Le nouveau film d'Oliver Stone est un documentaire de 4 heures, condensé de 30 heures d'interview que Poutine a accordée au cinéaste. On sait que Stone aime la provocation, qu'il aime frôler la frontière du politiquement correct et que, à l'instar d'un Verhoeven, il aime les expériences extrêmes, limites. Mais sa rencontre avec Poutine n'est pas qu'un coup de provoc. Elle est en revanche, pour Poutine, un excellent coup marketing, donnant une image de lui qu'il maitrise parfaitement à tout l'Occident, tentant par le film de redorer son blason. Rassurez-vous, personne n'est dupe, et surtout pas Stone qui accepte ça car il n'a pas le choix, mais qui ne cautionne jamais les saillies homophobes et machistes du président. Le choix de Stone est de laisser la parole à Poutine, de ne pas le couper, enfin, si, car la conversation est à bâtons rompus, mais de ne pas juger sa politique. Ce qu'il y a de très réussi dans le film c'est qu'il donne une image de Poutine qui est assez différente de celle qu'on peut avoir en tant qu'occidental, sans pour autant lui lécher les pompes. Il regarde Poutine comme le regarderais un Russe, en considérant le bien qu'il fait pour son pays. Il fait évidemment aussi du mal, mais il est adoré là-bas, systématiquement réélu même lorsque c'est interdit, et il a redressé l'économie et plein d'autres secteurs d'un pays alors en déliquescence, le replaçant sur l'échiquier mondial, en en refaisant une grande puissance capable de rivaliser avec les USA. C'est ça qui est passionnant, et c'est clairement ce qui intéresse Stone. Le personnage filmé est aussi dangereux que charismatique, aussi vulgaire qu'intelligent, le portrait rend compte de cette complexité. Stone ne s'érige pas en père la morale, il se contente d'enregistrer au plus près de la vérité ce qu'est cet homme qui est, qu'on le veuille ou non, l'un des dirigeants les plus influents de notre monde, et c'est passionnant.