénoncer voire analyser ce travers dans nos écoles mais surtout, font apparaître ces comportements déviants comme des symptômes de cette société déclinante et perverse. Elle rend donc les adultes, la société, responsables de ces souffrances et cette perte des repères.


Je dois dire que les scènes de harcèlement, la violence qui en découle m'ont fait plus froid dans le dos que les zombies, sans doute car cela est réel.


En ce sens, bien que ce soit convenu, on peut considérer cela comme une touche originale ou identitaire de la série. C'est ce qui lui apporte un côté sombre, cinglant et ce sont de ces éléments que naissent les vraies scènes de violence et d'horreur. Les vrais "méchants" sont d'ailleurs bien humains ! J'ai apprécié ce parti pris, un peu "Black Mirror" car en vrai, c'est assez réaliste tout ça..


Dans cet ordre d'idées, ce contexte apporte ci et là de la profondeur à certains personnages.


Notamment, la détresse et la colère du père n'en sont que plus touchantes, troublantes et en font un anti-méchant plutôt intéressant. J'ai particulièrement aimé ces répliques entre le père et le policier qui sont l'explication de tout ce chaos :



  • Le père : "Un moins que rien comme moi ne peut rien changer le système. J'ai donc juste voulu changer mon fils. Je ne voulais pas qu'il meure. Je ne voulais pas qu'il se suicide. Je ne voulais pas créer un monstre. Mais il faut être un monstre pour survivre. J'étais désespéré à ce point [...] Je vous avais prévenu qu'ignorer des violences légères résulterait en un monde dominé par la violence .
    Le policier : Mais tous ces gens savent ils pourquoi ils meurent ? C'est vrai, ils ne sont pas tous innocents. Mais il y a des choses qu'on doit payer en mourant, et d'autres pour lesquelles on doit passer sa vie à les réparer. Si ce que vous vouliez c'était changer le monde, était-ce vraiment le bon choix ?*


Pour conclure cette critique, je m'associe humblement à tous ceux qui ont pu dire que cette série manquait d'originalité, qu'elle ne renouvelait clairement pas le genre #comédiehorreurzombie et qu'en ce sens, elle ne valait pas nécessairement le coup d'être vue.


Néanmoins, étant une grande fan d'horreur dans toutes ses coutures, j'ai trouvé que cette série répondait plutôt bien aux attentes du genre et avait été pour moi un très bon divertissement. J'ai sursauté, j'ai ri, j'ai lâché des "beurk", j'ai soupiré devant la bêtise des personnages...comme devant presque tous les films de zombies ! En tant que tel, la série est donc correcte pour moi.


De même, comme je le disais, l'intérêt de cette série réside plutôt dans sa satire de l'être humain, du monde actuel et à ce titre, me parait être plutôt une réussite même on tourne toujours autour des mêmes constats ou regrets.


All of us are Dead est donc une série à voir soit comme un divertissement "sympa"/correct un dimanche après-midi au coin du feu ou pour les plus curieux, qui voudraient creuser davantage, comme un regard sur le monde moderne par un prisme made in Corée.


PS : Sans spoiler davantage, je dirais juste pour terminer que les 30 dernières secondes de la saison 1 laissent à penser que la saison 2 sera bien plus originale et pourrait prendre un tournant très intéressant. Je croise les doigts.

Usdina
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le 31 janv. 2022

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