Ceux qui rugissent
S'il y a bien quelque chose que l'on peut aisément reconnaître à Arte, c'est bien la qualité de ses mini-séries actuelles, des œuvres télévisuelles qui, il faut le rappeler, sont par delà le marché,...
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le 15 oct. 2024
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S'il y a bien quelque chose que l'on peut aisément reconnaître à Arte, c'est bien la qualité de ses mini-séries actuelles, des œuvres télévisuelles qui, il faut le rappeler, sont par delà le marché, absolument gratuites et accessibles à tous et toutes.
Il y a de cela quelques mois je rédigeais une petite critique sur la fabuleuse œuvre d'Emilie Tronché du nom de Samuel, sortie sur la même plateforme en début d'année. Malgré son dispositif d'une effarante simplicité, celle-ci a réussi à combler bon nombre de spectateur, certains retours positifs la classant même dans les meilleures parutions de l'année 2024.
Ceux qui rougissent semble poursuivre le même chemin. Il s'agit là d'une mini-série de huit épisodes d'environ une dizaine de minutes et sortie le mois dernier. Celle-ci a été réalisée en partie par Julien Gaspar-Oliveri, l'acteur principal et véritable atout de la série, occupant le rôle d'un professeur de théâtre autant excentrique qu'atypique.
Si l'œuvre susnommée semble, à première vue, s'intéresser ontologiquement à l'art théâtral, c'est bien un récit sur les relations humaines qui nous est conté ici. Trois éléments le démontrent clairement. D'abord, Ceux qui rougissent s'ouvre sur une répétition d'un texte de Shakespeare, par une classe de lycéen en option théâtre, qui se voit subitement malmenée par l'arrivée d'un professeur remplaçant. En l'espace de quelques secondes, les scénaristes détournent le regard du spectateur de la scène théâtrale pour le rediriger vers l'humain. De la même manière, à aucun moment, nous aurons accès à la moindre répétition d'une quelconque pièce, seuls des échauffements oraux et physiques seront mis en scène. Enfin, le dernier élément, sans doute le plus probant, est ce long monologue de la "nerd" dans le dernier épisode et qui apporte, en quelque sorte, la morale de la série. Comme dirait l'autre, ce qui compte ce n'est pas l'arrivée en soi (ici la représentation sur scène) mais bien le chemin parcouru (les rencontres faites).
A l'instar de Samuel, le dispositif filmique se démarque par sa grande simplicité : un gymnase faisant office de huit clôt et une petite dizaine de personnages. C'est encore une fois une véritable économie de moyens ! La spontanéité de la mise en scène pourrait au départ faire penser à du documentaire voire même à une retranscription d'une captation de théâtre, tout du moins, c'est ce que les premières minutes laissent en effet penser. Très vite cette porosité s'estompe.
Mais comment parler de spontanéité de la mise en scène sans évoquer l'immense naturel du jeu de certains acteurs ? Je pense d'abord, et évidemment, à ce professeur de théâtre, dont la pédagogie peu conventionnelle mais exemplaire donnerait presque envie de délaisser le cinéma pour pratiquer l'art de la scène. Je pense ensuite et surtout à cette jeune fille introvertie du nom de Marie, dont les traits du visages viennent à certains moments tout dire des états d'âmes du personnage, et qui m'a tout bonnement émue jusqu'aux larmes. Quant aux autres, ils ont un jeu tout autant vraisemblable, ce qui est étonnant pour une production de ce calibre-ci.
Chaque épisode, faisant office d'échauffement avant la répétition, se concentre sur un ou deux personnages en particulier (Ex : l'épisode 3 sur Elio, le 4ème sur Ulrich, le 5ème sur Marie), mais sans pour autant laisser les autres sur la touche. Ainsi le théâtre est réinvesti pour se mettre au service des individus et de l'expression de leur sensibilité. Par exemple dans l'épisode 4, dans une scène de profonde sincérité, le professeur demande à ses élèves de jouer leur propre parent. En jouant sur les codes du théâtres que sont le travestissement/le changement d'identité, les élèves se dévoilent paradoxalement, permettant ainsi au spectateur d'en apprendre plus sur ces derniers. En campant le rôle de son père, Ulrich le fait parler à sa place, il se met à nu face à ses camardes, notamment en évoquant sa relation avec celui-ci, lui qui se montrait pourtant au départ profondément nonchalant et indifférent à l'égard des cours de théâtres.
En restera donc de Ceux qui rougissent, une mini-série sensible, touchante, mettant en scène d'excellents acteurs, et cela, en rugissant son amour pour le théâtre comme lieu de rencontre, de liberté, mais surtout de dévoilement de l'individu.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleures séries de 2024
Créée
le 15 oct. 2024
Modifiée
le 16 oct. 2024
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