Critique rédigée en 2020.
« Dis la vérité, et tu seras pendu » dit un vieux proverbe basque qui ne saurait mieux décrire la situation du scientifique Valeri Legassov, suite à ce terrible accident qui eut lieu dans la petite ville de Prypiat. Chernobyl relate la catastrophe nucléaire du 26 avril 1986 qui plongea l’Union Soviétique dans une détresse générale. A travers 5 épisodes d’une cinquantaine de minutes, la série nous confronte aux désastres de l’incident, aux diverses tentatives pour étouffer le cœur du réacteur ainsi qu’à cette perpétuelle recherche de vérité quant à l’origine des faits notamment à travers le personnage de Legassov.
Si la série est finalement une fiction, on ne peut nier sa dimension documentariste d’un réalisme remarquable et précis. La force de cette fiction est qu’elle déringardise son spectateur quitte à être pointilleuse sur des détails scientifiques. La séquence finale du procès contre les dirigeants de la centrale nucléaire de Tchernobyl en est l’exemple parfait tant elle s’attarde sur l’explication succincte des évènements. Le magnifique travail sur la photographie et les prises de vue nous plongent au cœur de la tragédie, au plus proche des victimes dans l’usine par des images tremblantes et anxiogènes véhiculant par ailleurs cet effet documentaire. Certaines séquences sont insoutenables par leur immersion totale, notamment un plan séquence dans lequel des soldats doivent évacuer des morceaux de graphites de l’usine dans un temps imparti, une tension palpable et effrayante. Rares ont été les fictions avec une angoisse aussi constante pour un ennemi qui est pourtant invisible. C’est même cet aspect d’omniscience et d’immatérialité qui offre cet incroyable sensation d’effroi. Chernobyl dégage une atmosphère morose et froide de cet URSS des années 80 qui agonise.
L’incarnation à la fois si parfaite et modeste des acteurs pour leur personnage traduit une fois de plus un réalisme exceptionnel, du pompier à l’homme d’affaire en passant par les simples habitants. Ces différents points de vue soulignent d’ailleurs l’horreur d’une catastrophe présente sur tous les fronts, une hostilité invulnérable dans l’espace et le temps assurant une mort lente et douloureuse. Tous les aspects de l’incident sont traités, que ce soit le travail sans relâche des mineurs ou l’organisation d’une chasse aux animaux potentiellement contaminables, preuve d’un professionnalisme et d’une étude pointue du sujet. Si les particules radioactives dans l’air sont invisibles par l’œil humain, l’ambiance sonore les a rendus perceptibles, le travail minutieux sur le son permet de ressentir cette menace permanente qui rôde autour des personnages. De plus, la série bénéficie d’un étalonnage saisissant, du jaune primitif de l’incendie à cette ambiance verdâtre continue qui n’est pas sans rappeler les éléments radioactifs pullulant l’air.
Si une séquence, un plan ou image devait rester de cette série c’est peut-être ces témoignages frappants et révoltants des employés de la centrale en phase terminale, seuls garant d’une vérité précieuse. Chaque mot prononcé semble être un supplice pour ces hommes défigurés, rongés par les radiations. C’est le visage d’une victime qui n’est pas montré pour renforcer l’idée d’une abomination inconcevable, ne pas voir ce visage en dit davantage sur les conséquences de l’incident. Un tel choix artistique relève du génie.
Peut-être que des professionnels ou historiens iront démentir certains détails de la série mais, fiction oblige, elle privilégie principalement sa mise en scène qui elle en revanche est un succès unanime. Elle parvient à stimuler la curiosité du spectateur et donc à s'intéresser davantage à cet évènement, c’est un pari réussi. Il est toujours difficile de traiter un sujet historique en garantissant une vérité tout en passionnant le spectateur par l'aspect fictionnel, il y a dans ce cas-ci un parfait équilibre entre les deux. Chernobyl démontre à quel point cette catastrophe nucléaire a bouleversé le monde sur le plan scientifique, politique, économique et social.