Bodkin
6.4
Bodkin

Série Netflix (2024)

Voir la série

Imaginez l’un des héros new-yorkais de Only Murders In The Building débarquant à Bodkin, une petite ville isolée sur la côte sud irlandaise, pour réaliser un nouvel épisode d’un podcast à succès (aux USA…) à propos d’une triple disparition mystérieuse lors de la dernière édition d’un festival : le choc culturel face à des rituels locaux pittoresques, mais aussi vaguement inquiétants – largement à base d’ingestion de bière au pub et de superstitions populaires immémoriales – est total, et la bonne volonté et l’optimisme américain seront soumis à rude épreuve, en particulier du fait du mutisme des habitants peu enclins à parler à des étrangers.

C’est le point de départ, sympathique, et franchement dans une veine comique / parodique, de Bodkin, une drôle de série Netflix, que l’on peut regarder – si l’on est d’humeur – comme un divertissement farfelu, construisant une enquête policière complexe – fertile en rebondissements – sur les bases de clichés assez usés (les Irlandais, leur culture et leurs travers) et d’une critique plutôt convenue du voyeurisme contemporain. On grince d’abord un peu des dents devant le (pas si) joyeux foutoir des premiers épisodes : Bodkin entremêle « cosy mystery », plaisanteries lourdingues, tourments psychologiques (le personnage de Dove, la journaliste au comportement insupportable, est de fait lourd, très lourd, et l’interprétation de Siobhán Cullen peu convaincante). La principale « originalité » de la série semble être de composer une galerie de personnages grotesques, comme si Jez Scharv et ses scénaristes avaient eu avant tout le désir de copier le style des Frères Coen et de l’adapter à l’Irlande.

Et puis, peu à peu, même si la série en fait beaucoup trop, accumulant agents du gouvernement infiltrés dans le village, couvent new age, trafic d’animaux à destination de l’Asie, séquelles des années de l’IRA, fermes de serveurs, on en passe et des meilleures, quelque chose se met à fonctionner : est-ce l’énigme policière qui peu à peu nous intéresse ? Ou bien les déséquilibres psychologiques et les traumatismes lourds de quasiment tous les personnages qui finissent par nous fasciner ? On apprécie même les petits jeux sur la temporalité et la narration en boucle du cinquième épisode (Peace in our Time, clairement le meilleur), tout en regrettant cette tentative tardive de rendre la série plus « conceptuelle »…

… Jusqu’à ce que, patatras, le soufflé retombe dans les derniers épisodes, accumulant révélations, rebondissements jusqu’à la dernière minute, mais s’enlisant définitivement entre les scènes maladroites du festival et le gloubi-boulga des relations entre les trois personnages principaux (auxquels on se rend compte qu’on ne se sera pas vraiment intéressé…).

Bodkin se termine donc dans une certaine indifférence de notre part : faute de rythme, de rigueur dans une écriture qui préfère courir plusieurs lièvres à la fois et jouer la carte du foisonnement, et faute sans doute d’un projet cohérent dès le départ.

[Critique écrite en 2024]

https://www.benzinemag.net/2024/05/21/netflix-bodkin-only-murders-in-the-village/

EricDebarnot
5
Écrit par

Créée

le 26 mai 2024

Critique lue 267 fois

3 j'aime

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 267 fois

3

D'autres avis sur Bodkin

Bodkin
EricDebarnot
5

Only murders in the village…

Imaginez l’un des héros new-yorkais de Only Murders In The Building débarquant à Bodkin, une petite ville isolée sur la côte sud irlandaise, pour réaliser un nouvel épisode d’un podcast à succès (aux...

le 26 mai 2024

3 j'aime

Bodkin
Erik3874
10

Petit bijou

Une mini-série parfaitement réussie. C'est rare chez Netflix, qui diffuse essentiellement des merdes. Trois zozos se retrouvent à Bodkin pour réaliser un podcast sur des disparitions qui ont eu lieu...

le 9 juin 2024

2 j'aime

Bodkin
Kerven
7

Even the smallest spark can light the greatest fire (proverbe irlandais)

Visionné au début sans trop d'attente, j'ai finalement trouvé une bonne petite comédie. Agatha Christie revue façon XXIème siècle, avec un souffle de terroir bien ancré dans la Guinness. Un bon...

le 11 mai 2024

2 j'aime

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

205 j'aime

152

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

191 j'aime

115

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

190 j'aime

25