Si on m'avait dit il y a quelques mois qu'un jour je finirais en PLS devant une série d'animation Netflix, j'aurai bien ri.
On commence Bojack Horseman en s'attendant à une énième variation d'autocritique des Etats-Unis à travers un cadre de famille reconstituée (American Dad, Family Guy) avec des personnages antropomorphisés permettant de repousser les limites de l'humour noir, et qui sont comme remis à zéro à chaque nouvel épisode.
Que n'henni ! Malgré ce que les premiers épisodes peuvent laisser croire, les saisons sont feuilletonnantes et chaque personnage a une arche bien développée. Ce qui est déjà inhabituel pour une série d'animation de ce type; mais ce qui l'est d'autant plus, c'est la noirceur abyssale dans laquelle glisse le protagoniste principal au fil des épisodes, sans crier gare, en nous entraînant doucement avec lui du risible au pathétique entre deux plots hilarants.
Car jamais une critique d'Hollywood n'a autant maîtrisé son thème. Chaque sujet pouvant prêter à débat est analysé, digéré, recraché, tourné en dérision avec brio et re-digéré avec un soupçon de "méta". L'avortement, la drogue, le racisme, le patriarcat, les enfants-stars, la solitude, la dépression ... tout y passe, et les dialogues frôlent souvent le génie, comme si Aaron Sorkin et la writers' room du Saturday Night Live avaient tous copulé ensemble.
On rit beaucoup, mais on angoisse aussi. Là où Californication finissait toujours par trouver une résolution salvatrice pour Hank Moody, Bojack Horseman ne se fait aucune illusion sur son héros, incapable de changer pour être heureux, entravé par ses névroses et ses défauts. Egoïste, hypocrite, lâche, Bojack est un has-been terrorisé à l'idée de se retrouver seul face à soi-même. Tout est prétexte à fuir son propre soi, qui lui est insupportable. La dernière saison embrasse totalement le parti de laisser Bojack sombrer dans ses travers, et finit sur une note d'une mélancolie sans bornes.
J'ignore à ce stade si une saison 4 est prévue, mais en l'état j'ai rarement vu une satire d'Hollywood aussi intelligente. De la black comedy poussée à son paroxysme.
On finit de regarder Bojack Horseman en se disant qu'on va peut être aller acheter du Lexo, et que Netflix est décidément plein de ressources.