Avatar : Le dernier maître de l'air par Hameçon
Petit scoop: les enfants ne sont pas idiots. Malgré cette évidence, rares sont les séries et dessins animés ciblés pour leur tranche d'âge qui tiennent compte de cela. On préfère leur proposer du contenu abrutissant et vendeur de jouets (Pokémon et cie). Alors quand une série arrive et bouleverse cet ordre établi, forcément, ça surprend.
Avatar: The Last Airbender a commencé comme ça pour moi: une série pour enfants, venue des US mais avec une esthétique nippone, j'ai déjà vu. En plus, je ne suis pas fan des mélanges de styles: on masque souvent la vacuité de son propos avec une esthétique japonaise pour faire cool. Bref, pas du tout convaincu, mais curieux, je me lance dans un épisode, au hasard et contrairement à mon habitude, pas le premier.
Une claque.
Avatar: The Last Airbender est au final la fusion très réussie de plusieurs genres et courants. On retrouve tout ce qui fait le sel de l'animation américaine (je ne dis pas occidentale, les américains ayant mieux saisi le truc que nous, pauvres européens). L'esthétique manga est utilisée avec beaucoup de justesse: les mimiques des personnages, les déformations du visage, le design de la série. La synthèse s'opère dans les couleurs et le thème général de la série: chaque civilisation a son propre jeu de couleurs. Toutes sont vraiment bien choisies. De plus, il y a une vraie recherche dans l'ethnicité des personnages. Je ne sais pas, c'est pour moi la preuve qu'on est pas face à une série japonaise. Bon, mais ça, c'est le dessin et le dessin c'est accessoire.
Le scénario est selon moi le grand gagnant de cette formidable addition: simple de prime abord (il est résumé et résumable dans une séquence pré-générique), il prend de l'ampleur au fil des épisodes. La structure en "livres" et non saisons est au départ un peu pompeuse. Au fur et à mesure que progresse l'histoire, on prend conscience que ce terme n'est pas galvaudé et que les scénaristes ont bien réfléchi à l'avance au déroulé des événements. Un régal.
Ce qui place finalement la série au dessus du lot, et qui emporte en moi une adhésion totale, ce sont les personnages. Héros comme adversaires, ils sont formidablement réussis. Les méchants sont exquis. On est à des années-lumière des méchants unidimensionels et cartoonesques des dessins animés pour enfants. D'une grande complexité, ils sont formidablement réalistes. L'Amiral Zhao (doublé magistralement par Jason Isaacs) est un personnage implacable, fourbe, impulsif mais pas stupide. Le premier livre détaille sa lente montée en puissance au sein de la marine de la Nation du Feu. Au fur et à mesure que progresse l'histoire, ses (sombres) desseins seront révélés. Zuko, le prince de la Nation du Feu est un exemple d'adolescent blessé, brillant et instable.
La palme doit cependant revenir à Azula, la princesse de la Nation du Feu. Un véritable chef d'œuvre à elle toute seule, peut-être la plus grande méchante d'un dessin animé. Brillante, géniale et incroyablement féroce, elle s'avèrera implacable dans sa traque... à seulement 14 ans.
Car si de prime abord la série peut sembler binaire (les méchants du feu contre le reste du monde), la série introduit très vite des touches grises à son portrait: tous les habitants de la Nation du Feu ne sont pas mauvais, tous les habitants des autres nations ne sont pas bons. En proposant une exploration d'un monde original fait de nuances, les créateurs de la série offrent une vision simplifiée mais pas infantilisante de notre monde. Un très bon point pour eux.
Les héros sont très attachants et sympathiques. Il y a moins à dire à leur sujet. Ils se rangent dans des archétypes plus classiques. Soulignons cependant le personnage de Toph, un véritable garçon manqué de 12 ans (rare dans une série pour enfants), aveugle de surcroit. Le personnage rejoint le trio initial dans le deuxième livre et complète parfaitement alors que l'on ne voyait pas bien ce qu'il manquait au groupe. Génial.
Je pourrais encore parler des heures de cette série que j'adore et que je revois parfois avec beaucoup de plaisir. Les créateurs ont en plus eu le bon goût de s'arrêter quand ils l'avaient prévu et voulu ce qui ne laisse pas de goût amer dans la bouche, juste un goût de trop peu. Et quand ils annoncent une suite située 75 ans après la fin de la première, les fans dont je fais partie exultent et piaffent d'impatience.