Pour l'amour d'un père

J'imagine que lorsque les discussions ont débuté avec Bruce Timm pour savoir s'il voulait donner un nouveau souffle télévisuel au Dark Knight, l'hésitation n'a pas dû beaucoup se faire sentir. Pour vous situer, Bruce Timm, ou Timmy pour les intimes, c'est un petit peu le papa de Batman sur le petit écran : à l'origine de la célèbre série des années 90 ainsi que de sa suite, autant dire que Timmy, c'est pas le premier venu, et que Batou c'est tout de même son bébé . Alors bien sûr le frisson est là quand on découvre le nouveau générique du Caped Crusader, toujours plus sombre, plus adulte, provoquant son lot de frissons à l'instar de la perfection qu'était son aîné.

L'enjeu était donc de taille de faire presque aussi bien que la perfection de la première série, autant dire que la tâche se présentait comme ardue. Et ardue, elle le sera, pour plusieurs raisons, mais d'abord je voudrais poser une question : qu'est-ce qui fait l'essence d'une série animée ? A quoi peut-on répondre : "oui, ça, c'est un épisode d'une série, ça se voit" ? Je sais, ça fait deux questions déjà mon p'tit cervidé préféré, mais ne me fais pas perdre le fil avec ton regard torve. De mon point de vue, la question est très complexe, mais j'ai trouvé un début de réponse grâce à Batman Beyond. Il ne suffit d'avoir des épisodes de qualité, dont le dessin et l'animation sont beaux, dont la musique est grandiose, dont les personnages et les intrigues sont profonds. Il faut quelque chose en plus, et ce quelque chose, c'est la cohérence inter-épisodique (la cohérence entre les épisodes pour faire plus simple, mais ça claque plus avec un mot à trait d'union). J'ai déjà utilisé cet exemple dans une autre critique il me semble, mais j'y reviens encore (l'exemple n'est pas de moi, il vient de Bergson) : prenez une partition de musique, elle forme une mélodie. La musique est avant tout un mouvement composé dont l’essence et la signification ne peuvent être atteintes par sa décomposition ; c’est le principe même de la mélodie, qui ne peut être comprise comme un simple assemblage de notes. C'est la même chose pour une série : prenez tous les épisodes ensemble, vous n'aurez qu'un assemblage d'épisodes, pas véritablement une série. C'est la limite de Batman Beyond : les épisodes pris individuellement sont bons, voire très bons, mais l'ensemble ne revêt pas une cohérence suffisante pour être plus qu'un ersatz de série.
La première saison est construite sur le même schéma que la première saison de X-Men Evolution : à la fin du double épisode d'introduction, un méchant naît et sera battu en fin de saison. C'est à partir de la saison 2 que tout se gâte : avec le double d'épisodes et la création du méchant, la cohérence est partie très loin en vacances, probablement avec une partie de l'inspiration de Timmy. C'est bien dommage, car en-dehors de cela, la série serait véritablement d'une qualité supérieure indéniable, mais il lui manque ce corps pour en faire un ensemble articulé et, finalement, "sériel".

Si l'on excepte ce défaut majeur, on ne peut renier l'amour de Timmy pour Batou qui transpire par tous les pores de chaque épisode. On ressent de la bienveillance pour le vieillard Wayne qui, malgré son âge n'a rien perdu de sa superbe et de sa présence époustouflante que l'on pouvait contempler dans la série originelle. Il n'est d'ailleurs pas anodin que Wayne est pris un chien de garde, véritable double sombre de sa jeunesse en Batman, qui aura même droit à un épisode dédié plutôt intelligent. Il n'est pas possible de rester indifférent face à la nostalgie de Timmy lorsqu'il ressort Victor Freeze du congélo (cette épisode, Saison 1 Episode 5 est d'ailleurs particulièrement réussi et fortement recommandé). Il n'est pas non plus pensable de rester de marbre face à la patte esthétique de certains épisodes.

Pour toutes ses raisons, je conseille cette série aux fans du Caped Crusader, mais aussi aux personnes sensibles à l'expression de la nostalgie à travers un dessin animé. Parce que l'amour d'un père (même télévisuel), il est difficile de le mettre de côté, surtout quand on a le même prénom qu'un des plus vieux et des plus grands héros de Comics qui ait jamais été créé.