Buffy, ou le stress de la critique.
Je déteste parler de ce que j’aime. Ou plutôt, je déteste écrire sur ce que j’aime, parce-que j’ai l’impression que je n’arriverai jamais à rendre sa substance à l’œuvre qui m’a tellement fascinée que j’ai l’impression que je n’en sortirai jamais. A la limite, je veux bien parler de Buffy avec les gens que je croise ; ne serait-ce que pour leur dire à quel point cette série est aussi fantastiquement géniale que dramatiquement mal jugée (et je n’exagère presque pas). Mais alors, écrire une critique dessus me donne juste envie de me cacher, surtout quand je pense aux articles déjà écrits sur le sujet, et qui m’ont donné envie de commencer la série.
Mais le fait est que je ne peux pas rester ici sans faire mon éloge de Buffy et du Buffyverse. Avant de regarder Buffy, je considérais qu’aucune série ne pourrait me faire plus aimer ses personnages que Twin Peaks, et que jamais quelqu’un ne me manquerait plus que Dale Cooper. Si mon agent préféré restera toujours dans mon cœur, je crois qu’aujourd’hui je ne pourrais plus aller à la fac sans avoir une pensée émue pour la saison 4 de BTVS, Saint Graal où les personnages de la série commencent à prendre leur envol et à faire les choix qui les suivront ensuite dans les premières pas de leur vie d’adulte qu’illustrent les trois dernières saisons.
Buffy est souvent représentée comme une métaphore de l’adolescence et du passage à l’âge adulte. La série suit l’héroïne et ses compagnons d’infortune du lycée jusqu’à plus ou moins leurs 22 ans. Elle les fait passer par tous les rites de passage qui constituent la société actuelle : la volonté d’être accepté au lycée, la confrontation avec les adultes qui n’ont jamais l’air de comprendre, le mensonge et la vérité que personne ne voit, et finalement les responsabilités qui ne vont qu’en grandissant. Si le sujet semble banal de prime abord, il n’est qu’une excuse pour ouvrir les portes d’un monde d’interprétation. Tandis que le statut de Tueuse de Buffy lui attire autant d’ennuis que de gloire (au cours des saisons, tout le monde semble envier Buffy sans jamais vouloir prendre le quart de ses responsabilités), l’univers démoniaque entourant la série permet d’initier le postulat selon lequel personne n’est jamais totalement digne de confiance.
Comme le rappelle Giles dans le final de la saison 5, « Buffy est une héroïne. Pas nous ». Tant dans le camp des « gentils » que dans celui des « méchants », les personnages font preuve, au cours des sept saisons, d’une ambivalence parfois perturbante, nous faisant douter autant que Buffy elle-même de la confiance que l’on peut accorder à chacun. La dichotomie qui apparaît dans les premières épisodes de la série, à savoir humains = gentils et démons = méchants, devient vite caduque et rappelle que même dans un monde simpliste en apparence, rien n’est jamais défini à l’avance. Ainsi, les vampires, tels qu’Angel mais surtout Spike, s’avèrent moins maléfiques qu’annoncés, et les humains, quand ils ne sont pas la menace principale (dixit le Trio dans la saison 6), deviennent parfois tellement instables qu’ils franchissent la limite en apparence claire entre le bien et le mal.
Car dans Buffy, tout est question de pouvoir, comme le rappelle le grand méchant de la saison 7. La question du pouvoir est débattue tout au long de la série, il est celui que Buffy rejette, parce-qu’il attire des ennuis et qu’elle ne rêve que d’une vie « normale » où elle peut « porter une robe et aller au bal de fin d’année » mais sans lequel elle ne peut vivre, parce-qu’il la rend puissante et indépendante. Willow, en devenant une sorcière, fera une expérience similaire. Chaque personnage détenant le pouvoir découvrira à quel point il peut être bon ou mauvais, mais surtout indispensable ; et ce sont surtout les femmes qui le possèdent : parce-que Joss Whedon voulait héroïne puissante, et des personnages secondaires féminins badass (Willow sorcière, Anya ex-démon…), il a créé un univers qui fourmille d’idées, de sous-entendus, de sens cachés, tout en mettant en place un monde attachant et rempli d’humour, dont on n’arrive pas vraiment à sortir une fois qu’il se referme (enfin, qu’il s’écroule).
Je n’en dirai pas plus, parce-qu’il est impossible de résumer mais aussi d’interpréter Buffy (dois-je mentionner les Buffy studies à l’Université ?). Je crois qu’il faut juste se donner la peine de le commencer et de se laisser happer.
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