Chapi Chapo, c’est un peu comme si tu avais confié une émission télé à des créatures extraterrestres venues d’une planète où les couleurs vives, les formes géométriques et les mouvements absurdes sont la norme. Ces petits bonhommes aux chapeaux géants, qui semblent tout droit sortis d’un rêve étrange après une overdose de bonbons acidulés, naviguent dans un univers où les lois de la gravité sont aussi souples que leur logique narrative. On ne sait jamais vraiment ce qu’ils font, mais on les regarde avec fascination, comme un poisson rouge regardant passer des bulles.
Les deux héros, Chapi et Chapo, sont des sortes de lutins minimalistes aux corps en forme de cubes et coiffés de chapeaux gigantesques, qui semblent toujours sur le point de tomber sous leur propre poids. Ces chapeaux sont tellement disproportionnés qu’on se demande s’ils sont des accessoires de mode ou des antennes pour communiquer avec une civilisation plus évoluée. La couleur est leur principale carte d'identité : Chapi est rouge, Chapo est bleu, et ensemble, ils errent dans un décor minimaliste et abstrait qui pourrait passer pour une exposition d'art contemporain un peu trop conceptuelle.
Le décor de l’émission est un véritable labyrinthe de formes géométriques et d'objets démesurés qui semblent n’obéir à aucune logique spatiale. C’est un peu comme si Salvador Dalí avait redécoré une crèche d’enfant après avoir mangé trop de friandises. Tout est mou, coloré, et pourtant étrangement inquiétant. On ne sait jamais si les objets géants qui entourent Chapi et Chapo sont leurs amis, leurs ennemis, ou juste des éléments de décor qui ont décidé de vivre leur propre vie.
La vraie star de Chapi Chapo, ce n’est pas tant l’intrigue (car soyons honnêtes, l’intrigue est un concept assez flou ici), mais plutôt la bande-son hypnotique signée François de Roubaix. Les petits airs synthétiques et répétitifs qui accompagnent chaque pas de Chapi et Chapo sont à mi-chemin entre un berceau musical et une transe électronique pour hipsters en quête d'expériences sensorielles. C’est le genre de musique qui te happe doucement, te fait perdre le fil du temps, et te laisse te demander si tu n’es pas, toi aussi, en train de flotter dans ce monde mou et coloré.
Chapi et Chapo ne parlent pas, du moins pas de façon compréhensible pour nous, pauvres humains. Ils émettent des petits sons aigus, des rires, et des gloussements qui pourraient être des mots dans une langue extraterrestre oubliée. Leur communication est une série de gestes, de sauts, et d'interactions étranges avec leur environnement, comme s’ils essayaient désespérément de comprendre les règles d’un jeu dont ils ignorent les règles. Ils se contentent souvent de découvrir de nouveaux objets, de sauter dessus, ou de s’y accrocher, sans que l’on sache vraiment pourquoi, mais avec beaucoup d’enthousiasme.
Le plus curieux, c’est que Chapi Chapo parvient à captiver sans qu’il ne se passe jamais grand-chose. C’est une série qui ne fait pas de bruit, ne raconte pas de grandes histoires, mais qui te plonge dans un état de contemplation presque zen. Les enfants qui la regardaient dans les années 70 devaient être fascinés par la simplicité et la répétition des mouvements, tandis que les adultes qui regardaient d’un œil distant devaient se demander s’ils n’étaient pas en train d’assister à une sorte d’expérience psychologique déguisée en programme pour enfants.
Le charme de Chapi Chapo réside dans son étrangeté, sa capacité à te faire entrer dans un monde où rien n’a vraiment de sens, mais où tout semble parfaitement naturel pour ses habitants. C’est un peu comme si tu avais plongé dans un rêve où les couleurs et les formes étaient plus importantes que les mots, où le simple fait de sauter sur des cubes géants suffisait à donner un but à ta journée.
Mais cette étrangeté peut aussi vite devenir lassante. Les épisodes, qui ne durent que cinq minutes, sont très répétitifs. Après quelques aventures cubiques, tu te rends compte que Chapi et Chapo font toujours un peu la même chose : sauter, rire, toucher des objets, puis sauter à nouveau. Il n’y a pas vraiment de progression, pas d’enjeu, et cela peut te donner l’impression d’être coincé dans une boucle temporelle infinie. Les adultes risquent de décrocher rapidement, tandis que les enfants, eux, peuvent être hypnotisés par cette simplicité presque méditative.
En résumé, Chapi Chapo est une expérience visuelle et sonore unique en son genre, une sorte de rêve éveillé où la logique n’a pas sa place, mais où le plaisir de découvrir des formes et des couleurs suffit à captiver les plus jeunes (et peut-être à intriguer les plus vieux). Si tu as envie de plonger dans un monde absurde, sans queue ni tête, où des bonhommes aux chapeaux démesurés sautillent gaiement dans un univers mou et coloré, alors cette série est faite pour toi. Mais si tu cherches un peu de logique ou une histoire avec un début, un milieu et une fin… eh bien, disons que tu risques de te retrouver aussi perdu que Chapi et Chapo face à leur dernier cube géant.