Breaking Bad restera une fresque dantesque et impressionnante du petit écran. Sans atteindre la perfection de The Wire, la série de Vince Gilligan reste un tout qui aura tutoyé les sommets pendant 5 ans grâce à une tension maintenue constante, une réalisation qui ose et des acteurs au sommet de leur art.
Mais Breaking Bad, malgré tout ce qu'on pourra dire, reste aussi inégale. Toutes les saisons ne se retrouvent pas être cet afflux de perfection dont tout le monde parle et dont tout le monde ne peut s'empêcher de louer depuis quelques semaines. Certes la deuxième partie de la saison 5 restera dans les mémoires, les épisodes atteignant un niveau de jouissance absolue de plus en plus élevée chaque semaine, mais n'oublions pas cette saison 2 qui reste longue et un peu bancale. N'oublions pas la première partie de la saison 5 qui marque un tournant dans la série, mais qui n'arrive pas à s'affirmer au même niveau qu'a pu le faire la 4e.
Au départ je voulais faire une analyse saison après saison mais ce travail me semble beaucoup trop complexe et long pour pouvoir tenir en une seule critique.
Le petit moment "remarque inutile" étant terminé, rentrons dans le vif du sujet. Je ne sais pas si c'est très utile que je rappelle l'idée de départ de Breaking Bad, mais pour ceux qui auraient vécu dans une grotte ces dernières années, cette série suit la déchéance d'un professeur de chimie, Walter White, qui décide, après avoir appris qu'il avait le cancer, de se mettre à fabriquer de la méthamphétamine pour mettre sa famille à l'abri, financièrement parlant. Bien entendu, ceci va poser quelques soucis.
Et c'est peu dire ! C'est incroyable de voir à quel point le personnage de Walter White/Heisenberg va sombrer, depuis sa première apparition jusqu'à la fin, au point de passer de père de famille tranquille en baron de la drogue, et même en une sorte de légende pour tout le monde. L'écriture était un point clé pour le bon développement de la série et on peut affirmer que tout aura été penser de façon à ce qu'à chaque tournant, aussi important soit-il, la série a réussi à retomber sur ses pieds. Aucun tabou n'est présent, s'il faut tuer un personnage, même si celui ci est important, tant que cette mort fait avancer l'histoire, ce sera fait. de nombreux personnages vont se retrouver laisser de côté en cours, mais toujours pour le bien de l'évolution de l'intrigue mais aussi des personnages.
Car chaque action se déroulant dans l'histoire, a une répercution pour les différents protagonistes impliqués. C'est dans cette optique que Walter White devient Heisenberg ou que Jesse Pinkman devient celui à qui le spectateur s'identifie le plus. Il y a quelque chose de fabuleux dans le sens où les personnages possèdent une profondeur incroyablement dense et incroyablement poussée. Prenons l'exemple flagrant de Walter White (ouhhh original n'est ce pas ? :D )
Walter White est un chimiste incroyable à la base, ayant même participé à des recherches qui ont obtenues le prix Nobel en 1985. Il est respectable et aimé par ses proches. Et pourtant. Pourtant, après l'annonce de son cancer, alors qu'on vient juste de faire connaissance avec lui, on découvre une facette totalement inédite et incroyable dans sa façon d'être. Car cet homme si gentil à la base va se révéler être d'une brutalité et d'un sang froid implacable. Ces accès de violence vont donner naissance à plusieurs moments, que je nommerai "moments Heisenberg". Ces moments absolument épiques où toute la cruauté de Walter surgit. Le "Stay out of my Territory", le "Run", le "I am the Danger" etc... C'est dans ces moments que la vérité surgit : Walter White a développé un complexe de double personnalité. Il n'est pas le même lorsqu'il passe en "mode Heisenberg". Son côté obscur prend le dessus sur tout et développe ainsi sa psychologie au maximum. C'est très certainement un des personnages les plus fascinants qu'il m'ait été donné de voir dans une série aussi loin que je puisse m'en rappeler bien sur.
Et puis Bryan Cranston. Bryan f*cking Cranston !! Il est Walter White et Walter White l'habite. Cet acteur possède un jeu d'une puissance et d'une présence incroyable. Sans oublier toute la finesse dont il peut faire preuve quand il s'agit de faire passer des émotions plus douces. Dans ce sens deux scènes me viennent instantanément à l'esprit. Je reviens sur le"I am the danger" (oui encore, mais quand on aime on ne compte pas ! :) => http://www.youtube.com/watch?v=31Voz1H40zI). Cette scène est révélatrice de la puissance du jeu de Cranston. Ainsi que sur l'histoire de double personnalité. Il est d'abord sur la défensive, écoutant sa femme lui répéter qu'il ne peut pas continuer ainsi. Walter White est présent à ce moment, Cranston est en retrait. Et en un demi tour, tout change. Heisenberg fait surface, le regard de braise de Cranston fait froid dans le dos et il livre un monologue d'une puissance incroyable.
