Il s'agit de l'habituelle adaptation en animé du début d'un manga. Je n'ai pas lu le manga, mais son accroche c'est les dessins représentant le charme de la ville de Florence au début du XVIe siècle pour une oeuvre qui prétend parler du raffinement artistique de la Renaissance italienne.
L'histoire a lieu, c'est dit par la voix off, au début du XVIe siècle. En fait, c'est un peu subtil à comprendre, mais si pour tous les autres pays autour de l'Italie, c'est alors le début de la Renaissance, pour l'Italie et en tout cas pour Florence c'est plutôt la fin de la Renaissance. La cathédrale de Notre-Dame des fleurs avec son dôme et sa beauté est déjà en place. Mais la peinture n'est pas l'architecture et cette série se déroule à une époque de grands peintres italiens universellement connus. Ceci dit, les florentins partaient plus volontiers pour Rome. On pourrait tout de même s'attendre à rencontrer Botticelli dans ses vieux jours, un Michel-Ange assez jeune mais pas souvent à Florence. Les chances de rencontrer le vieux Léonard de Vinci qui part en France sont plus faibles, tout dépend si la série se déroule avant 1516 ou après. Les chances de croiser Raphaël doivent être encore plus faibles. Ceci dit, sur les six premiers épisodes, on ressent un fort anonymat des ateliers et des peintres en présence. Un jeune apprenti se nomme Angelo Parca et le maître de l'héroïne Leo, deux allusions évidentes à Michel-Ange et à Léonard de Vinci mais qui justement rendent du coup peu probables l'apparition de ces maîtres dans l'histoire. Quant à l'héroïne, elle se nomme Arte, nom symbole, et son nom semble s'inspirer d'une femme peintre venue un siècle après, et non pas florentine mais romaine, Artemisia Gentileschi. Arte doit probablement se comprendre comme un diminutif d'Artemisia. Ceci dit, là encore, les rapprochements ne vont pas loin. Artemisia peint dans la continuité du Caravage des sujets plus violents et tourmentés, son histoire privée est elle-même sordide, les demeurés de la psychologie de comptoir essayant d'interpréter sa peinture en fonction de son vécu. Arte n'a rien à voir avec Artemisia. Cette dernière était reconnue dans la profession et soutenue par son père qui était peintre. Du coup, on pourrait à la limite penser que Arte en prend le contre-pied. Au début de l'histoire, son père qui la soutenait est mort, elle est noble, mais n'a que quinze ans et sa mère lui impose le modèle qu'elle a elle-même subi. Arte doit se marier et n'avoir de culture que pour être une bonne épouse, mais elle doit renoncer à la peinture.
Mais, le problème, c'est qu'on a une fille de la noblesse florentine de quinze ans qui quitte la maison pour devenir une femme peintre. L'autorité familiale sur une personne mineure est considérée comme rien par la mangaka. Admettons.
Elle montre ses travaux dans tous les ateliers où elle se fait systématiquement rejeter parce qu'elle est une femme. Nouveau problème, on a droit à une représentation typée manga du refus. On ne voit en rien se mettre en place un refoulement par les règles sociales, par une sorte de pression qui vient s'imposer. On a juste des hommes qui lui disent de se barrer et qui ont tous le même manque de délicatesse. C'est du gros n'importe quoi ! Puis, évidemment, face à cela, elle fait l'héroïne de manga, ce serait pareil dans un shônen, elle montre qu'elle est déterminée. On lui fait des épreuves trop difficiles même pour un homme, mais elle s'acharne et on la respecte un peu plus. Je vois un shônen dont le héros est une fille, je trouve ça complètement bizarre, surtout qu'elle porte des sacs, etc., elle se dépasse physiquement pour être acceptée, mais même pas sur ses qualités de peintre. C'est trop farfelu. Cela part d'idées sur le machisme qui sortent de l'imagination pour retourner à l'imagination. Il n'y a pas de peinture du réel de la condition humaine d'une époque.
Bien sûr, on peut se dire que c'est un manga, que l'histoire peut être ainsi, mais quand même il y a un problème de développement. On découvre des trucs sur les pigments à l'époque, sur la dissection des cadavres qui est encore mal acceptée par l'Eglise mais qui permet aux peintres de mieux connaître l'anatomie, on voit les mécènes et les prostituées qui tant qu'elles sont en gloire vivent dans le luxe, mais on retombe dans les clichés de la prostituée qui est admirée parce qu'elle copine un peu, parce qu'elle a beaucoup de livres et se battrait avec courage pour s'imposer, cliché de la prostituée typique de l'univers fictif des mangas. La scène de dissection, ça tourne à rien scénaristiquement.
Enfin, on a une héroïne qui dit renoncer à sa féminité, elle se coupe les cheveux pour trouver un maître et vivre par elle-même en ayant le plaisir de se consacrer à la peinture, et le résultat c'est le contre-pied parfait, la formation auprès d'un maître dans la peinture se confond d'emblée avec les préoccupations sexuelles quasi exclusives. Le maître est obligé de la rappeler à l'ordre et lui signale qu'elle se laisse aller, parce que alors qu'il parle de peinture elle pense à l'amour. En prime, on a un triangle amoureux car un apprenti en pince pour elle.
Il faut savoir ce qu'on veut raconter. Du coup, je trouve le manga complètement raté dans son propos.