Un affront en bonne et due forme
CRITIQUE #1: La version de 158 minutes que j'ai vue.
Je me souviens avoir entendu parler de Carlos alors que j'étais fraîchement rentré au lycée. Procès, média, infos, etc etc. on ne parlait que de lui. Incontournable. La première fois que le mot terroriste arrivait à mes oreilles. Ce terme me poursuivit jusqu'à l'université quand je décidai de pondre un mémoire de maîtrise de sociologie sur le sujet. Bref, donc si y a bien un sujet sensible sur lequel je peux parler, c'est bien celui-là. De fait, j'attendais le traitement cinématographique d'Olivier Assayas avec une certaine impatience. J'ai attentivement suivi le film, retracé dans mon esprit les quelques faits que je relatais moi-même dans mon travail universitaire d'alors, en citant les organisations dites "terroristes" sous-couvertes d'appellation "de libération", au sein desquelles Carlos trouvait des appuis plus que confortables et des parrainages diplomatiques.
Bien que sud-américain, ledit Carlos disait militer pour la cause palestinienne. Soit. Il a grandi dans une famille communiste vénézuélienne, et son père lui a donné comme prénom Ilich qui n'est rien moins que celui de Lénine. Ça en dit long.
Quoiqu'il en soit, les années 70 et à moindre mesure 80, furent le théâtre de sanglants affrontements au Proche-Orient, la guerre au Viet Nam faisait encore rage, le conflit israélo-palestinien était à son apogée, il y avait la guerre froide entre l'URSS et les USA, la Stasi terrifiait la RDA, le KGB contrôlait tout en Europe de l'Est. J'en passe et d'autres. Bref, loin d'être la joie les seventies. Et puis un beau jour on nous parle de ce fameux Carlos histoire de se dédouaner et passer la torche brûlante à un quidam exécutant. Car, pour ceux qui n'auraient pas encore pigé le topo, Carlos c'était pas un pauv' mec qui se la jouait solo si vous voyez c'que j'veux dire. Armé, appuyé, commandé par les plus hautes sphères de certains États pour mettre en œuvre et éliminer des personnalités de l'échiquier géopolitique qui se trouvaient disons, gênantes. Les enjeux étaient énormes à tous les étages. Oulala il n'était pas question de discuter du prix du lait, mais de la place de chacun sur la table du pétrole, le contrôle armé de zones (et encore maintenant d'ailleurs) stratégiques et sensibles et tout le toutim.
Ainsi Carlos n'est qu'une pièce du puzzle gigantesque d'un réseau extrêmement complexe.
Je digresse et j'en reviens au film.
En deux mots sur les 158 de ce métrage ? C'est mauvais, maladroit et tristement bâclé même si Assayas et son équipe se sont évertués à retracer (presque) à la lettre les pérégrinations et autres aventures du bonhomme. Ah ça pendant toute la durée du film vous voyagez et pas qu'un peu. J'ai pas noté le nombre de pays et de villes qui sont cités, mais un paquet je vous le dis. Niveau culture, vous en avez pour votre pognon. Pas moins de 7 langues sont retrouvées. Ça tchatche à tout-va et faut bien suivre sinon on perd vite le fil. Donc pour ce coté culturel et historique certain, oui il faut au moins voir ce film une fois (surtout pour ceux qui veulent savoir où se situent Khartoum et Aden). Mais le problème majeur c'est que ce film donne une très désagréable sensation de livre d'école qu'on t'aurait claqué à la face en te demandant de lire bêtement ta leçon. C'est paragraphé au possible, ça sonne faux et surtout ça sonne prémâché. C'est un peu comme si on voulait vous faire croire qu'on peut apprendre l'anglais en lisant un manuel scolaire. Mon cul oui. Et l'histoire au bahut c'est du même acabit mais en pire, because on vous pose des faits sinon raccourcis pour ne pas dire là aussi travestis et arrangés d'une réalité qui est beaucoup moins glorieuse pour votre patrie. Les rois, les batailles, les Égyptiens, la Ière & IIème guerre mondiales, etc..rabâchés jusqu'à la moelle mais en se tenant bien d'occulter d'autres vérités comme le massacre des Arméniens, celui de Sabra et Chatila, la répression à la station de métro Charonne en 1962, la déroute de Diên Biên Phu des troupes françaises en 1954 en Indochine, etc etc etc la liste est longue comme le bras de ce que nos "chers" manuels scolaires occultes volontairement pour se donner bonne figure. Là je ne digresse pas car j'essaye de mettre en exergue le traitement médiatique d'un Carlos nommé à tort "terroriste" pour décrédibiliser encore plus son action, et par-là même lui donner une symbolique diabolique, et de facto pour les États de se mettre l'opinion publique dans sa poche. Un procédé vieux comme le monde. On nous dit ce qu'on a envie d'entendre. Parenthèse fermée.
Olivier Assayas a fait un travail historique indéniable, ça se voit et se sent. Mais là est tout le problème dans le même temps car l'on ne voit que ça. Genre le mauvais téléfilm de tf1 ou encore un reportage à l'emporte-pièce en troisième partie sur France 3. Le Carlos qui a des cojones, qui en impose et que tout le monde redoutait ? Quand vous matez le film vous vous rendez compte que le quidam qui incarne Carlos a autant de personnalité que Calimero. Je pousse un peu mais on est pas loin. Il existe un nombre incalculable de non-sens dans ce métrage, de choses vraiment tirées par les cheveux, des bâclages, des incohérences, des absurdités à tous les niveaux. Je ne vais pas les répertorier car ça me prendrait une heure. Citons juste la prise d'otages à Vienne lors du Congrès de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) où on se croirait dans un épisode de Commissaire Navarro. La blague ultime quoi ! Aucun suspense, tout est joué d'avance. Cerise sur le gâteau; lors de la réelle prise d'otages de décembre 1975 il n'y avait pas moins de 65 représentants d’États à ce sommet, alors que là ils doivent être une vingtaine à tout casser. Une prise d'otages au rabais qui sent de surcroît la mauvaise série B. Beurk j'ai vomi. C'est juste un exemple. Il y en a des tripotées comme celui-ci.
A trop vouloir dépeindre, on en vient à se prendre les pieds dans le tapis sur un sujet aussi empreint de sens. La première moitié du film est chiante, mais que dire de la seconde dans ce cas. De mal en pis cette histoire. Pourtant je suis toujours friand d'un mix gangster/histoire/biopic, le genre de délire qui me tient scotché devant mon écran. Mais là non, non et re-non. D'accoutumée bon public dans le genre, je me suis littéralement ennuyé. J'ai baillé comme un loir, je suis allé aux toilettes, j'ai bu un café. J'ai même mis sur pause 10 minutes pour jouer de la gratte. C'est vous dire l'intérêt que ce film a suscité en moi !
Au final, ce film peut (éventuellement) être visionné par celles et ceux qui ignorent tout de Carlos, de la géopolitique et de l'histoire. Pour les autres, ce film ne présente aucun intérêt cinématographique.
CRITIQUE #2: quand j'aurai vu la version de 330 minutes.