Bienvenue chez les Loud
6.4
Bienvenue chez les Loud

Dessin animé (cartoons) Nickelodeon (2016)

Aaaah Nickelodeon. Parmi les gros studios d'animation US, c'est probablement celui que j'apprécie le moins. Peut-être parce que leur ligne directrice consiste à nous offrir les dessins animés LES PLUS MOCHES DU MONDE (Jimmy Neutron, Les Razmokets, Les Delajungle, Mes parrains sont magiques...) Certes, on a eu Bob l'Éponge, dont la stupidité assumée reflétait un second degré pas toujours évident pour un enfant, mais ça s'arrête là. Pourtant, la chaîne avait aussi diffusé Avatar, le Dernier Maître de l'Air, un dessin animé loin d'être dégueu visuellement. Alors, quand je vois cette série, The Loud House, vous pouvez comprendre mes appréhensions.


Parce que d'un niveau purement formel, je suis épaté ! Le style graphique est propre, et inspiré d'un univers comics. Je dis ça notamment grâce aux "ombrages en hachurés", mais aussi à la qualité des décors. En y faisant attention, on voit leur texture papier. Et aussi, remarquez leur couleur : jamais de noir ou de blanc, toujours dans un ton jaunâtre, ce qui donne un certain charme à l'ambiance générale. De manière générale, les couleurs sont extrêmement bien traitées. Je pense notamment à l'épisode spécial Halloween, et la chanson très colorée, c'est assez beau à voir (par contre, la chanson est très nulle). Et l'animation est très propre, avec par moments des plans de génie, surtout quand ya constamment au moins 5 personnages à l'écran ! Ajoutez à ça, des musiques pleines d'entrain, très rock'n'roll. Certes, on a les musiques assez traditionnelles dans ce genre de série, notamment la musique "Tout le monde est heureux dans ce début d'épisode de sitcom" ou la musique "un peu triste où le personnage se rend compte que son plan commence à prendre des proportions chaotiques, il fait alors une morale un peu bateau comme quoi le plus important c'est que tout le monde doit être heureux et qu'il faut s'accepter comme on est, et n'hésite pas à sacrifier son but initial pour obtenir la joie du groupe. Mais c'est pas grave puisqu'un personnage externe l'aide (inconsciemment) à quand même lui faire atteindre son but". Mais en contrepartie on a des musiques, inspirés par les divers genres que la série peut s'inspirer/parodie, et certaines sont juste trop biens (OLALALA LA MUSIQUE DE L'ÉPISODE DU VÉLO TROP TROP BIEN ON DIRAIT DU DEEP PURPLE).


Autant vous dire que dans la forme, c'est génial. Mais dans le fond, c'est pas trop ça...


Déjà le pitch de base. The Loud House (oui, j'ai la flemme d'écrire le nom français), est une sorte de sitcom où un gamin de 10ans se retrouve confrontés à vivre dans une famille nombreuse de 10 sœurs. Et les 10 sœurs sont composées de :



  • Lori, l'aînée. Passe son temps à rêver de sa situation amoureuse avec son copain Bobby : elle passe sa journée au téléphone. Étant l'aînée, elle adopte souvent un caractère autoritaire sur le reste de la fratrie, mais dans un but de préservation (vous en faites pas, les prochaines descriptions seront plus rapides).

  • Leni, la blonde. Fashionista un peu bête, une sorte de Averell Dalton.

  • Luna, la rockeuse. Euh... elle... a un comportement rock'n'roll ?

  • Luan, la marrante (ahem). Elle passe son temps à faire des blagues de tartes et des jeux de mots nazes (personnage insupportable).

  • Linn, la sportive. Elle... fait du sport ?? Quelqu'un de dynamique

  • Lucy, la gothique. Personnage assez typique, néanmoins sympathique.

  • Lena, le garçon manqué ? Euh.... elle aime réparer des voitures, jouer dans la boue, avoir des animaux et manger des chewing-gum sales. (une sorte de fourre-tout)

  • Lola, la princesse. Déjà, je m'étalerais pas sur le fait que je trouve les défilés de gamines comme une pratique très moyenne d'un point de vue éthique. Mais disons que c'est une princesse imbue, grincheuse et agressive, ce qui entre en contradiction avec l'image qu'elle montre lors de défilé (PIRE PERSONNAGE DU MONDE)

  • Lisa, la scientifique. Enfant surdoué qui passe son temps à faire des expériences et des équations.

  • et bébé Lily (lol). Bah, c'est un bébé quoi.


Et comme si ça suffisait pas, ya des animaux (je les déteste). Et devinez quoi, ils sont inutiles, si bien qu'ils n'apparaissent qu'un épisode sur cinq. Le pire, c'est l'oiseau qui ne sert à rien. Si, une fois il a fait une blague caca (mais c'est pas grave, j'aime bien les blagues caca).


