Rien de tel qu'un bon jus de pavot !

Avant les experts a Miami, Manhattan et tout le tralala, il y avait un expert d'une grande intelligence et d'une grande bonté. Bien sûr, il n'était pas capable d'identifier un tueur à l'aide d'un poil de cul (un fil de soie rouge oui, mais pour les poils de cul, il est né un chouilla trop tôt) ou de faire parler une minuscule empreinte d'auriculaire à demi effacée sur la souris d'un ordinateur portable (là encore, un chouilla trop tôt), mais il était tout de même sacrément bon dans son domaine.
Aussi peu menaçant qu'une Jessica Fletcher ou une Miss Marple mais presque aussi brillant qu'un Sherlock Holmes (et encore, faudrait pouvoir les mesurer), le frère Cadfael n'avait besoin que de sa tête, de logique et de bon sens pour élucider ses affaires. Et d'un peu de cran aussi.

À vrai dire, je me souvenais du frère Cadfael de ma jeunesse. La série ne comptant que peu d'épisodes, certains étaient diffusés et rediffusés à l'excès (et encore, pas autant que Les Experts) mais m'avait laissé un très bon souvenir. D'ailleurs soyons bien clair, pour moi, Jacobi était Cadfael (quoi qu'il vaut mieux s'ôter l'idée de la tête en regardant Vicious par exemple).
Plus jeune, je voulais être une écrivaine de renom vivant dans un petit bled ou je me serais promené en vélo comme Jessica, et être une as des plantes (médicinales ou non) comme Cadfael. C'est dire que cette série m'a marqué !

Quoi qu'il en soit, après des années d'oubli, le bon frère s'est rappelé à mon bon souvenir (Dieu sait pourquoi ou comment, une révélation certainement), et je me décidais donc à me faire l'intégrale.

Et Ô joie, Ô bonheur, cette série n'a pas vieillie.

Je retrouvais donc avec bonheur ces long épisodes où le spectateur n'est pas pressé, bousculé, largué. 1h15 d'enquête tranquille mais efficace, avec ses hauts et ses bas à chaque épisode.
Assurément, le souvenir des capacités de déduction de Cadfael que j'avais n'était pas erroné. Bon, de temps en temps notre bon moine se trompe un peu ou parvient à des déductions un peu faciles, mais globalement, il n'y a pas grand chose à redire. Bonté et Justice sont les maîtres mots de Cadfael et guident ses actes et ses pensées.

L'ambiance quant à elle, est des plus réussie. Grâce à des décors réalistes (je ne suis pas médiéviste, mais il faut reconnaître que les reconstitutions me paraissent plus que correctes), ses lumières "à la bougie" (oui, vaut mieux regarder Cadfael en soirée ou les volets fermés plutôt qu'en plein jour pour voir ce qui se passe à l'écran) et ses costumes forts bien fait, le spectateur se retrouve, le temps d'un épisode, en plein XXIIème siècle.

À vrai dire, ma grande déception vient du casting. Et plus précisément du départ de Sean Pertwee qui jouait à merveille Hugh Beringar dont les relations avec le frère Cadfael étaient si particulières. Partis du mauvais pied, la relation entre les deux personnages était alors bien équilibrée, chacun ayant ses priorités, ses charges, ses idées, mais tout deux voulant la justice. On imagine mal Pertwee/Beringar plonger un homme dans l'eau pour voir s'il flotte avant de dire s'il est coupable ou non... Certes, cela se faisait à l'époque (tout comme les duels auquel il se livre dans le premier épisode), mais les preuves et déductions logiques était plus son fort...

Quoi qu'il en soit, ce n'est que broutille. Les décors, les costumes, la lumière et les histoires sur fond de guerre civile et de superstitions font de cette série policière une bonne production télévisuelle.
Bien que certains personnages restent manichéens, ils ont chacun leur histoire, leurs convictions et leurs petits pêchés mignons (si le lèche bottisme était un pêché mortel, nul doute que le frère Jérôme serait perdu depuis longtemps). Faute d'ordinateurs, de fusils et de voitures, la série bénéficie d'une quiétude agréable et nous évite les PAN, les Vroum Vroum et les preuves invisibles auxquelles nous ont habituées les séries modernes (contre lesquelles je n'ai aucune haine mais qui me lassent souvent par leur côté superficiel).

Une série policière à voir et à revoir pour les jeunes et les moins jeunes. Un 8 peut être un poil surnoté par mon affection pour le moine rebelle (n'oublions pas que de son propre aveux, l'obéissance n'est pas son point fort), mais plein d'atouts.