Pas une bonne série sur l'autisme mais une bonne série quand même

Pourquoi Atypical n'est pas une bonne série sur l'autisme ?

Basons-nous sur la vidéo d'Alistair et Licarion Rock, Dix clichés sur l'autisme. Sam est un mec blanc, cishétéro, sans aucun handicap physique, de la classe moyenne voire moyenne supérieure, diagnostiqué très tôt (entendez par cette liste qu'il est donc "que autiste"). Il est le seul personnage principal autiste, entouré de personnes allistes - mis-es à part ses quelques ami-es autistes qui sont très secondaires pendant une bonne partie de la série (jusqu'à la très pratique Sid... bref). Il est représenté comme souvent incohérent, incompréhensible, froid, distant et blessant. Et aux dernières nouvelles, ni son acteur Keil Gilchrist ni la réalisatrice Robia Rashid ne sont autistes. Ce qui fait de Sam une pas très bonne représentation de l'autisme.
Alors il y a des points d'écriture intéressants : son intérêt spécifique pour les pingouins qui n'a pas vraiment d'utilité pratique et qui est réellement son moyen d'interaction privilégié, la bonne représentation de l'hypersensorialité, etc, donc ce n'est pas la pire représentation non plus. Mais pour moi ce n'est pas suffisant pour compenser toutes les incohérences qu'il présente.

Le dernier gros point qui me dérange, c'est l'évolution de Sam, et le sous-texte que j'y lis. Au début de la série, Sam est présenté comme inadapté au monde, il doit constamment faire des efforts pour s'adapter, et tant qu'il n'y arrive pas c'est aux allistes de faire des efforts pour s'adapter à lui (s'iels le veulent bien). Et au fil des saisons, au fil des efforts, les personnages arrivent à un certain équilibre, et c'est merveilleux. Pour moi le sous-texte, c'est c'est difficile d'interagir avec des personnes autistes, mais accrochez-vous, ça en vaut la peine.
Alors que la réalité, c'est que les personnes neurotypiques et neurodivergentes ne vivent pas dans deux mondes qui se percutent, mais dans un unique, conçu par et pour les personnes neurotypiques, dans lequel les personnes neurodivergentes ne sont bienvenues qu'au prix d'efforts des deux côtés (souvent d'un seul), quand la solution serait de repenser notre monde de façon plus inclusive (Datagueule) - et ici par "notre monde" j'entends "la perception des différents modes d'interaction sociale entre les personnes autistes et allistes".

Le problème que j'ai avec le personnage de Sam, c'est qu'il rejoint l'arc narratif classique du si tu as une différence de la norme, alors tu dois faire des efforts pour t'intégrer, qui me pose deux problèmes. Le premier, comme dit plus tôt, c'est que les gens de la vraie vie peuvent sortir de la norme de plusieurs façons en même temps, et c'est très souvent le cas des personnes autistes. Ne représenter Sam comme n'étant "que autiste" gomme beaucoup d'intersectionnalité pour se focaliser que sur ce trait - et comme ce trait n'est pas très bien traité, bah bof.
Le second, c'est à nouveau le message, qu'il faille s'intégrer. En tant que personne qui n'est pas considérée dans la norme, est-ce que j'ai vraiment envie de faire des efforts pour m'intégrer à une société qui me met de côté à cause de mes différences ? Non. Je veux être accepté et reconnu avec mes différences, car elles font partie intégrante de moi et n'ont ni plus ni moins de valeur que ce qui est considéré comme "la Norme".

Pourquoi c'est une bonne série quand même ?

Parce que les personnages allistes, eux, sont bien écrits, cohérents et attachants - normal, vu qu'on est dans une série par et pour les personnes allistes. Quand on sort du cadre de l'autisme, cette série aborde plein de sujets, comme l'éveil queer, les attentes de performance, les difficultés du mariage, la fin de vie, le déménagement, etc. Les autres arcs narratifs sont bons, se résolvent sans queue de poisson, et sont plaisants à regarder.

Et parce qu'il y a un contre-exemple à toute la première partie : l'amitié entre Sam et Zahid. Dans cette relation, l'autisme n'est pas le point central, ce n'est pas comment il faut protéger Sam ou lui rappeler qu'il se comporte différemment. Chacun voit un l'autre une altérité qui arrive à faire du sens, et c'est la base de toute relation : construire mutuellement avec les différences de l'autre, point.

Cet exemple, et cette relation en général, montre la vraie bonne marche à suivre : considérer les personnes neuroatypiques avec leur divergence mais sans les ramener à cette différence, qui fait partie d'elles mais ne les définit pas.

Au final, je suis content que cette série existe, car c'est un premier pas. Mais ce n'est qu'un premier pas, il faut plus de séries par et pour les personnes concernées, qui mettent en scène plus d'intersectionnalité, plus de personnages concernés ensemble. Car quand on parle de représentation, plus égal mieux.