Vous avez compris, c'est un bordel sans nom, et pas toujours justifié. Sur 10 sœurs, on en a seulement 2 avec une personnalité bien précise (l'ainée et la princesse), 4 qui sont des comiques-relief secondaires (la gothique, la blonde, la scientifique et le bébé), et pas moins de 4 anecdotiques (la rockeuse, la sportive, la blagueuse, le garçon manqué). Ajoutez à ça les doubleurs qui se trompent de prénom, et on comprend plus rien. Alors, c'est bien rigolo quand ya des scènes de chaos, mais ça inclut que certains personnages sont bien plus traités que d'autres. En effet, l'ainée a des histoires centrées sur elle biiiiiien plus souvent que les autres (et on comprend vite pourquoi, étant donné que c'est le seul personnage a peu près développé de la série). Et quant à notre personnage principal, Lincoln le garçon, il est… euh… gentil ? Il est plus souvent en train de subir le caractère trempé de ses sœurs que de s'affirmer, si ce n'est par des diapositives ou des plans foireux. Enfin, c'est le personnage récurrent de la série, et c'est surtout le plus incohérent. Le temps d'un épisode c'est un trouillard qui s'effraie pour tout (l'épisode de la maison hantée, où il a peur d'aller dans la cave, alors qu'il y a très bien réussi dans le pilote), et l'épisode d'après il est devenu fan de fantôme. Et là je vois venir "oui mais Poule Mouillée, c'est une blague, décoince-toi le cul non de dieu" oui mais enfin bon, pour que ta blague soit drôle, il faut que cela soit un minimum cohérent avec les caractéristiques de ton personnage.


En plus, les morales sont très douteuses. À la limite, s'il y avait une débilité ou un second degré assumé, ça passerait. Le meilleur exemple serait Gumball, où le personnage principal peut être très cru, mais en général, tout le monde prend cher à la fin, et puis c'est pas comme si tous les épisodes (ou presque) finissait sur du grand n'importe quoi. Mais dans le cas de The Loud House, on passe de "la normalité n'existe pas il faut s'affirmer comme on se sent, et si tu veux changer assure toi que ce soit pour le bien de la communauté" à "SI TU CONSOMMES AUTANT D'ÉNERGIE DANS UNE FAMILLE NOMBRUSE QUE PAR RAPPORT À DES FAMILLES MODESTES, ALORS TU EST DÉTRUIT SOCIALEMENT" (ptn l'épisode Green House, je le déteste tellement). Et encore, si il y avait un minimum de mesure. Par exemple, l'épisode House of Lies aurait pu avoir comme morale "oui, le plus important est de dire la vérité, mais parfois mentir ou reformuler ses pensées peut faire du bien". Mais non, on a préféré exposer la morale "DIRE LA VÉRITÉ NUIT À L'ENTENTE COLLECTIVE"


D'autant que les scénaristes ont la fâcheuse manie de vouloir très souvent traiter tous les personnages en même temps. Par exemple il y a l'épisode de l'effet papillon (je crois); où la blonde se prend un coup sur la tête et devient intelligente. C'est pas l'innovation du siècle, mais ça peut amener des situations assez drôles. Bon déjà, la première blague est pas drôle puisque la blonde se met à parler en racine carrée de tangente. Et puis ils s'étaient dit que c'était pas suffisant : on va faire en sorte que chaque sœur soit déréglée, sous les regards de Lincoln qui panique à l'idée de voir cette fratrie s'entredéchirer. Autrement dit, le rythme est souvent inutilement précipité. Le tout condensé en 10 minutes, ça devient vite insupportable (en plus c'est un rêve mais quel épisode de merde).


