- Tu es marié avec trois femmes ?!
Après la mort du comédien Bill Paxton je me suis plongé dans sa filmographie. Je le connaissais déjà pour ces rôles secondaires connus dans : " Predator 2, Aliens 2, et Apollo 13, " ainsi que pour ces rôles principaux dans " Twister " et " Emprise ". C'est en fouillant un peu dans sa carrière que je suis tombé par hasard sur Big Love. Une série de 5 saisons terminée que je ne connaissais ni de près ni de loin. Après visionnage je me suis demandé comment j'avais pu passer à côté d'une telle production (sachant qu'elle a démarré en 2006 pour s'achever en 2011). HBO une fois encore présente un spectacle difficile à appréhender pour beaucoup, ce qui n'est pas pour me déplaire.
Le malaise n'a jamais été aussi bon. Big Love est une série qui se démarque totalement sur certains points en proposant un sujet loin d'être anecdotique la POLYGAMIE, mais pas chez n'importe qui puisqu'on suit ici le quotidien d'une famille Mormon et le tout sans jugement.
Faire une série sur les mormons tient quasiment du génie. Surtout lorsqu'on sait que les Américains les détestent car ils ne représentent ni l'église, ni la foi et les lois. En cela je dis chapeau aux réalisateurs mark V. Olsen et Will Scheffer, car fallait tout de même s'y risquer. Cette fiction est d'une profonde complexité et ne se résume pas qu'à une démonstration sur les pratiques religieuse. La nuance pointe constamment le bout de son nez, l'amour y est traité avec beaucoup de réflexion car souvent ambiguë, se traduisant le plus souvent par des actes de pardon.
L'impact du récit est traduit par son extrême justesse à proposer une histoire nous immergeant totalement dans une façon de vivre que l'on connaît très mal. Durant cinq saisons Big Love prend des démarches démonstratives s'en jamais prendre parti. Révélant le tabou en y mêlant de bonne intrigues suivies d'un brin d'humour bienvenu autour de ses personnages. Le tout toujours appuyée par une dramaturgie sérieuse, troublante et touchante (surtout lors des séquences se passant dans le clan mormon).
Big Love sort totalement du registre conventionnel, se voulant engagé dans sa proposition controverse qui pointe sans aucune once d'ambiguïté les limites de la foi, de l'ouverture d'esprit, des croyances de chacun, et de la moralité. Prenant un enjeu politique tant le sujet est tabou. Pour dire à quel point Big Love fut impactant, et finalement utile, c'est qu'elle a eu sa propre étude des sciences humaines aux States.
Les scénaristes pas une fois se perdent dans l'intrigue principale, c'est soigné, aucun épisode de remplissage. Au fur et à mesure des saisons le récit évolue et change complètement de point d'appui, en faisant un registre évolutif et intelligent qui ne se repose jamais sur ses acquis. L'écriture est autant pondérée que pleine de vie, se traduisant souvent en délicatesse mais aussi en implosion sociétaire et familiale. La qualité d'écriture présente des dialogues inspirés avec des prestations d'acteurs captivants. Une série sur la joie, le deuil, la peur, la famille, le doute, le regard des autres, la liberté... on est loin des clichés.
La pluralité et la disparité des multiples personnages se singularisent les uns des autres de par leur origine géographique, socio-culturelle et religieuse. Mais également de par leur âge, leur sexe et leur orientation sexuelle, un joli bouquet intuitif sur le sens de la vie ainsi que ses craintes et ses gaietés qui forment le fond et l'esprit de Big Love, ce qui vous laisse imaginer le fort contenu qui peuple son sein.
Les enfants sont également au coeur du récit, on y découvre les joies mais aussi les difficultés à vivre dans une famille où on a un papa et trois mamans, et où on est toujours obligé de mentir à ses voisins. Ils sont particulièrement bien développés, amenant une vision variée avec des sentiments opposé, certain vennant à rejeter ceux qu'ils sont, et d'autres à au contraire embrasser cette vie.
La famille Henrickson navigue dans un monde étranger aux nôtres. Chaque épisode est une découverte. Perspicace et instructif qu'il faut regarder l'esprit ouvert. La religion mormone ainsi que leurs modes de vie est développé. L'angle des polygames vécu par cette famille agie fortement sur l'originalité du spectacle. L'esprit de famille et ses difficultés à pouvoir vivre en société tout en gardant cachés leur véritable facette est toujours présent.
Un véritable discours qui fait réfléchir et que l'on regarde avec amusement et sincérité. Même si elle possède un ton sérieux, elle est tout autant amusante. On prend plaisir à certaines situations bien cocasses qui font bien marrer, et d'autres qui révoltent.
Les musiques sont sympathiques mais ne traduisent rien de bien marquant hormis le premier générique que je trouve fabuleux, car il est volontairement très kitsch pour traduire la foi et l'amour que porte Bill en ses femmes et en son Dieu.
La première saison est certainement la plus souple et légère. Les moments drôles sont assez nombreux. Cette première saison présenter la famille Henrickson ainsi que la communauté. Malgré tout les moments sérieux ne manque pas. Seulement la dénonciation n'est pas encore le fond adopté par les réalisateurs qui prennent le temps de soumettre les Henrickson au public pour s'y attacher, ce qui n'est pas difficile.
Big Love prend authentiquement forme et s'élève à partir de la saison 2. C'est à partir de cete saison qu'on comprend le but et les ambitions de Bill et que les mauvais augures arrivent. L'on voit l'oppression des familles polygame, qui sont mises dans le même sac que les communautés mormones polygames, qui sont clairement présentées comme des sectes. L'amalgame est total et la famille en souffre totalement et essaye de s'extirper de la communauté c'est ainsi que le récit avancera jusqu'à la saison 3.
