Difficile de trouver les mots pour parler de Better Call Saul.
A l'annonce du projet, je m'attendais à une tentative opportuniste de surfer sur la vague d'un succès en développant les frasques d'un personnage secondaire, assez mystérieux mais finalement sans grand intérêt. Tout de même intrigué, je me suis plongé 6 ans après corps et âme dans ce feuilleton passionnant et je vous en délivre mon avis, ma critique et mon ressenti.
2010 : Saul est en cavale, il se fait appele maintenant Gene et est manager d'une petite enseigne de roulés à la cannelle. Sa vie est triste, monotone, en noir et blanc, il a tout perdu.
2002 : Jimmy Mc Gill est un avocat fraichement diplômé d'une université douteuse, ayant suivi les cours par correspondance. Fort de son expérience de petit escroc, il vivote dans ce milieu à la recherche de l'affaire du siècle, n'hésitant pas à user de méthodes un peu douteuse, afin de plaire et rendre fier son grand fère Chuck, brillant avocat admiré de la profession mais souffrant de névrose et sa petite amie Kim Wexler, brillante avocate travaillant dans le même cabinet que son frère.
Voilà le pitch de Better Call Saul, une double narration sur deux époques entourant celle de la fameuse grande soeur Breaking Bad (se déroulant entre 2008 et 2010). On suit donc Jimmy, futur Saul Goodman, un bon gars aux penchants de voyou, d'escroc mais au grand coeur qui n'a pas eu beaucoup de chance dans sa vie mais qui aspire à une vie plus faste, à la hauteur de ses ambitions. C'est aussi l'histoire de la chute de cet homme qui par ses choix et ses décisions parviendra à son but ultime mais au détriment de tout ce qui lui est cher et qui finira de toute façon par tout perdre.
Breaking Bad était rythmée, frénétique même, ne s'arrêtant jamais là où l'on sent bien plus de maîtrise dans Better Call Saul et ce dès le début. La maîtrise est le maître mot de ce chef d'oeuvre télévisuel. La réalisation, les dialogues, le scénario, la direction d'acteur, tout ces paramètres sont au diapason pour nous servir ce que j'appelerais le caviar de la série tv.
On retrouve bien sûr l'adn de sa grande soeur mais tout est mieux amené, mature. On a franchi un cap de qualité qui était déjà d'un niveau impressionnant.
Cela parle bien sûr de trafic de drogue, cartel et tout le toutime, mais cela va bien plus loin. Ca parle du couple, d'amitié, de la famille, de la vie en général, des regrets, des remords, de l'humain...de l'évolution, du changement des individus en fonction de leurs choix, assumés ou non. L'action est elle aussi au rendez-vous mais jamais dans la surrenchère, cherchant toujours à raconter quelque chose, à servir un propos, à faire avancer l'intrigue.
Le tour de force de Better Call Saul, c'est de nous présenter un monsieur tout le monde, Jimmy, physique moyen, intelligence normale (plus malin qu'il n'y parait ceci dit) mais qui par des coups du sort ou de mauvais choix, ne parvient pas à s'élever. On croit à ce personnage, on compatit à ce qui lui arrive, on s'identifie, là où dans Breaking Bad, la frontière était plus grande avec ce chimiste génial et cancereux et son accolyte toxicomane. Et la maîtrise de cette série est d'arriver à nous faire croire à cette comédie dramatique, sans entâcher le verni fictionnel et esthétique hérité de sa grande soeur, ce monde un peu fantasque, fantasmé du cartel avec (entre autres) ses jumeaux tueurs à gages et ce master mind dissimulé dans le corp d'un gérant de fast food d'apparence irréprochable. Quand l'humain, le petit, côtoie le monstrueux, le puissant.
Mais si Better Call Saul n'était que ça (ce qui est déjà pas mal)...C'est aussi un plaidoyer incroyable sur l'injustice, ou plutôt sur l'inefficacité du système judiciaire, ses failles, ses contradictions, bref, un bien triste constat sur l'état de la justice, de la loi aux Etats-Unis, malade, corrompu.
Jetez-vous donc corps et âme dans ce feuilleton, c'est riche, bien écrit, bien filmé, bien dirigé. Ca nous remue, ça nous questionne, tout en oubliant pas de nous divertir.