Bref.2
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Bref.2

Série Disney+ (2025)

Cette critique ne sera pas brève, comme le nom de la série l'indique. Dès sa sortie (et voire même un peu avant) c'était la guerre sur Bluesky entre ceux qui trouvaient ça extrêmement nul et ceux qui trouvaient ça trop bien. Moi, j'attendais de regarder les épisodes à mon rythme et après deux semaines, on s'est tapé les 6 épisodes de la saison.


Si vous voulez avoir mon avis : en Bref, j'ai bien aimé.


Promo de malade :


Diffusé en 2010, Bref. faisait partie de ces séries cultes dont l'aura s'est bonifié avec le temps, les gens ayant toujours une attirance pour cette série. Il y a d'ailleurs un côté Kaamelott dans le sens où les gens ont oubliés tous les autres formats courts qui existaient à la même période (Le Train, les Pourquois ?, Monsieur Pringle, le SAV des émissions, etc...) Mais il faut dire que dès le départ, il y avait eu un engouement et je me souviens qu'on était nombreux à aller sur le site de Canal uniquement pour ça (et peut-être pour Les Guignols ou bien j'avais déjà abandonné ?)


Longtemps annoncé comme étant un film, plus personne n'attendait la suite de Bref. Kyan Khojandi et Navo étaient partis vers d'autres formats courts (Bloqué, Serge le Mytho) ou d'autre type de format d'expression comme le one man show ou les émissions YouTube. On pensait que la série était finie.


Jusqu'à ce que la saison 2 (en réalité une saison 3) arrive sur Disney+ sous le nom de Bref.2 . Et les mecs ont absolument pas lésinés sur la pub : panneaux sur les bus, coupure pub, promo dans diverses émissions du web, critique dans tous les médias, premier épisode gratuit sur YouTube : il y a deux semaine, tout le monde parlait de Bref.2 Ce qui n'était pas pour me déplaire, vu qu'habituellement quand une série fait parler d'elle, c'est sur Netflix, ou c'est un truc que je ne regarderai pas. Ici, c'était la suite d'une série que j'avais aimé et revu avec ma copine, j'étais le public cible et j'avais Disney +.


Ceci dit, ce retour est une sorte d'ultime pied de nez envers Canal+. Au milieu des années 2010, il faut se souvenir que Bolloré avait décidé de se débarrasser de ce qu'on appelait "l'esprit Canal" avec l'aide d'Hanouna. Une partie des équipes avaient trouvées refuge dans le groupe TF1 qui avait vu un bon moyen de s'attirer la sympathie des fans de l'esprit Canal (c'est pour ça qu'on a eu le retour du Burger Quizz et l'émission Quotidien sur TMC par exemple.)


Or, on est en 2025, le groupe Canal pour des raisons d'économies retire ses billes du cinéma français au profit des plateformes de streaming (comme Netflix ou Disney+) et supprime plusieurs chaines dans le sillage de l'arrêt de C8 (non renouvelée suite à de nombreux écarts.) Et quelques semaines avant la suppression de l'émission phare d'Hanouna, qui revient sur Disney + ? Bref, l'un des dernier succès du Canal+ originel, financé en partie par... le groupe TF1. Comme un pied de nez ultime.


Dans l'ensemble :


L'intro est un épisode de Bref saison 1 tant dans le fond que dans la forme : une nouvelle fois le héros sort avec une femme en étant persuadé que c'est la bonne, dont on sent venir qu'elle n'est pas faite pour lui à 50 000 km et au bout de 10 minutes, il se fait plaquer. Encore une fois c'était raconté avec la voix-off de Khojandi, avec des tonnes de cuts, des gags, des plans en accéléré et une femme "trophée" qui n'a pas de prénom. Et c'est pas pour rien si ça a l'air très caricatural, avec une femme qui vue comme manipulatrice et instable. Parce qu'après ça, la série commence une déconstruction sur ce qu'elle était avant, tout comme le personnage commence un travail de remise en question, dont il n'a pas conscience au premier abord.


