Imaginez ressuciter la magie (noire) d'une franchise culte lancée 35 ans plus tôt, en la transitionnant sur petit écran. Avec le même panache. Le même élan primesautier. La même déglingue de sale gosse. Il fallait bien Sam Raimi et sa bande de fous pour réussir ce tour de force : une série horrifique qui malgré sa violence graphique, fleure bon l'esprit de famille, tant par ses thèmes abordés (apprentissage du team building pour Ash grâce aux liens du sang et à ses frères de sang) que par sa forme (réunion des trois frangins Raimi et de leurs comparses habituels, devant et derrière la caméra).
On aurait pu croire que le délai et la modernisation des effets spéciaux empêcheraient de recréer le charme rétro et passablement bricolé des films, mais point du tout : Ash vs ED prolonge l'extravaganza d'Army of Darkness dans sa même énergie caustique. Festin cartoonesque haut en couleurs servi par des répliques qui claquent et du sang qui éclabousse (entre autres fluides corporels). C'est Voyage au bout de la night of the Evil Dead, au volant d'une Oldsmobile roulant à mille à l'heure.
L'occasion de compléter la backstory de Ash "The Deadite Slayer", détailler son profil psychologique, revisiter certains décors emblématiques (la cabane, encore et encore) ou réinventer des gags chéris par les fans (le double maléfique, encore et toujours) ; occasion aussi d'étoffer la cosmologie lovecraftienne très basique qui était celle de la trilogie, en étendant l'univers Evil Dead et sa timeline. Avec comme d'hab, une pléthore de fulgurances visuelles, sonores, et une caméra habitée qui virevolte de partout pour accompagner la galerie de persos (joli casting comprenant Xena, autre protégée de Raimi). Bruce Campbell a pris quelques rides mais on s'en contrefout, son charisme n'en a pris aucune. Pur bonheur de le voir réendosser son rôle de héros/martyr : même au XXIe siècle notre Asher Slasher reste politiquement incorrect, plus badin et badass que jamais, il assume pour de bon son destin de sauveur-tronçonneur et ça fait du bien.
Certes, quelques épisodes opèrent des raccourcis ou suivent des arcs narratifs un peu faiblards, mais quelle importance ? Là n'est pas le sujet, ça ne l'a jamais été. L'important, pour conserver l'esprit d'origine, est d'exploiter cette mince frontière qui sépare l'horreur de la comédie, en misant sur le burlesque. Rien n'est vraiment pris au sérieux, si ce n'est le travail de l'équipe créative derrière qui se donne à fond pour offrir du splatter gore de qualité. Ainsi donc, surenchère oblige, les gags poussent l'horreur slapstick toujours plus loin dans le nawak, avec des séquences aux ressorts comiques aussi loufoques que traumatisants (scène de la morgue........). À noter que certaines trouvailles scénaristiques fonctionnent particulièrement bien : celles reposant sur les objets possédés, à l'instar de la voiture ou de la marionnette Ashy Slashy, font carrément penser à Marivaux et Beaumarchais dans leur optimisation dramaturgique de l'inanimé à des fins humoristiques.
Bref, un pur divertissement récréatif à tenir hors de portée des enfants ; trois saisons qui passent beaucoup trop vite ; les montagnes russes du fun. Rock'n'roll, funky, et infiniment groovy.
(Bonus: On dirait bien que l'ami Raimi s'est vengé en reprenant sa fin initialement voulue pour ED3, sur laquelle Universal avait mis son veto à l'époque... Redoutable petit farceur, décidément!)