Ma série culte, la seule dont je peux revoir les épisodes avec le même plaisir et dont je ne me lasse jamais, la seule pour laquelle j'ai accepté de devenir un véritable acharné, collectant dvds, ouvrages et autres articles pour assouvir ma soif de connaissances, la seule qui ait chamboulé ma vision du monde (j'exagère peut-être un peu mais à peine).
En 2017, on fêtera les 20 ans de son lancement le 10 mars 1997 sur l'ancienne WB et 13 ans après son dernier épisode, elle reste l'une des séries les plus intelligentes jamais produites. Petit retour sur la genèse d'un culte.
Buffy est issue du cerveau du génial Joss Whedon et avant de devenir la série qu'on connaît, elle a été un four monumental au cinéma. La raison ? Un scénario tellement retravaillé que l'auteur ne reconnaissait plus son bébé. Du coup, lorsqu'on lui propose d'en faire une série quelques années plus tard (une idée étrange, il faut bien le dire même si elle s'est avérée payante), Joss dit oui à condition de garder le contrôle. C'est qu'on ne la lui fera pas deux fois ! Et c'est exactement ce qu'il fera durant sept ans, expliquant ainsi la qualité et la cohérence de sa série.
L'idée de base est un peu simplette mais pour l'époque c'est un coup de génie : la bimbo blonde qui passe son temps à se faire tuer dans tous les slashers movies va enfin prendre sa revanche et montrer à la galerie de monstres qui peuplent l'univers fantastique qu'elle en a marre d'être prise pour une gourde. Buffy, pionnière de la nouvelle vague féministe, celle du girl power, est en marche !
Aujourd'hui, pas une série sans une femme de caractère mais pour l'époque Buffy fait preuve d'insolence. La faute à un staff scénaristique brillant qui restera quasiment le même jusqu'à la fin de l'aventure et parmi lesquels on peut trouver des auteurs aujourd'hui réputés dans le monde des séries télés (David Greenwalt, Jane Espenson, Marti Noxon, David Fury, Drew Goddard, Steven S. DeKnight...). Savoir s'entourer fait aussi partie du métier.
Lorsque j'évoque Buffy, quatre raisons majeures me viennent à l'esprit pour expliquer l'engouement et l'impact qu'elle a eu sur moi.
Avant toute chose, Buffy est une série travaillée. Même si le constat de départ prête à sourire et que le côté "terreur de la semaine" des premiers épisodes peut lasser, force est de constater que les scénaristes connaissent leur boulot. Ils savent où ils vont et n'oublient pas ce qu'ils ont fait, ce qui permet à la série d'avoir une véritable unité. Whedon, maître incontesté en sa demeure, glisse ainsi des allusions à ce qui ne se produira que la saison, voire deux saisons prochaines. Fan lui-même, il sait que les références dont sont truffés ses épisodes seront comprises par son public fidèle. Les personnages évoluent avec constance, les choix qu'ils font ont des conséquences et les événements sont liés. C'est le respect de la continuité et c'est suffisamment rare pour être souligné.
Autre raison, Buffy est composée d'un casting talentueux. Sarah Michelle Gellar se révèle au fur et à mesure des épisodes bien plus émouvante que ne le laissait supposer l'intrigue de départ. Chacun des seconds rôles est ainsi porté par des acteurs peu connus superbement dirigés qui offrent de grands moments : James Marsters (Spike) si talentueusement torturé, Nicholas Brendon (Alex) dont c'était ici le premier rôle, Tony Head (Giles) si irrésistiblement anglais, Juliet Landau (Drusilla) et sa folie envoûtante... Je pourrais tous les citer (et quand je dis je pourrais, ce n'est pas une simple formule, je pourrais vraiment le faire). L'humour inattendu d'Emma Caufield, la douceur apaisante d'Amber Benson, Seth Green le laconique pince-sans-rire, la bonhomie inquiétante de Harry Groener, l'énergie désespérée d'Eliza Dushku, la dignité douloureuse de Kristine Sutherland... Mais la palme revient sans conteste à Alyson Hannigan, véritable révélation dans le rôle de la timide Willow dont l'évolution est la plus significative, à la fois tragique et surprenante.
