Breaking Bad
8.6
Breaking Bad

Série AMC (2008)

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Ah mon cher Walter, mon très cher Walter...
C'est clair qu'à part ton ado de fils, ils pensaient tous que tu ne faisais pas le poids (Walter).
Pas même Skyler, ta jeune et jolie blonde, qui ne voyait en toi qu'un père tranquille, bon et de famille, sans envergure mais au salaire de prof de chimie suffisant. On ne saura d'ailleurs jamais si les "nouvelles" de l'ancienne comptable étaient bonnes, mais au moins ça la changeait.
Tu te rappelles comment tu l'as pécho, ta Skyler ? Bien sûr, tu n'oublies rien. Grâce à ta patience et à ta persévérance. Une histoire vraiment palpitante de mots-croisés. T'étais un grand malade mec ! ^^
Il y a donc ton fils qui t'a admiré, Walter. Déjà parce que tu es son père, mais aussi parce qu'en tant qu'handicapé moteur il voyait en toi ce qu'il ne sera jamais : quelqu'un de normal. Et on ne peut pas dire qu'à ce niveau là tu pouvais le décevoir.


M'enfin le truc qui te chiffonnait vraiment, Walter, c'est qu'au-delà de cette vie médiocre, t'étais quand même un petit génie dans ton domaine. La chimie, c'était déjà grave ta came. Tout ce qui ne se voit pas à l'oeil nu, l'impalpable, les mélanges et leurs réactions, le dosage, la précision, ça t'a toujours parlé. Faut dire que c'est important l'essence du monde, ses mécanismes ; parce que franchement, qu'est-ce qu'on fout là ? Sur cette planète ? Sur Albuquerque ?


Quelle frustration, n'est-ce pas ! C'est tellement frustrant la vie qu'on en deviendrait presque autiste. J'ai pas un peu raison, Walter ?
Tu le savais bien que t'étais intelligent, que t'avais du potentiel et de la qualité - limite petit génie ; alors le jour où tu t'es fait baiser ta part d'un futur empire de milliards de dollars pour un pauvre chèque de 5000, cette frustration t'a rongé ; lentement mais sûrement ; et c'est peu de choses que de dire que tu l'as désormais en travers de la gorge, même si tu as mis beaucoup de temps à l'admettre. Parce que ça fait mal, Walter.


Alors tu t'es réfugié, dans la chimie et la famille, et même dans des heures sups à t'en faire cracher les poumons à l'Eléphant Bleu du coin. Mais c'est fou ce que le temps peut vite passer...
Des amis ? Pas que je sache ; ou si peu.
C'est plutôt la belle-famille qui faisait partie de ton quotidien. L'hystérique et cleptomane soeur de ta femme formant un parfait petit couple moderne avec ton beau-frère, sévèrement beauf et burné. Il bossait aux Stups le monsieur de Madame Apparences.
Et ce gars, Hank, il n'arrêtait pas d'en jouer avec toi, des apparences. Il avait le verbe facile et imagé pour t'humilier en toute amitié. Toi tu as toujours eu le vocabulaire et les connaissances, Walter, mais c'est tout. Ca n'a jamais suffi pour se faire entendre.
Parce que t'étais bien gentil Walter, et t'en as toujours eu dans l'ciboulot mais pas beaucoup dans le trop grand slip blanc que tu portais si bien. Enfin, c'est plutôt que tu as toujours fait comme on te disait.
Remarque, ça marche encore juste ce qu'il faut : t'as réussi à mettre une seconde fois ta femme enceinte.


Mais la vie est injuste avec les bons soldats du capitalisme judéo-chrétien. Tu te chopes, à 50 ans et des poussières, un cancer du poumon alors que tu ne fumes même pas.
Et dans cette Amérique glorifiant le travail, la famille et la patrie, tu t'es senti comme floué. Parce que la patrie ingrate ne fera rien pour toi à part rappeler à chaque fois et à chacun que "l'assurance ne couvre pas les frais". Frais faramineux qui plus est.