L'autre scène provient de l'avant dernier épisode et correspond au dernier contact direct entre Walter (oui c'est bien lui à ce moment) et son fils. Une scène horrible, déchirante et qui pousse Walter dans ses derniers retranchements. Cranston est fantastique ici. Il est de ces acteurs à posséder cette palette de jeu qui lui permet de jouer n'importe quelle émotion dans n'importe quelle situation.
Alors oui Cranston est exceptionnel. Mais je pourrais faire le même développement avec Aaron Paul, Anna Gunn, Dean Norris ou encore Giancarlo Esposito ou Jonathan Banks. Tous ces acteurs possèdent ce petit truc en plus qui fait qu'ils collent parfaitement à l'univers de Breaking Bad.
J'en profite pour apporter mon soutien à Anna Gunn et le personnage de Skyler qui a été tant décrié (et même insulté !) sur internet. Je voudrais dire une chose à ce propos : si ce personnage n'existe pas, aucune chance pour que le personnage de Walter White soit aussi profond. Aucune chance pour que la série n'atteigne ce niveau. Des trous dans l'intrigue apparaîtraient, une histoire moins intéressante et répétitive se développerait. Comme je l'ai dit, chaque personnage a un rôle à jouer dans cette série à un moment ou un autre. Tout est calibré, il n'y a aucune hésitation scénaristique, aucun trou narratif. Ou presque. Parce que oui je vais rajouter un petit mot sur cette saison 2
La saison 2 se présente après une première saison d'une qualité impressionnante. L'héritage n'était pas simple à assumer et ça se ressent. Après 2-3 premiers épisodes de bonnes factures (suite de la fin de saison 1), l'intrigue part un peu en couille. C'est un peu "un coup on fait de la meth, un coup on arrête, puis on recommence etc..." Ajoutez à cela quelques idée floues pour pousser la psychologie des personnages très secondaire comme la soeur de Skyler avec cette histoire de pickpocket. Bordel mais on s'en secoue l'asperge qu'elle ne puisse pas s'empêcher de voler en magasin. C'est vraiment un des rares moments où l'action ne sert pas l'intrigue. Car là c'est soit pour combler les trous, soit pour essayer de développer un personnages peu important.
Mais bref. Ce n'est pas ce que l'on retiendra. Même si la saison 2 accouche également du bordel de collision d'avion (moment assez ridicule au même titre que le cou de la cravate dans la saison 4, communément appelé, comment démystifié un personnage ultra badass en un plan), on oubliera ces erreurs pour retenir toute la tension, toute la perfection qu'est le reste de la série.
Vous l'aurez sans doute remarqué mais depuis le début de cette critique, ou plutôt de cet hommage/rétrospective, je parle beaucoup de perfection, un mot que j'utilise pourtant avec parcimonie. Oui mais Breaking Bad n'est pas qu'une simple série avec des personnages bien développés et des acteurs fantastique (il en existe bien d'autres), mais elle soulève également des problématiques qui pourrait en faire réfléchir plus d'un. Jusqu'où peut-on aller dans l'illégalité en gardant une raison morale ? L'argent facile c'est bien, mais cela vaut il vraiment le coup en considérant les conséquences que cela engendre ? Tout en sachant que le monde dans lequel tu poses les pieds est un monde violent, bien plus brutal qu'il laisse entendre, rempli de tueurs implacables et de psychopathes en tout genre (merde mais Todd c'est carrément un putain de psychopathe en puissance !) ou de mexicain/nazis en colère.
Et puis Breaking Bad fait aussi parti de ces séries qui osent au niveau de la mise en scène, fait très rare ces temps ci et presque exclusivement réservé aux séries du câble. Alors oui certains effets comme ces caméras embarqués peuvent souler à la longue mais pour l'idée, pour l'audace de tous ces plans, parfois d'une beauté impressionnante, je dis bravo. Et là je suis tenté de rajouter un tout petit quelque chose (promis c'est le dernier) sur l'épisode 10 de la saison 3, vous savez celui sur la mouche.
Je sais qu'il a divisé les fans. Mais je trouve que c'est génial à quel point ils ont réussi, avec la simple mise en scène, à rendre une chasse à la mouche si fascinante, créant un huis clos étouffant et écrasant. Après on pourra continuer à épiloguer mais j'ai fait mon choix, cette série relève purement et simplement du génie.
Breaking Bad aura marqué son époque comme ont pu le faire les grosses productions HBO du début des années 2000 comme The Wire ou les Sopranos, ou les sitcoms de la fin des années 80, début 90 (Cheers et Seinfeld puis Friends). Breaking Bad c'est une narration quasi sans faille pendant 5 ans, dans laquelle les différentes intrigues et les différents rebondissements qu'il impliquent, s'emboîtent à la perfection. Je ne peux pas exprimer à quel point j'ai pu être marqué par cette série. Je l'ai déjà assez répété depuis une semaine une fois de plus ne fera pas de mal je pense, mais à toi Vince Gilligan et à toute l'équipe de la série, merci.
Merci pour ce que vous avez apporté à l'univers de la série TV et merci pour cette épopée fantastique mais, comme vous l'avez dit, toutes les mauvaises choses ont une fin.
Et franchement, c'est bien dommage.