Malheureusement, quand on s'y penche, la ligne directrice scénaristique n'est pas là pour rehausser le niveau. C'est le forçage et l'absence de subtilité. Entre la scientifique qui passe son temps à parler de micro-nucléotide polymérase intracellulaire alors qu'elle voulait juste dire bonjour (parce que c'est bien connu, tous les scientifiques parlent comme ça), la cérémonie de facepalm quand la blonde dit une bêtise ou L'INSUPPORTABLE BLAGUEUSE ET SES JEUX DE MOTS DE MERDE QUI FONT RIRE PERSONNE (même dans la série) ACCOMPAGNÉ À CHAQUE FOIS DE "HAHAHA T'AS COMPRIS ?" (je la hais, sauf pour les épisodes de 1er avril, qui eux sont plutôt bons), le dessin animé passe son temps à souligner ses blagues, comme s'ils avaient peur qu'on ne comprenne pas que ça en est. Et je parle même pas des effets graphiques ou audios (musique qui s'arrête, vinyle qui déraille), qui passent pour la crème du raffiné. Autre problème sur l'humour : les gags n'amènent rien. Si par exemple Averell Dalton est drôle, c'est parce que Joe s'énerve dessus, et on assiste à une confrontation de personnalités. Là, quand la blonde dit un truc bête, au mieux les gens se claquent la tête, au pire il se passe rien, et la blague tombe à l'eau. Mais l'apogée du malaise se tient dans Clyde, le meilleur ami de Lincoln, et fou amoureux de l'aînée. Si bien que quand il la voit, il ne peut s'empêcher de parler en robot, et de saigner du nez. Non seulement c'est le summum du cliché. Mais en plus c'est pas marrant, personne fait ça (sauf dans les animés japonais, mais c'est des pervers sexuels). Et encore, je n'ai pas parlé du bruitage. On n'y fait pas très gaffe au début, mais une fois que vous le remarquerez, vous ne pourrez plus passer à côté (et désolé de vous l'avoir fait remarqué). Car les bruitages sont omniprésents, et pour chaque mouvement, minimes qu'ils soient ! Vous voyez les swip quand qqun lève le bras, les ting quand qqun ouvre les yeux, les bomp quand qqun fait la moue ? Bah c'est tout le temps comme ça, et ça vient casser des moments qui pourtant sont bons ! Je pense notamment à l'épisode du jouet pour bébé diabolique (la peluche qui chante). Il y a cette scène qui aurait pu être géniale : tout le monde essaie de s'occuper, mais le seul son qu'on entend est cette chanson jouée en boucle. Sauf que c'est parsemé de bruitages inutiles (et de paroles, mais on n'est plus à ça près), et ça casse le charme de la scène. Résultat : c'est la frustration.


Pourtant, tout n'est pas à jeter, il y a parfois de bonnes idées qui accompagne cette sitcom de l'exagération. Le père un peu trop à coeur dans sa vie de famille et sensiblement instable est un excellent personnage, il me fait souvent rire. Les restaurants fusionnels franco-mexicains et russo-hawaien, ou cette parodie de Mick Jagger en rockstar balèze m'arrachent toujours un sourire. Mais voilà, ce sont des éléments souvent mineurs, qui rehaussent pendant un moment l'ambiance générale.


Aussi, les épisodes ont tendance à être très répétitifs. Notamment quand il faut faire la même blague, mais appliqué à chaque membre de la fratrie. Les 4-5 premières fois, ça va on sourit, mais au bout de la 11e fois ça nous soule un peu. De plus, le scénario "mon plan échoue alors je le retente dans une autre situation" a tendance à être un peu trop présent. Par exemple, il y en un épisode où Bobby le copain de l'ainée et Lincoln deviennent super potes, ce qui rend l'aînée jalouse (l'épisode s'annonçait prometteur). Pour récupérer Bobby, elle invite Clyde (qui est inconscient pendant tout l'épisode, on rigole bien), pour une aprèm à la fête foraine à 4. Sauf que la partie "l'ainée tente de récupérer son copain" est ultra répétitive :



  • L'ainée voit une attraction, elle dit à voit haute "holala, j'ai très envie de faire cette attraction avec mon nouveau copain Clyde"

  • Lincoln détourne l'attention de Bobby en lui proposant de faire une autre attraction, en incluant un jeu de mot pas drôle avec "bro" dedans.


La vanne est faite six fois de suites. Six fois ! C'est soit du remplissage, soit ils nous prennent pour des idiots (un peu des deux je pense). C'est aussi le cas avec les épisodes du 1er avril, qui pourtant partent sur de très bonnes idées. À l'image de l'épisode des doublures :


La famille craignant ce jour à cause de la blagueuse cherchent chaque année un moyen d'éviter ce jour. Dans cet épisode, ils engagent des doublures pour qu'ils se mangent les farces à leur place. Sauf que la blagueuse a prévu le coup : enfermés dans le garage, la famille est obligée de regarder leurs doublures faire l'inimaginable. Dans le cas de Lincoln, se mettre sous la fenêtre de sa maîtresse pour lui faire une sérénade d'amour. Alors au début, c'est rigolo, mais la démarche devient un peu trop prévisible par la suite... et je parle pas de l'épisode du motel où les scénaristes en avaient clairement rien à foutre de la cohérence, et se contentent d'enchaîner les gags, qui finissent par être une mécanique un peu lourde.