Alors tu as pensé à ta famille. Enfin, en apparence. Ton orgueil t'a surtout fait penser à toi. A la manière dont tu allais te retirer ; la tête haute si possible. Mais c'est un débat compliqué que certains ne pensent pouvoir résoudre qu'avec un coussin... Et comme c'est pas facile d'aimer, c'est de l'argent que tu voudras leur laisser le jour où ton beau-frère, se foutant à moitié de ta goule, parlera du gros pognon qu'on peut se faire en dealant de la dope...
Eurêka ! Te voilà bientôt chef étoilé et professeur ès amphèts !
Et si à première vue ça pouvait paraître osé de cuisiner dans le dos du flic de la family, tu en as fait une force Walter, te servant de lui pour mettre en place ton plan machiavélique. De toute façon, tu n'avais plus rien à perdre.


A son corps défendant, tu rencontreras un petit camé, Jesse.
Ah, White et Pinkman ! Jesse l'homme rose et Walter le blanc, vous étiez faits pour vous associer, à défaut de vous entendre. Toi le prof, lui l'élève, comme à l'époque du lycée. Jesse c'est un peu le fils que tu aurais aimé avoir (tout père rêve d'avoir un fils qui partage avec lui la même passion), même si tu l'aimes beaucoup, ton Walter Junior.
J'imagine d'ailleurs que tu l'as appelé ainsi par narcissisme, voire par un inconscient besoin de dominer l'autre ; ton monde. Sauf que l'image qu'il renvoyait de toi c'était tout aussi inconsciemment la lose dans un monde de winners, à cause de son handicap.
En plus ça tombe bien, Jesse, qui va t'initier au B.A.BA du milieu, a un gros problème relationnel avec son père. Une bénédiction. La marionnette qu'il te fallait.


La suite, on la connaît ; ou pas.
Ta production psychotrope prend la couleur de ton coup de blues initial.
Tu n'as pas encore trop la force d'éliminer les encombrants. Mais tu commences à kiffer. Enfin tu te sens exister. Parce que c'est le panard d'être le meilleur dans ce que l'on fait, Heisenberg. Chapeau !
Surtout que Dieu ;) semble d'abord te donner quelques coups de pouces sur ce grand échiquier de fric et de mort.
Tu rencontreras même ton alter-ego, Gus Frings, le roi du poulet frit, pour une partie épique et endiablée, arbitrée par l'avocat véreux par excellence ; mais on en reparlera bien plus tard de celui-là, dans une autre vie...


Je sais qu'au fond tu t'es longtemps voilé la face Walter, et que tu n'as eu de cesse que de ressasser que tu faisais le mal dans l'intérêt de ta famille. Mais ta seule véritable famille, c'est toi. En même temps, c'est utile, le chantage affectif. C'est la base du petit manipulateur illustré. Ca marche à tous les coups.
Je m'avance peut-être un peu, mais il me semble qu'il n'y a que ta gueule qui compte en fait ; tout simplement parce que t'es un homme. Moderne ? Même pas. Et parce qu'il n'y a rien de plus dangereux qu'un homme humilié qui se donne et à qui l'on donne les moyens de se venger.
Un esprit rationnel comme le tien devrait pourtant savoir qu'il n'existe ni enfer ni paradis : alors pourquoi vouloir les acheter ? Pourquoi vouloir les vendre ?


En passant, tu pourras toujours remercier Vince Gilligan et ses compères qui auront fait honneur à ta démesure, grâce à une photographie léchée, une bande-son toujours juste, un montage exceptionnel et un scénario à rebondissements tout bonnement diabolique, même si de temps à autre, rares, un peu faciles.
M'enfin c'est surtout ta psychologie et ton évolution, mon fier Walter, ainsi que celle des personnages (parfaitement incarnés) que tu auras côtoyés et souvent manipulés, qui selon moi auront fait de Breaking Bad une descente aux enfers d'abord joliment poignante. Mais surtout de plus en plus terrible et shakespearienne au fur et à mesure de cinq saisons à l'apothéose de trois heures (les 4 derniers épisodes) ahurissantes de perfection.


Enfin, n'oublie pas de saluer Bryan Cranston sans qui tu n'aurais peut-être jamais été la grande figure populaire que tu restes encore aujourd'hui.

RimbaudWarrior

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