Puis viennent les deux dernières saisons qui prennent un tournant totalement sociétaire où la famille n'est plus le premier centre de gravité. Arrive finalement le final magnifique, poignant et accompli, qui nous rend tristes car on ne veut pas quitter les Henrickson.
L'interprétation des acteurs est incroyable, le casting est absolument parfait. On aime les personnages qui peuple la série, on partage leurs émotions, c'est comme si on faisait partie intégrant de la famille.
Bill joué par Bill Paxton est monstrueux de talent quelle ferveur ! Son personnage est limite effrayant tant il est possédé (son meilleur rôle sans hésitation). Il campe un homme d'une droiture exceptionnel qui aime et ferait absolument tout pour sa famille. Un homme pieux, ouvert d'esprit qui pardonne, aime, protège, se bat... il est absolument convaincant. Il est le Charles Ingalls polygame, seulement, on peut ressentir par moments comme un malaise. Cette perception se fait subtilement par la foi de Bill Hendrickson, car si lui est un homme respectable et aimant, la religion qu'il suit aveuglément n’est pas que recommandable sur quelques points, ce qui fait que parfois on sent comme un embarras. Exemple avec le traitement des femmes qui doivent obéir au mari et surtout à ce que le prophète ordonne. Heureusement Bill n'est pas comme ça, c'est pour cela qu'il refuse de retourner dans la communauté car il ne croit pas en cette autorité. Selon lui le principe n'est valable que s'il est fait par amour entre l'homme et la femme, ce qui est louable. Pas une fois il impose ses choix. Il fait toujours tout avec le consentement de ses femmes qu'il écoute tout le temps ce qui lui confère un fond de sincérité durable auquel on ne peut rester insensible. Il ne peut reconnaître publiquement sa relation avec ses 3 femmes ce qui est pour lui une véritable torture. Il est un homme de vérité, c'est pourquoi il ne ment jamais à ses trois épouses. J'ai vraiment aimé suivre ce personnage qui est en mon sens un sacré chanceux, 3 femmes magnifiques pour lui mais ce n'est vraiment pas de tout repos. Cela engendre un sacré paquet de responsabilités. Bill est comme un astre autour du quel beaucoup de monde gravite, un homme portant un idéal inébranlable et un respect profond pour la vie.
Bill Paxton n'est pas le seul qui mérite à être reconnu, il y a également ses 3 femmes qui sont tout aussi importantes que lui et que l'on voit tout autant. Les trois actrices sont magnifiques, mention spéciale à Nicky (Nicolette) la seconde épouse jouée par Chloë Sevigny, qui atteint la perfection et que je ne connaissais pas du tout avant cela. Elle est mon personnage préféré de la série. Provocante, jalouse, et bourrées de défauts, mais elle est certainement celle qui possède le plus d'amour à l'égard de son mari et surtout envers ses soeurs épouses (c'est comme ça que se font appeler des femmes qui se marient avec le même homme, elles sont pour le coup marié elle-même car liée au même homme d'où le terme "soeur épouse") . Son personnage est souvent compliqué à comprendre car il est changeant dans ses humeurs, voyant le mauvais fond partout. Toutes ces imperfections sont le fruit d'un passé très compliqué rempli de souffrance venant de la communauté, sachant qu'elle est la fille du prophète actuel.
Barbara la première épouse surnommée "La Patronne" par ses soeurs épouse est jouée brillamment par la comédienne Jeanne Tripplehorn, qui incarne sans doute la plus courageuse des femmes de Bill. Acceptant par amour des choix très difficile pour elle (comme d'autres femmes). Elle est intelligente et redoutable, bien qu'elle remette souvent en question les choix de cette vie choisie. Elle reste solidaire des siens, elle impose le respect aux autres. Elle est celle sur qui on peut se reposer.
Vient la dernière épouse Margene portée par l'actrice Ginnifer Goodwin, elle est la plus jeune et mielleuse du groupe, très gentille et limite un peu cruche au début. Elle apporte un grain de fraîcheur et de folie qui fait du bien. Au début on la voit comme la suiveuse peut instruite et souvent à côté de ses pompes. Toutefois sa vitalité sera son point fort, étant celle qui évoluera le plus. Chacune des trois femmes ont une personnalité bien propre. Elles sont différentes mais s'assemblent intelligemment. Les desseins, les finalités et les aspirations de chacunes sont constamment crédibles, légitimes et fondées . Il est fascinant de voir la relation très ambiguë des trois épouses qui se jalouse et se concurrence par moments, mais s'aime du plus profond de leurs coeurs. Un superbe trio féminin appuyé par un Bill Paxton au top et une multitude de personnage secondaire efficace dont Amanda Sayfried qui aura commencé sa grande carrière dans cette série en étant la fille de Bill.
CONCLUSION :
CAPTIVANT ! Voilà le premier mot qui me vient à l'esprit. Mark V. Olsen et Will Scheffer on fait un excellent boulot tout au long des 5 saisons. Emoûvant et passionnant on s'attache particulièrement aux personnages, une distribution parfaite, pour 4 acteurs principaux saisissants et jouissifs. Big Love permet de révéler sans langue de bois, ni préjuger le sujet de la polygamie et de la religion mormone aux États-Unis. Une série pertinente et complexes. Un véritable petit bijou qu'il faut voir au moins une fois. TOUTEFOIS, si vous êtes étroits d'esprit et que vous êtes incapable d'accepter un autre mode de vie et de croyance que la vôtre alors cette série n'est certainement et clairement pas faites pour vous. Big Love est à mon sens la meilleure série dramatique que j'ai pu voir, et j'en ai vu beaucoup.
Je regrette seulement d'avoir attendu la mort de Bill Paxton pour m'y intéresser et voir à quel point il était doué.