Même si tous les épisodes ne sont pas à inscrire au panthéon télévisuel (aucune série ne peut y prétendre), la qualité des scénarios est incontestable. En jouant sur toute une gamme d'émotions, du rire à la frayeur aux larmes, la série explore ses personnages avec une ferveur et une justesse impressionnantes. Conscient qu'elle peut être annulée à chaque fin de saison et qu'il n'y a rien de plus désagréable qu'une série inachevée, Whedon s'arrange pour boucler chacune de ses saisons. Le Big Bad de l'année devient ainsi une marque de fabrique (Le Maître, Spike et Drusilla, Le Maire, Adam, Glory, Le Trio, Le Premier). Et sur la durée totale de la série on s'aperçoit que ce qui compte n'est pas tant la résolution d'un conflit (puisqu'il se termine chaque fin de saison) mais bel et bien l'évolution des personnages. Ainsi les adolescents grandissent, entrent dans la vie active, leurs amours légères deviennent plus sérieuses et leurs certitudes des doutes. Comme dans toute existence, chacun se remet en question, s'éloigne de ceux qu'il aime pour mieux les retrouver (ou pas) et cherche encore et toujours à découvrir qui il est, quitte à y laisser sa vie. Ce faisant, Whedon et son équipe évoquent des thèmes plus adultes, cachés derrière les monstres et la mythologie, dense mais pourtant claire, de la série. La métaphore fantastique, principe cher à Star Trek et au genre en général, n'a jamais été aussi bien employée.
Dernière raison et non des moindres, Whedon ne se repose jamais sur une formule gagnante et innove constamment. Les couples clés se séparent, si bien que la notion de couple phare est en constante évolution et ce pour chacun des héros (Buffy : Angel, Riley ou Spike ?, Alex : Cordelia ou Anya ? Willow : Oz, Tara ou Kennedy ?), les repères éclatent (mort d'un parent, départ d'un autre, sœur mystère) et certains personnages importants connaissent une fin brutale et inattendue. Tuer son héroïne était quand même plutôt gonflé. Réussir sa résurrection l'était encore plus. Puis, périodiquement, Whedon s’attelle à ce que les fans appellent "les épisodes spéciaux" et qui constituent la carte de visite luxueuse de la série : un épisode muet, envoûtant et terrifiant (Hush), un épisode musical (Once more with feelings), un épisode onirique (Restless), un épisode centré sur les instants qui suivent immédiatement la mort d'un proche (The Body, véritable chef d'oeuvre)... Quitte à se tromper, Whedon avance, parce qu'il refuse de se reposer sur ses lauriers et de s'installer dans une routine pourtant si confortable. Et c'est payant.
J'ai en tête plein d'autres raisons d'aimer Buffy mais comme je ne peux décemment pas écrire un guide de la série comme critique, je vais lancer pèle-mêle ce qui me vient à l'esprit, les amateurs comprendront : Willow, le placard à balais, dopplegangland, Angelus, les gentlemen, Kennedy, les lapins, le Buffybot, Joyce, le viol, Acathla, Sweet, les larmes de Willow dans les toilettes, Faith et Buffy sur la piste de danse, la psychanalyse de la tueuse, Harmony, le cou de Jenny, Chris Beck, Halfrek, la spatule de Cordelia, le pendentif d'Anya, Glory, Sarah MacLachlan, Buffy et Alex sur la piste de danse, Wesley et Cordelia, les chocolats, Tara, les lunettes de Giles, les draps rouges, Miss Kitty Fantastico, le crayon jaune, Warren, voix intérieures, Riley, la clé, le centième, la voix de Tara, l'âme de Spike, Andrew le refoulé, l’œil d'Alex, Willow et Tara, la maison qui s'écroule sous les coups de Buffy et Spike, l'affrontement Willow/Giles, le passage de témoin, la fin...
Chaque fan qui a une série culte dira que sa série est unique et je ne couperai pas à la règle. Il y a pour moi un avant et un après Buffy dans ma vision des séries télé. Pour toutes les raisons citées mais surtout parce qu'à aujourd'hui Buffy est la série qui m'a le plus parlé, le plus remué, le plus touché, parce que quand j'en parle, j'ai cette lueur dans le regard et un sourire sur les lèvres. Et il est toujours bon d'être reconnaissant pour les émotions qu'on éprouve. Merci Joss. Merci Buffy.