Si on retrouve de temps à autre les tics d'écriture ou de montage qui ont fait la gloire de la première série, ceux-ci sont dilués dans des épisodes de 40 minutes. Ce qui fait que certains on trouvé ça "longuet" alors que je vois plus ça comme le fait que la série prend plus le temps pour raconter son histoire. Toutefois, il est vrai, qu'on sent qu'ils profitent du fait d'avoir carte blanche pour faire durer certains gags et que c'était pas nécessaire (on a un entretien d'embauche un poil trop long dans l'épisode 2, des gags qui s'éternisent par-ci par-là) mais dans l'ensemble, ça ne m'a pas gêné. (Surtout vu les autres programmes que je me tape à côté, ici, c'est un speedrun.)


La série cherche à faire plaisir aux fans avec pas mal de clins d'oeil et dès le premier épisode, la confirmation que le BEU (Bref. Extended Universe) existe avec l'apparition de Gringe et Orelsan dans les décors de Bloqué, ainsi que celle de Serge le Mytho. Ce qui confirme que ces trois oeuvres existent dans le même univers (ainsi qu'une partie du film Comment c'est Loin) et qui se trouve être un univers où Orelsan et Gringe ont fait une colocation à Paris et n'ont jamais percés dans la musique. Si on ne les revoit plus, le passage justifie l'idée qu'à force de rester le même, le personnage n'évoluera pas, et c'est typiquement le genre d'écriture qui faisait mouche dans la première saison.


Ha, oui, je préviens direct, il y a des caméos de gens assez détesté sur le net (pour des raisons parfois valables) : Gringe et Orelsan, McFly et Carlito (ce dernier ayant un gros rôle dans la série) Alexandre Astier, etc... En règle général, la série possède un casting solide composé d'anciens de la série et de quelques nouvelles têtes issue de la scène stand-up, et offre mal de caméo de comiques de stand-ups, de gloires du net (on voit Theobabac pendant 1 second et Raphael Descraques dans un caméo) et de quelques célébrités diverses. Je sais que ça peut en agacer certains, mais moi j'adore ça, je suis comme le mème de Di Caprio devant son téléviseur à pointer du doigt sans arrêt.


D'ailleurs, même le casting des caméo offre une lecture réflexive sur la série elle-même :

Sarah à refait sa vie avec un acteur qui est joué par Bertrand Usclat de la série Broute, qui joue son rôle dans le film (avec une prothèse dégueulasse.) Or, Broute qui est un programme court de Canal, diffusé 10 ans après Bref C'est littéralement "son remplaçant."

Et dans le même épisode, Khyan fait la connaissance de son voisin, qui est une sorte de "version de lui même mais en vingt ans plus vieux." Et il est joué par Jean Paul Rouve. Des robins des bois. C'est à dire du programme court de Canal diffusé 20 ans avant Bref.

Et au dessus de ça, on a aussi Astier, le daron du "programme court" qui est là pour guider le héros (et lui dire les erreurs qu'il est en train de faire.)


J'ai lu pas mal d'avis négatif sur le net et si je devais donner un conseil, c'est que si vous n'accrochez pas au premier épisode et que la première série vous laissait froid : laissez tomber. C'est pas votre truc. D'ailleurs, je ne comprend pas que ça puisse intéresser et toucher autant de gens, mais j'avoue que moi même j'en fait partie.


Mon rapport à cette saison.


A l'époque de la première série, j'étais en fin de vingtaine et j'étais un peu plus jeune que le personnage principal qui fêtait ses 30 ans au détour d'un épisode de la saison. Au moment de la sortie de la Bref2, je suis un quadragénaire depuis un bon moment et je suis même plus vieux que le personnage qui fête ses quarante ans durant la série.


