Je crois que je suis quelqu’un de bon public, en ce qui concerne l’humour. Il n’est pas très difficile de me faire rire, et pourtant… ben c’est un peu plus compliqué que ça. Genre un chat qui joue du piano, ça a plus de chances de me faire pleurer que rire. De même, l’humour cabotin des one-man shows me déplait souverainement. On dit souvent qu’il est plus facile de faire pleurer que de faire rire, et au fond c’est logique : faire rire demande de systématiquement surprendre le public, là où il est franchement rare de pleurer de surprise. Je pense que c’est vraiment le cœur de l’humour, en tout cas pour moi : casser les codes. Un humoriste de one-man show, il se prend trop au sérieux. Le gars qui filme son chat jouer au piano, il sait que c’est drôle, ou en tout cas hors-norme, il joue sur un décalage relativement prévisible. L’humour qui me parle, moi, c’est celui qui fait la part belle au chaos. Et Archer fait ça très bien.
Archer, c’est Sterling « Duchesse » Archer (Duchesse étant un nom de code inspiré par le nom du chien de sa mère, tout un poème), agent secret star de l’agence ISIS… dirigée par sa mère, Malory Archer. Si les deux larrons ont un point commun, outre leur nom de famille, c’est leur immoralité. Ils boivent, ils couchent avec tout ce qui leur plait, ils tuent quiconque se met dans leur chemin… Les défenseurs du monde libre dans toute leur splendeur. L’autre agent de terrain de l’agence, c’est Lana Kane, une afro-américaine qui doit supporter à longueur de journée les conneries de Sterling, ce dernier mettant un point d’honneur à emmerder le plus de monde possible autour de lui. Les autres personnages de la série sont Cyril, le comptable d’ISIS, qui subit les moqueries d’Archer et doit rafistoler les comptes de sa mère, Cheryl, la secrétaire masochiste (I mean, litterally, elle adore se faire étrangler) de Malory, Pamela, la DRH épaisse (dans tous les sens du terme), Ray Gillette, agent homosexuel qui fait le bouche-trou de temps à autres (phrasing !), et Krieger, scientifique d’ISIS complètement taré qui accomplit des expériences à base de clonage et de biotechnologies au passé trouble. Cette fine équipe se retrouvera aux prises avec le KGB, ODIN, autre agence internationale qui leur vole tous leurs contrats, des mercenaires et trafiquants de tous poils, des pirates de l’espace, des cyborgs… tout, je vous dis.
Ce que j’aime particulièrement dans Archer, c’est que cette série fait de la lourdeur un véritable ressort comique, plus encore que d’autres séries américaines qui tentent d’exploiter ce ressort : le comique de répétition est bien géré, les situations sont plus connes les unes que les autres, même les expressions faciales et corporelles des personnages participent à cela, malgré la simplicité de l’animation. Le scénario redouble de vulgarité et d’immoralité, et quand on croit avoir touché le fond, on tombe plus profondément encore. Ce type d’humour ne plairait certainement pas à tout le monde, je crois pas d’ailleurs qu’il ait pour vocation de plaire à tous ; c’est d’ailleurs pour moi ce qui sauve cette série par rapport par exemple aux Simpsons, série à laquelle sa popularité a imposé de devenir progressivement de plus en plus convenue, consensuelle, creuse. Archer ne va pas dans ce sens, reste irrévérencieuse, absurde, chaotique et imprévisible, pour l’instant du moins.
Faut noter également le superbe travail des doubleurs (vo) sur la série. Je pense notamment aux doubleurs de Sterling et Malory, même si les autres sont également plutôt bons dans l’ensemble. J’adore également le doublage de Krieger, et le personnage en tant que tel d’ailleurs. Le savant fou est un grand classique, mais il est saupoudré de ce qu’il faut de glauque et d’absurde pour renouveler ce caractère avec efficacité.
Bon, la série est loin d’être parfaite, bien évidemment. Le n’importe quoi ambiant de la série, gage de sa qualité, est également la garantie d’épisodes inégaux. Il n’y en a pas énormément, mais ils sont bel et bien présents. Le personnage de Pamela est également horriblement lourd, ce qui n’est pas un mal la plupart du temps, mais devient parfois franchement pénible. La doubleuse a également une forte tendance à crier, ce qui tape parfois sur les nerfs.
Clairement, Archer n’est pas une série pour tout le monde. Maintenant, je ne peux que la recommander aux amoureux du mauvais goût, dont je fais partie, qui y verront leur saint Graal.
En ce qui concerne les saisons, il est à noter que la cinquième, dernière sortie jusqu’à présent, fait prendre un nouveau tournant à la série. Si j’ai beaucoup aimé l’idée, j’ai été un brin déçu par l’exécution, pas toujours à la hauteur.