Ciel, mon mardi !
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Ciel, mon mardi !

Émission TV TF1 (1988)

Ciel Mon Mardi !, c'est l'un des rares programmes à avoir atteint le statut du culte instantané à la télévision.


D'autant plus que le règne a finalement été assez court : entre 1988 et 1992, fauché en pleine gloire par son animateur qui a préféré passer à autre chose avant de lasser et de faire l'année de trop.


Pourtant, avec Ciel Mon Mardi !, Christophe Dechavanne sort de sa première "traversée du désert", alors qu'il animait avec succès depuis deux ans, sur le service public, C'est Encore Mieux l'Après-Midi, pour mieux céder, en 1987, aux sirènes d'une chaîne TF1 nouvellement privatisée. Sa première émission pour ses nouveaux employeurs, Panique sur le 16, tombe rapidement à l'eau, tandis qu'il se fait mettre au placard.


De ce premier échec cuisant lui vient alors un concept encore vague : ce qu'il définit alors comme un "magazine d'humeur et d'humour" investissant la deuxième partie de soirée de la grille des programmes de la chaîne, jusqu'ici réservée aux documentaires et autres reportages qui n'intéressent pas grand monde. Ciel Mon Mardi ! était né...


Ainsi que les polémiques.


Mes souvenirs des mardis soir de mon enfance, ce sont bien sûr les bêtises du fameux bloc note qui ponctuaient le programme entre les deux débats. Les epic fail à répétition de Patrice Carmouze, ses démonstrations qui ne marchaient jamais, ses gaffes monumentales et ses avatars systématiques qui navraient les autres membres de l'équipe.


Ce sont aussi les apparitions de Michel Field, à l'époque simple prof de philo, constamment en décalage avec la folie ambiante, ou encore les interventions de Renaud Rahard et de Sophie Favier...


Ce sont les coups de gueule aussi, comme ceux de Siné, de Chabrol ou encore de Jean-Pierre Mocky face à la censure de l'affiche de son film d'alors, Il Gèle en Enfer...


Ce sont les "coups" de Dechavanne et de son équipe, qui ont pu interviewer le fameux Baron Noir qui, à l'époque, faisait trembler Paris, Bob Denard ou encore Jacques Médecin, qui venait juste de s'exiler à Montevideo pour échapper à la justice française.


Mais mes souvenirs seront pour longtemps liés à ces débats enflammés de la première partie de l'émission, sur un sujet de société des plus sérieux, introduit par un panneau illustratif qui me filait souvent les chocottes. Oui, je suis démasqué, j'étais une grosse flippette à huit ans...


Des débats qui partaient souvent sur les chapeaux de roues. Opposant les témoins les plus improbables, les plus fantasques ou les plus passionnés. Des gens que l'on n'avait pas l'habitude de voir à l'écran quoi, animant autant des sujets de fond collant souvent à l'actualité du moment que des thématiques beaucoup plus anecdotiques, voire badines.


Difficile par ailleurs de ne pas rigoler devant certaines prises de parole, comme celle de Paco Rabanne se livrant sur ses différentes réincarnations, supportant le regard d'un Dechavanne médusé, ou encore le passage du gourou Rael, faisant le plus sérieusement du monde, face à l'hilarité générale, la promo de son culte sectaire.


Mais les souvenirs les plus vivaces, bien sûr, sont ceux de ces empoignades qui avaient parfois lieu, qui ne manquaient pas de susciter les polémiques le lendemain, initiées par les "vrais" journalistes, qui reprochaient souvent à Dechavanne et ses sbires de ne pas savoir cadrer ni conduire un débat. A l'instar du fameux consacré à l'extrême droite, dérapant vers le révisionnisme, qui a dégénéré en baston générale, et qui aura valu à son animateur, pendant longtemps, insultes et autres menaces de mort.


Mes yeux de gamin ne comprenaient sans doute pas tout à cette époque, mais un sentiment de curiosité et d'avidité de la surprise m'animaient certainement, chaque mardi soir, pour rester devant le poste de télévision familial... Pour découvrir un peu plus tard qu'un autre débat consacré aux belges, a priori moins sujet à l'affrontement, avait suscité la polémique entre les deux pays sur fond de construction européenne. Ou encore qu'un sujet sur le retour de la royauté avait porté à l'écran parmi les portraits les plus extravagants de témoins qui avaient été invité à s'exprimer...


Mais tout cela n'est rien en comparaison de cette fameuse centième, concoctée en réaction aux critiques acerbes et aux procès d'intention. Inoubliable, excessive, gratinée, truffée de twists improbables, lorgnant dangereusement vers le vaudeville, auquel le titre du programme aura plus que jamais fait référence.


Animée par la ligue française d'improvisation, où Philippe Lelièvre ou Eric Métayer ont eu l'occasion de s'illustrer, cette centième a achevé d'inscrire cette émission folle et hors norme dans la mémoire télévisuelle collective comme l'un des plus beaux fleurons du genre. Aidé par une atmosphère tendue entre l'animateur et sa guest star, Christian Clavier, qui menaçait à tout moment de faire capoter l'entreprise, au grand dam d'un Dechavanne qui regrettait instantanément d'avoir prévenu le trublion du caractère bidonné de son numéro anniversaire...


A l'évocation de ces quelques souvenirs émus, on ne peut que mesurer le gouffre séparant ces années bénies de notre époque effroyablement tiède à mourir, animée par le seul formatage du témoignage. Car pour sûr, aujourd'hui, à peu près n'importe quel débat de Ciel Mon Mardi ! ne pourrait tout simplement pas avoir lieu, ou ne susciterait que cris d'orfraie, scandales et pétition pour la déprogrammation d'une telle ignominie.


Une certaine forme d'impertinence est bel et bien morte en pleine gloire avec Ciel Mon Mardi !...


Behind_the_Mask, l'écho Dechavanne.

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le 1 mars 2021

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7

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