Et ça me frappe d'autant plus que pas mal des trucs qui arrivent au personnage dans la saison 2 me sont arrivé lorsque j'avais la trentaine : arrêter de vivoter dans des tafs de merde et d'enchainer les relations amoureuses qui n'apportent rien, devoir faire son mea-culpa, déconstruire des clichés encré en soit et s'engager dans une relation à long terme. Ceci dit, comme les créateurs de la série n'avaient pas écrit pour celle-ci depuis 10 ans, il est normal qu'ils piochent parmi leur expérience arrivé durant la période de leur vie précédente. (D'ailleurs, certaines thématiques étaient dans "Pulsion" le premier One Man Show de Khojandi.)


A cela s'ajoute le fait que Bref.2 est une déconstruction de ce qu'était le personnage dans la première saison. Ce qui était normal car le héros n'avais pas une personnalité très construite : c'était une sorte de personnage fonction auquel il arrivait des trucs qui arrivent à énormément de gens de son âge. Un type est pas particulièrement beau, pas particulièrement extraordinaire, un peu geek et un peu fainéant.


Le fil rouge de la saison était d'ailleurs un prétexte à enchainer les thématiques ("j'ai été à un mariage" "j'ai fêté le premier janvier" "j'ai été à un entretien d'embauche") et l'histoire générale passait au second plan. En gros dans la saison 1, l'histoire de "je" (qui n'a pas de nom afin qu'on puisse s'identifier à lui dans sa banalité) tourne autour de Sarah, une fille qu'il a croisé en soirée et avec laquelle il finit par sortir. Dans la seconde moitié (ou saison 2) il rompt avec elle après l'avoir trompé, s'aperçoit qu'en fait il était amoureux d'une autre fille depuis le début (Marla, son plan cul régulier) mais loupe le coche. Il tombe dans la déprime et se relève dans le dernier épisode après avoir affronté quelques démons.


L'intelligence ça a été de prendre cette histoire et de la regarder d'un point de vue extérieur (quand on entend pas ses discussions dans sa tête) et de se dire "mais il a pas agit comme un gros con notre perso ?" (notamment en planquant Sarah en plein milieu d'une fête.) Et soudainement le personnage coche effectivement à tout un tas de clichés très sexiste et toxique. Ainsi dans le premier épisode, on s'aperçoit que Sarah a fait un film pour raconter son histoire de son point de vue et que non seulement, il a agit comme un vrai con qui l'a fait souffrir mais on s'aperçoit ensuite, qu'elle partage le même gout de la métaphore que lui (mais qu'il ne l'a jamais vu.)


Un autre détail, c'est que dans la première série, le personnage n'agissait dans ses relations moins pour se faire plaisir que pour être validé par ses potes : Sarah est un peu une femme trophée, trop belle pour un type au physique banal (le héros en prend conscience en saison 2) et il la trompe un peu sans trop de raison. Juste parce que ça se fait et parce que c'est un truc de mec (l'épisode de la tromperie se termine avec lui qui sert métaphoriquement la main de ses potes aussi menteurs que lui.) Idem avec son ex avec laquelle il recouche sans raison valable. Comme une liste d'activité "de mecs" à faire et qu'il coche pour faire comme "tout le monde". En relisant la critique que j'avais écrite de la première saison, je me souviens que j'avais tiqué sur cette phrase : "grâce à lui je suis un peu un connard, donc je suis un peu un mec." Et bah, c'est tout à fait ça que la série remet en question.


La série se met à déconstruire ça, a remettre en question la place du père des années 80, le fait de ne jamais pleurer, de manquer de communiquer et d'agir sans penser aux autres ou de se mettre en relation avec quelqu'un parce qu'on préfère être mal-accompagné que seul. Alors, ça peut sembler léger (et c'est une critique que j'ai beaucoup lue) mais ça me rappelle les reproche fait au film Barbie. En effet, ce film montrait une vision ultra-reductrice des luttes féministes, mais il aura permis à des gens ordinaires de découvrir certains concept (genre "le patriarcat") dont ils n'auraient jamais entendu parler auparavant.


