Black Books, diffusée sur Channel 4 en 2000, c’est un concentré d’humour noir et de non-sens britannique, servi par un propriétaire de librairie qui semble avoir été conçu par une fusion entre un grizzly mal léché et un poète maudit. La série met en scène Bernard Black, incarné par Dylan Moran, un libraire misanthrope dont la passion pour la littérature ne rivalise qu’avec son mépris pour l’humanité et sa soif perpétuelle de vin. Ici, la librairie n’est pas un havre de paix où l’on vient chercher conseil, mais un champ de mines où entrer, c’est risquer de se faire éjecter pour avoir demandé gentiment "Avez-vous un bon roman ?".
À ses côtés, on trouve Manny Bianco (Bill Bailey), un comptable barbu et optimiste qui se retrouve, par un enchaînement de malentendus et de crises existentielles, à devenir l’assistant – ou plutôt l’otage volontaire – de Bernard. Leur duo est l’incarnation parfaite du yin et du yang : Bernard est l’incarnation du chaos et de la mauvaise humeur, tandis que Manny, avec son sourire naïf et ses cheveux indomptables, essaie désespérément de mettre un peu d’ordre dans ce bazar bibliophile.
Et puis il y a Fran Katzenjammer (Tamsin Greig), la voisine et amie du duo, qui complète le trio infernal avec ses propres névroses et sa capacité à se perdre dans des réflexions absurdes. Fran est le genre de personne qui pourrait philosopher sur l’utilité des boutons d’ascenseur tout en essayant de séduire un inconnu qui, soyons honnêtes, n’a aucune chance.
La force de Black Books réside dans son écriture acérée et son humour volontairement exagéré. Chaque épisode est un enchaînement de dialogues savoureux, de punchlines absurdes, et de situations où la logique se fait la malle dès la première scène. Le ton oscille entre l’ironie mordante et le surréalisme total, avec des intrigues qui passent de la gestion d’une librairie en crise (souvent parce que Bernard refuse obstinément de vendre des livres) à des épisodes où Manny devient, par exemple, un gourou du bien-être après avoir accidentellement avalé un livre de développement personnel.
L’un des points forts de la série est la dynamique entre Bernard et Manny. Leur relation est un ballet désorganisé où chaque tentative de Manny de moderniser ou de sauver la librairie est sabotée par Bernard, qui préfère passer sa journée à picoler et à lancer des répliques sarcastiques depuis son fauteuil couvert de miettes. C’est une amitié faite de tolérance mutuelle et de violence verbale, où l’amour fraternel se cache derrière chaque insulte et chaque regard désabusé.
Visuellement, Black Books est un délice de désordre organisé. La librairie elle-même est un personnage à part entière : poussiéreuse, encombrée de piles de livres et de reliques improbables, elle reflète parfaitement l’état d’esprit chaotique de Bernard. Chaque coin semble raconter l’histoire d’une querelle passée ou d’un client qui n’a jamais retrouvé la sortie.
Pour ceux qui aiment l’humour noir et les comédies où le cynisme est roi, Black Books est une véritable perle. Les situations absurdes, les personnages délicieusement imparfaits et l’humour sec vous feront passer de l’éclat de rire au "Mais pourquoi je ris à ça ?" en un instant. Certes, si vous n’êtes pas fan de l’humour où le protagoniste principal est fondamentalement un antihéros mal embouché, l’expérience peut sembler déroutante. Mais pour tous les autres, c’est une série qui se déguste comme un bon vin rouge : avec modération, mais souvent avec un sourire coupable.
En résumé, Black Books est une ode à l’anti-conformisme, au sarcasme, et aux amitiés improbables. C’est une série où lire un livre n’est jamais un acte innocent et où chaque visiteur est potentiellement une nuisance. Si vous avez toujours rêvé d’entrer dans une librairie où l’accueil est aussi chaleureux qu’un hiver à Londres et où l’honnêteté brutale est la norme, alors ouvrez les pages de Black Books et préparez-vous à une avalanche de rires et de répliques cinglantes.