Et une tournée d'hydromel, une ! (saison 1)

Et si l'Histoire revenait toquer à la porte de notre présent ? En 2020, partout dans le monde et ici en Norvège, des personnes arrachées à leurs époques lointaines se mettent à surgir inexplicablement près des zones côtières du pays. Ces "passétrangers" proviennent de trois ères distinctes : la Préhistoire, le règne des Vikings et le XIXème siècle.
Quelques années plus tard, alors que des petits groupes de ces voyageurs temporels continuent d'apparaître régulièrement en mer sans que l'on ne sache comment ni pourquoi, la société norvégienne a été contrainte de se redessiner pour tenter d'intégrer cette population orpheline du temps et ostracisée par sa descendance moderne. À ce titre, la police d'Oslo accueille pour la première fois dans ses rangs une fonctionnaire venue des tribus Vikings : Alfhildr Enginnsdóttir. Sous la supervision de Lars, son coéquipier du monde contemporain, elle est chargée d'enquêter sur le meurtre étrange d'une "Préhistorienne"...

Comment ne pas avoir envie de lever une corne remplie d'hydromel en l'honneur de "Beforeigners" ? Produite par HBO Europe, cette création norvégienne est une fois de plus la preuve parfaite qu'avec des idées et des moyens à la hauteur de leurs ambitions, les séries SF européennes n'ont plus grand chose à envier à leurs collègues anglo-saxonnes ! À un pitch diablement intrigant répond un univers passionnant, rendu instantanément crédible par un premier épisode où fourmillent les croisements anachroniques improbables de cette réalité proche pour mieux nous y immerger. Sur bien des aspects, dans les prémices de sa construction, "Beiforeigners" s'inspire finalement beaucoup de séries B américaines comme "Futur Immédiat" ou "Bright" en utilisant le buddy-movie policier afin d'établir un tandem fondé sur la différence et chargé plus largement d'établir une connexion "inter-espèces" entre la majorité et une minorité d'un monde alternatif. Cependant, ici, la minorité en question n'est pas une race alien ou constituée de créatures légendaires mais bien des humains, ceux-là même ayant engendré les fondements de la Norvège actuelle (l'origine préhistorique, la domination Viking et les fondements modernes du XIXème) et se retrouvant aujourd'hui face à une génération du XXIème siècle qui les traite comme une population étrangère sur leur propre sol ! Poussant les curseurs de sa vision critique bien plus loin que ses références américaines, "Beforeigners" devient ainsi une charge féroce sur la question du traitement des migrants à qui un système cherche à enlever leur humanité pour éviter de les traiter en égaux. Plus encore, la série élargira le spectre de son discours à la question des minorités en général grâce à de formidables petites trouvailles (la communauté trans-temporelle) que la progression de son enquête policière lui fournira.

Du côté de ces investigations, le meurtre auquel vont être confrontés nos deux policiers ne va évidemment qu'être le début d'un plus vaste mystère nous faisant effleurer la grande énigme des anomalies temporelles mais, surtout, un cheval de Troie pour explorer une bonne partie des multiples strates de cet univers et des personnages aux intentions plus ou moins bonnes que l'on sera amené à y croiser. On pourra parfois reprocher à cette première saison de trop s'éparpiller entre ses intrigues secondaires ou d'opter pour une progression en mode jeu vidéo vis-à-vis de son enquête (un mini-boss en cache toujours un plus grand en gros) mais la mosaïque de destinées assemblées dans son sillage témoigne d'une abondance scénaristique qui se révèle très impressionnante en bout de course vu l'amplitude des éléments mis en place au bout de seulement six épisodes !

Enfin, comme dans tout bon buddy-movie qui se respecte, le duo formé par Lars et Alfhildr produit son lot d'étincelles très réussies autant sur le terrain de l'humour induit par le choc de cultures que sur celui de l'amitié touchante et respectueuse s'instituant entre eux au fil des épisodes. Si Lars apparaît un peu comme le maillon faible du tandem à cause des stéréotypes que son personnage de flic accumule (divorcé, toxicomane, etc), Alfhildr en est clairement l'atout le plus détonnant, capable de nous attacher de façon irrémédiable à leur relation dans l'attente de la prochaine saison.
-Personnellement, je suis complètement tombé sous le charme de son interprète Krista Kosonen. -

Certes perfectible, cette première saison de "Beforeigners" n'en constitue pas moins une bonne surprise dont les ultimes rebondissements pourraient amener la série vers quelque chose de bien plus grand. Espérons que la deuxième saison confirmera nos bonnes impressions...