C'est la même chose pour Bref.2 : ça n'est pas un plaidoyer pour la déconstruction masculine, mais ça invoque des idées qui peuvent permettre de toucher des gens qui n'en auraient jamais entendu parler autrement. Je l'accorde la série est peut-être encore teinté de machiste dans de nombreux clichés (la fille qui plaque "je" qui est le cliché de la femme toxique par exemple) mais elle fait des efforts et c'est louable.


Ma copine et moi on a pas été touché par la même chose : les passages sur la mauvaise parentalité ou sur la façon de gérer le deuil l'ont particulièrement affecté (au point qu'elle a voulu faire une pause après l'épisode 4) tandis que j'avais pas trop de problème avec ça. Et puis durant l'épisode 5, il y a eu toute une séquence où de mauvaise souvenirs de moi-même me sont revenus.


Et on est pas les seuls, vu les commentaires de certaines personnes sur Bluesky (notamment Steph de la compta à propos de l'épisode 2) ou sur Discord. Nos potes nous en avait parlé aussi au restaurant samedi dernier, et rien qu'aujourd'hui, on a fait une vanne sur une personne de notre entourage qui sait pas se remettre en question en disant "il a pas compris qu'il était le mec du film."


Et mine de rien, qu'une série, de surcroit française, réussisse à toucher pas mal de point personnel et à littéralement "nous parler", me fait dire qu'elle n'est pas si mal que ça, malgré le côté "parisiano-parisien" de l'ensemble.


Quelques bémols :


Bon tout n'est pas parfait. En vrac :

- Il y a des moments où le personnage agit tellement comme un gros con égoïste que c'est presque pénible à voir.


- Si j'approuve l'idée d'être sincère dès le départ lors des rencontres amoureuses, j'ai testé à une époque le fait de l'être trop et... c'est pas non plus une bonne idée. (Notamment d'avoir un rendez-vous la veille d'un enterrement.) On arrive direct en expliquant nos soucis à l'autre qui se dit qu'elle va devoir gérer tout ses problèmes en plus des siens. Il faut un juste milieu.


- Passé le premier épisode se dit que la suite va un peu plus exposer ce que son devenu les copains du héros, et en fait, pas vraiment. Il y a un chouette passage sur Baptiste, devenu "Super Papa" (et je me suis identifié à lui) Ben a un gros arc, et on voit pas mal le frère du protagonise, mais le reste est pas plus développé que ça et je suis très très frustré que Marla .

La série nous montre qu'elle a trouvé son équilibre après être sortie avec le héros et qu'elle est en "trouple." Et j'attendais un moment où on allait voir son point de vue ou on allait savoir comment elle était arrivée dans cette situation, comment elle la gérait au quotidien, etc... Mais non, c'est plus une sorte de gag sur "elle est tellement hors norme qu'elle a des relations hors norme." Même lorsqu'on l'entend parler dans sa tête, c'est pour parler du héros.

- Et on saura jamais pourquoi Serge le Mytho s'appelle Charles dans Bref, et on sait pas trop ce qu'il devient. D'ailleurs les rares apparitions de Jonathan Cohen, on a pas sa gouaille habituelle et je m'attendais à ce que ça soit exploré, mais en fait, non.


- La fin de la série est téléphonée.

Le fait qu'il finisse par faire sa vie avec Billie, sa coloc trop sympa, ça m'a agacé, par exemple. Le personnage est cool, mais il peut pas avoir une pote "fille" sans que ça soit une ex ou une future conquête.


Bon, je ne sais pas trop si j'attends un Bref3 dans quelques années

Qui explorera la parentalité. Zone dans laquelle je me trouve et donc je serai super content de voir ça

ou si j'espère qu'ils attendront un peu plus de dix ans pour le faire, histoire d'engranger de nombreux gags sur la cinquantaine.


le-mad-dog
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le 27 févr. 2025

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