Un thriller (trop) ambitieux et (trop) ambiguë.

Bodyguard est une série à double-face dont les ambitions ont de quoi laisser hagard. L'honnêteté impose de dire que les trois premiers épisodes de la série sont tout bonnement catastrophiques et ce à tout point de vue. Que de courage a-t-il fallu au spectateur chevronné que j'étais pour trouver la force de continuer cette romance sur fond d'intrigue politique bidon au fond aussi peu crédible que la forme! Cependant, il faut bien avouer que la série m'a surpris en bien pour ses trois derniers épisodes assez audacieux, renouant avec l'art du thriller, de l'intrigue et surtout des retournements de situation spectaculaires à l'anglaise. Ainsi, Bodyguard raconte l'histoire d'un ancien soldat envoyé en Afghanistan, détruit psychologiquement, qui devient un agent de protection de Julia Montaigue, la Ministre de l'Intérieur ultra-conservatrice du Royaume-Uni préparant une désastreuse Loi sur le renseignement. Après s'être rapproché de la Ministre à laquelle il voue une passion pour le moins contrariée, le lieutenant David Budd se retrouve empêtré dans un imbroglio catastrophique sur fond de menaces terroristes, de guerres entre les services de renseignement et l'antiterrorisme, de crime organisé, de lutte politique et de complot d'Etat. Si la série peine à décoller et se construit sur des carences profondes en crédibilité et en mise en scène, elle réussit à exploser vers la fin par une très bonne reprise en main de la narration, par une remise en question intéressante des préjugés et par des retournements de situation assez spectaculaires, et pour le coup très bien amenés. Bodyguard est donc une série inégale, version montagnes russes, aux qualités aussi grandes que les défauts.

Quelques précisions sont cependant à faire pour étayer mon propos.
- Le personnage de la Ministre de l'Intérieur est traitée à la fois de manière malhabile et en même temps de manière assez rusée à un point tel qu'il est difficile de se faire un avis sur la question. La technique du faux personnage principal est de moins en moins répandue et l'usage de ce procédé narratif sur ce personnage correspond au moment où la série commence à réellement décoller. En effet, le personnage assez mal incarné par ailleurs gonfle par sa putridité, sa prévisibilité extrême et ne devient intéressant

. Le parti-pris artistique devient alors audacieux, (peut-être un peu violent ?)

• La réalisation commence avec une esthétique froide, un peu surannée et donc forcément désincarnée. Les gueules particulières des personnages anglais ne prennent leur saveur, ainsi que la couleur un peu épurée de la mise en scène, qu'à partir du quatrième épisode. A partir de ce moment là, le suspens commence à naître peu à peu et les suspicions se portent à peu près sur chacun, ce qui est la trace bien repérable d'un bon thriller anglais.




• Le fond de la série est également ambiguë et donc intéressant parce qu'il commence sur le fond par une critique attendue du renseignement qui se repose d'ailleurs beaucoup sur la posture thatchérienne et conservatrice de la Ministre. Mais peu à peu, notamment grâce au dénouement final, la série devient légèrement de droite notamment par son traitement de la jeune femme musulmane, du terrorisme et du crime organisé à un point tel qu'il devient compliqué de déterminer le réel positionnement de l'auteur de la série sur la question.

Bodyguard aurait donc pu mériter une autre gestion du temps et ne réussit à atteindre l'extase qu'un peu trop tard, une fois trois longs et ennuyeux épisodes digérés, voire subis. Par ailleurs, le choix de l'acteur principal était également peu pertinent, voire irritant sur les bord, même s'il se débrouille pas mal, là encore, qu'à partir de la fin de la saison.