Dans l'univers dense et varié des séries télévisées, les mini-séries tirent de plus en plus leur épingle du jeu. Dans un format situé à mi-chemin entre la série de plusieurs saisons dont la diffusion s'étale sur autant d'années et le long-métrage classique, les mini-séries offrent un compromis intéressant : celui de suivre une aventure sans la peur de voir celle-ci s'étioler.
Tout le monde a entendu parler de la catastrophe nucléaire qui eut lieu en avril 1986 non loin de la ville ukrainienne appelée Tchernobyl. L'explosion d'un réacteur, le nuage radioactif qui s'est miraculeusement arrêté à notre frontière, tout ça tout ça. Mais cette histoire, nous la connaissons majoritairement pour l'impact que cela a eu sur chez nous par la suite, comme par exemple les restrictions concernant les cueillettes de champignons. Mais de ce qu'il s'est passé en amont de la catastrophe et la façon dont l'U.R.S.S. a géré la crise étaient un mystère pour nombre d'entre nous, surtout pour ceux nés après 1986.
Tournée en Lituanie, la série est composée de cinq épisodes d'un peu plus d'une heure. Crée par Craig Mazin, scénariste de plusieurs Scary Movie et Very Bad Trip, Chernobyl décrit ce qui a causé la catastrophe et surtout, la gestion de crise mise en place par l'U.R.S.S. D'un point de vue humain, le récit prend appui sur les actions de Valeri Legassov, un physicien nucléaire russe qui est l'un des premiers à mesure l'ampleur de la catastrophe.
L'héroïsme de gens ordinaires comme ces mineurs réquisitionnés transcende l'idéal communiste. Car face au mensonge, à l'incompétence et à l'imposture généralisée du mastodonte soviétique, qui à l'époque vivait ses derniers instants, se dresse la bravoure et l'abnégation. Paradoxalement, Chernobyl est une grande bouffée d'oxygène, un récit de notre humanité sans en édulcorer les effets néfastes.
La manipulation de l'information est un élément clef de la série avec cette volonté, absurde, des dirigeants de vouloir à tout prix rassurer la population, quitte à lui mentir sans vergogne et quitte à l'exposer à un donger mortifère. Alors que ce que souhaite la population, ce sont des informations transparentes et une protection de la part de ceux qui sont censés les diriger. Tout ceci est une tare propre à l'ancien régime soviétique d'hier ou aux dictatures d'aujourd'hui ? Bien évidement non. La récente communication de crise de l'incendie de l'usine de Lubizol à Rouen en est le parfait exemple. Le message du gouvernement, par la voix de plusieurs de ses ministres vise à rassurer, rassurer et encore rassurer. Dormez paisiblement braves gens, il n'y a pas lieu de s'inquiéter, les fumées ne présentent pas de toxicité aiguë.
Au niveau de sa mise en scène, la série frappe par l'omniprésence du gris, de cette tristesse inhérente au paysage. Outre l'ambiance visuelle, il y a cette ambiance sonore si particulière avec ce bourdonnement que l'on pourrait associer au rayonnement du cœur éventré du réacteur de la centrale.
Chronique de ce qui a été l'une des plus grandes catastrophes écologiques du siècle dernier, Chernobyl met aussi des images sur une catastrophe qui nous paraissait assez chimérique. Voir les visages rougis par les radiations et les boursoufflures de corps à l'agonie donne à cette catastrophe toute sa consistance apocalyptique. Une série américaine qui, malgré son souci du réalisme, tâtonne et commet certainement des impairs. Mais qui, dans son ensemble, est utile à notre mémoire collective.