Pour parler encore d'effets inutiles, on peut parler des parents qui se la jouent Tom & Jerry car leurs têtes sont cachées, mais ça sert à rien parce que ça n'a aucun sens (les autres adultes sont tous à visage découvert). Alors, parfois ça m'a fait rire de voir comment les scénaristes se débrouillent pour les masquer, mais dans la plupart des cas, ça n'apporte rien. Au moins, il se sont rendus compte, si bien dans l'épisode de Noël qui ouvre la saison 2, il y a une révélation définitive de leur face… et ça ne fait aucun effet, preuve qu'il n'y avait aucune tension dans cet effet de style.


En fin de compte, si The Loud House profite d'une palette graphique très agréable, elle est ternie par une écriture au ras des pâquerette, où le forçage nuit à l'ensemble. On notera de temps en temps quelques éclairs de génie, mais c'est pour compenser un cringe ambiant.


Et pourtant…


Et pourtant si la première saison est catastrophique, la 2e semble avoir compris ses erreurs. Bon, la moitié des épisodes restent anecdotiques, mais je me suis surpris à sourire bien plus souvent. Serait-ce parce que je me suis habitué à l'ambiance générale ? Je suis pas sûr : j'ai commencé à remater la première saison, ça m'a pas empêcher de soupirer. Les épisodes prennent plus leur temps, puisqu'on a davantage d'épisodes "doubles" qui durent 20 bonnes minutes. Reste à voir si les saisons d'après s'améliorent encore.


Aussi parce que la série se permet de développer un aspect social bien plus important. On parle d'un quartier populaire, de famille nombreuse, et l'histoire de budget limité revient souvent (sans en faire un plat mélodramatique : les parents expliquent calmement qu'ils n'ont pas le budget pour acheter des pizzas tous les jours). Il y a aussi la dissonance entre la vie de Lincoln et celle de Clyde, enfant unique, vivant dans un grand pavillon moderne, venant d'une famille aisée. Ainsi que la vie de Bobby, famille hispanique modeste partie vivre dans la grande ville (ya même une série spin-off, mais ça m'a l'air d'être la même chose que The Loud House, mais avec des mexicains). Parlons aussi d'une représentation de la communauté LGBT, avec notamment les parents de Clyde qui sont deux papas (sans que personne ne se pose des questions). Ou bien la bissexualité de la rockeuse, affichée dans l'épisode de l'admirateur secret (un des meilleurs épisodes : une lettre d'amour anonyme est adressée à L.Loud, ce qui correspond à 11 personnages ; chacun va faire un geste, à sa manière, en direction de l'être aimé. C'est simple, ça prend son temps, c'est bien écrit, et même parfois c'est drôle), et la "révélation" est faite d'une manière ultra simple : la rockeuse met une lettre dans le casier de Sam, on découvre que Sam est une fille, la rockeuse sourit. Et c'est tout.


Comme quoi, ils sont capables d'être fins de temps en temps.


MAJ concernant les saisons 3 et 4 : je suis plutôt satisfait de la voie dans laquelle les créateurs se sont lancés, et ils ont compris que forcer en permanence, c'était pas forcément la meilleure idée. Déjà, fini le crush de Clyde sur Lori. Parfois il y avait des moments drôles et discret (lorsqu'il s'imagine dans le futur, avec un portrait du couple rêvé dans un coin du bureau), mais 75% du temps c'était la dance du robot, c'était plutôt gênant. Et puis, le nombres de badpuns de Luan étant en baisse drastique, ça rend ses blagues beaucoup plus supportables. Fini aussi le brisage de 4e mur, un peu lourdingue. Il y a davantage d'épisodes sérieux et touchant, et le meilleur pour moi est Road to Nowhere, ou Luna la guitariste se rend compte que son désir de devenir rockstar semble un peu irréaliste : et ça fait du bien, dans une série où tout le monde semble être le meilleur dans sa discipline (bon, ça l'empêchera pas de participer à Hitmaker jsp quoi à la fin de la saison. Aussi, l'épisode des lapins, bien qu'il soit pas terrible, a une conclusion très touchante, probablement un des meilleurs moments de la série. La saison 4 est particulière, vu qu'elle se situe avant la 5 (logique), qui se déroule un an après. Du coup, c'était l'occasion rêvé de traiter de la peur de l'avenir, avec de gros changements : Lincoln arrive au collège, bébé Lily entre en maternelle, et surtout, Lori quitte le lycée pour l'université. Les épisodes centrés sur elle s'adressent clairement à un public plus âgé, et ravive l'impression de nostalgie déjà présente dans les premières saisons, mais qui à présent prend plus son sens. C'est définitivement le personnage le mieux développé, qui évolue d'une grande sœur autoritaire à la sœur bienveillante. Malheureusement, à part ces grands moments, la série reste dans le commun, avec ses épisodes trop répétitifs et oubliables. Mais elle vaut la peine d'être regardée, pour ces éclairs de génie.


MAJ saison 5 : tellement osef, j'ai abandonné.

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le 9 mars 2021

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