Cat Soup, cet OVNI d’animation de 1999, est une expérience sensorielle unique et déroutante qui fait voler en éclats toutes les conventions narratives. Produit par TV Asahi, ce court-métrage suit Nyatta, un chaton, dans un périple aux confins de l’inconscient, de la vie et de la mort, alors qu’il tente de récupérer l’âme de sa sœur en errant dans un monde d’images aussi absurdes que fascinantes. Ce n’est pas une histoire au sens traditionnel du terme mais plutôt une sorte de rêve éveillé, où la logique est sacrifiée sur l’autel du surréalisme.
Dès les premières scènes, Cat Soup vous plonge dans un univers où les lois de la nature semblent s’inverser et où chaque rencontre est plus étrange que la précédente. La direction artistique est à la fois douce et perturbante, avec des personnages et des décors qui oscillent entre l’adorable et le cauchemardesque. Les couleurs pastel créent une ambiance faussement enfantine, mais l’imagerie, souvent violente et étrange, nous rappelle que cet univers n’est pas pour les âmes sensibles. Les scènes se succèdent sans réelle continuité, comme des morceaux d’un puzzle sans bordure, chaque pièce ajoutant à la confusion et au charme insaisissable de l’œuvre.
Nyatta, notre protagoniste félin, avance d’une situation étrange à une autre sans réelle réaction – tel un témoin stoïque de l’absurdité. Il croise des personnages inquiétants, des dieux, et même des forces naturelles personnifiées, mais chacun semble aussi indifférent que lui au chaos ambiant. Cet aspect impassible du protagoniste accentue la nature presque hypnotique du voyage, où les événements, aussi traumatisants soient-ils, glissent comme dans un rêve dont on ne se souviendra qu’à moitié.
Les thèmes abordés, bien que subtils, touchent aux questions de la vie, de la mort, de la conscience, et de la dualité entre beauté et horreur. Mais au lieu de délivrer des messages clairs, Cat Soup préfère laisser le spectateur dans l’incertitude, comme s’il s’agissait d’un poème visuel que chacun interprète à sa manière. La quasi-absence de dialogue renforce ce côté introspectif et mystique, obligeant chacun à naviguer dans ce torrent d’images surréalistes, à en dégager ses propres impressions, ses propres questions.
Visuellement, la série prend le pari d’un style minimaliste mais précis, avec des plans qui rappellent parfois les œuvres de Salvador Dalí ou de René Magritte. L’animation, malgré sa simplicité apparente, est extrêmement expressive, et chaque scène semble se moquer des règles établies. Les éléments changent de forme et de sens sans avertissement, et chaque séquence semble nous plonger un peu plus dans le subconscient dérangé de l’univers.
Cat Soup ne cherche pas à être "compris" au sens classique ; il s’agit plutôt d’une invitation à lâcher prise et à se laisser porter par le flux de l’absurde. C’est un voyage psychédélique et poétique où l’émotion naît plus du ressenti que de la compréhension, et où la narration linéaire est remplacée par une succession d’impressions visuelles et symboliques.
En résumé, Cat Soup est une œuvre audacieuse, à la frontière de l’art expérimental et de l’animation, qui repousse les limites de la compréhension pour offrir une expérience purement sensorielle. C’est un petit bijou d’absurdité et de surréalisme, à savourer pour ce qu’il est : une plongée sans filet dans l’inconnu. Pour les amateurs de récits décalés et de voyages introspectifs, cette soupe de chat est une expérience à goûter avec curiosité et sans retenue.