Elle était annoncée depuis belle lurette et elle se sera fait attendre mais cela en valait la peine; après le Tintin proposé par France Culture, BlackSad se voit à son tour magnifié en audio, prouvant une fois encore l'étonnante capacité de retranscription à l'oral d'une œuvre pourtant conçue par essence pour le visuel. Dans le cas présent, la voix off se voit grandement densifiée pour clarifier davantage l'action en cours (sans alourdir inutilement le déroulement du récit), offrant ainsi un supplément narratif bienvenu (et jamais hors de propos) pour les connaisseurs de la bande dessinée; pour le reste, l'enrobage sonore s'avère d'excellente facture qu'il s'agisse des remarquables interludes musicaux, de l'excellente idée de distiller fréquemment des bruitages d'animaux au sein des bagarres, discussions et ambiances de foule pour rappeler constamment l'animalité de ces protagonistes ou encore de l'inclusion d'une musique distordue ou de réminiscences audio pour traduire la confusion et les moments de doutes de l'infortuné détective.
J'étais initialement déçu de ne pas retrouver le comédien Jérémie Covillault et les autres voix que j'avais beaucoup apprécié dans le jeu vidéo Under The Skin mais l'interprétation reste de très bonne qualité au demeurant; vraisemblablement habitué de l'exercice des livres audio à en juger par ses nombreuses contributions sur Audible, Eric Herson-Macarel livre ici un excellent travail de narrateur (même si je trouve parfois son BlackSad un peu plus monotone dans sa diction que celui de Covillault) et Jean Philippe Puymartin (Woody) est presque méconnaissable dans le rôle de Weekly; à ce titre, il faut saluer également le grand nombre de comédiens sollicités pour l'adaptation de ces cinq tomes, même si les oreilles les plus attentives reconnaitront peut être plus aisément la voix déguisée de Frédéric Souterelle sur plusieurs personnages.
Au niveau des quelques écueils que je pourrais reprocher à cette adaptation, il y a forcément quelques passages difficiles à retranscrire dans cette adaptation audio : les quelques pages dénuées de dialogues où la narration se déroulait exclusivement par l'image; à ce titre, l'avant-dernière page marquante du tome 2, Arctic-Nation, semble un peu expédiée dans le cadre de cette série audio et je dois bien avouer que le troisième tome, Âme Rouge, m'a paru être le moins réussi dans cette transposition sonore, sans doute car il s'agissait déjà du récit le plus dense de BlackSad avec son contexte de guerre froide et ses enjeux plus importants qu'à l'accoutumée; en contrepartie, le génial tome l'Enfer, le Silence tire pleinement parti du cadre de la Nouvelle Orléans pour offrir un splendide accompagnement musical à cette enquête tortueuse tandis que même le mal aimé album Almarillo est probablement celui qui a bénéficié du meilleur habillage sonore de toute la série, peut être parce qu'il fut adapté en dernier avec l'expérience acquise sur les tomes précédents.
Bref, pas vraiment de quoi bouder votre plaisir; même si je pense qu'avoir connaissance en amont de la bande dessinée éponyme doit tout de même faciliter la compréhension de l'intrigue (même si certains détails s'avèrent au contraire plus limpides dans cette adaptation audio). En espérant que cette chouette initiative sera réitérée sur d'autres classiques de la BD Franco-Belge (Thorgal? ;) ) et que le dernier diptyque de la bande dessinée aura également droit à son tour aux honneurs de cette excellente adaptation.
A écouter allongé dans le noir, quelque part parmi les ombres, ou même près d'un bon feu, avec un bon gros chat sur les genoux.