Prenez un scénariste de comédies très potaches (Scary Movie 3 et 4, les derniers Very Bad Trip, que du lourd). Imaginez qu'il a d'autres projets plus sérieux, plus adultes, plus ambitieux. Imaginez que le type se fasse embaucher par HBO pour mettre en scène une mini-série violente sur les évènements survenus à Chernobyl en 1986. Personne n'aurait parié sur le réalisateur de Super-Héros Movie comme personne n'avait cru au réalisateur de Very Bad Trip pour transcender la Némésis de Batman. Sauf que Craig Mazin a de sacrées cojones.
Avec un budget colossal de 250 millions de dollars, il scénarise et supervise cinq épisodes d'une heure chacun, engage un ex-clippeur reconverti en réalisateur de séries TV (Johan Renck, qui a tâté de "Breaking Bad" ou encore "Vikings") et nous balance à la gueule l'une des meilleures mini-séries des vingt voire trente dernières années. En cinq épisodes, Mazin nous entraîne au plus près de la tragédie, de l'explosion de la centrale au procès qui fut mis en place un an plus tard en passant par les tentatives de plusieurs scientifiques à endiguer les flux radioactifs. En s'intéressant tout autant à l'équipe scientifique qu'aux membres du comité exécutif et aux victimes de la catastrophe, la série nous happe, nous prend à la gorge et serre. Très fort.
Autour d'une mise en scène suffocante, constamment ponctuée de passages sous tension (le nettoyage à la main du toit en plan-séquence est un incroyable moment de frayeurs), "Chernobyl" réussit également l'exploit de demeurer passionnant en dépit de dialogues parfois complexes, notamment dans le domaine scientifique. Sauf qu'écrits avec un soin particulier pour demeurer limpides, ils font finalement la force de la série, portés par une galerie d'interprètes sélectionnés sur le volet, du génial Jared Harris au glacial Stellan Skarsgård en passant par Emily Watson, Paul Ritter et les moins connus Jessie Buckley ("Taboo") et Adam Nagaitis ("The Terror"). Bien que tourné en anglais, l'immersion dans l'univers soviétique des années 80 passe comme une lettre à la Poste.
Décors atypiques, maquillages réussis, photographie surannée, musique maîtrisée, montage méthodique, enchainement de scènes prodigieux (le nombre de séquences mémorables se bouscule)... Autant de qualités justifiées par un quadrillage total du projet qui nous refait vivre un moment d'horreur historique aussi fascinant que terrifiant voire parfois rebutant. Du grand cinéma, sur le petit écran.