Après Preminger ou Clouzot, était-il possible de "faire mieux" en matière de "film de procès" ayant l'ambition de transcender le simple (mais roboratif) plaisir du jeu d'échec entre avocats brillants et manipulateurs et du suspense judiciaire ? Oui, répond "American Crime Story" dans sa brillantissime première saison, consacrée à la sulfureuse affaire O.J. Simpson, qui passionna autant l'Amérique dans les années 90 qu'elle laissa indifférent le reste du monde. Oui, car l'atout majeur du format série TV, c'est la disponibilité du "temps", qui garantit une immersion autrement plus complète du spectateur (aucun détail de ce scandale judiciaire sans précédent ne nous sera épargné...), et qui nous offre surtout ce sentiment d'être parfaitement synchronisés avec la durée d'un procès complexe, dont tous les événements sont retranscrits ici avec une belle minutie. Très vite, et c'est la force de "American Crime Story", le suspense (sur le comment plutôt que le quoi, puisque le résultat du procès est bien sûr connu à l'avance...) se double d'une chronique impitoyable des maux endémiques de la société américaine, maux qui, assez incroyablement, sont les mêmes 20 ans plus tard : prépondérance du spectacle dans les médias, obsession omniprésente des problématiques de races, violences policières, indifférence du système vis à vis des victimes, et sexisme décomplexé. Des maux qui sont d'ailleurs ceux de la plupart des sociétés modernes. En cela, "American Crime Story" est véritablement puissant, et, pour tout dire, s'avère aussi indispensable que jouissif. Soulignons l'excellence générale de l'interprétation, magnifiant la finesse de l'écriture (ma préférence allant quand même au tour de force réalisé par un Travolta superbe d'ambigüité et de contradictions - d'ailleurs visiblement très engagé dans le projet dont il est producteur !), et admettons néanmoins qu'une mise en scène occasionnellement trop spectaculaire, trop envahissante, gâche un peu la finesse de notre plaisir devant une série aussi passionnante... presque parfaite, donc. [Critique écrite en 2017]