Les chèvres et le hérisson.

Belle surprise que cette petite série norvégienne de huit épisodes. Très drôle, intelligente et subtile. La manière de filmer est originale, les mouvements de caméras aussi (notamment dans les scènes de course-poursuite). La mise en scène est novatrice, les personnages montrant et exprimant leurs pensées au spectateur tout en le cachant aux autres personnages, brisant le quatrième mur.

Tout commence à Oslo avec un jeune homme Irano-norvégien, Marwan, qui souhaite partir au Pakistan avec sa fille Christine "Kiki". Mais les beaux parents norvégiens de la petite fille (la femme de Marwan étant décédée) souhaitent sa garde exclusive. Le héros "enlève" sa fille, mais les faux passeports censés les conduire au Pakistan ne sont pas prêts.

Acculé et croyant la police à ses trousses, Marwan contacte un vieil ami à lui, Adil. Ce jeune homme souhaite reprendre avec deux autres hommes une exploitation fermière de la campagne norvégienne pour y entretenir des chèvres et des légumes. Cette ferme est nichée au milieu de forêts et de montagnes splendides.

Marwan convainc son ami de l'accompagner avec sa fille, en lui cachant la vérité. Il espère ainsi rester dissimulé et incognito, le temps que les passeports soient prêts. Mais Adil et ses amis Khabib et Tariq ont eux aussi de lourds projets à dissimuler sous le tapis (de prière).

L'exploitation fermière n'est qu'un leurre destiné à dissimuler la fabrication d'un "médicament" pour le compte de "L'Organisation". De plus, le fait que les trois hommes soient des musulmans très très croyants, barbus et portant des abayas permet de deviner rapidement leurs intentions...

Mais quiproquos, coups de théâtres, riverains curieux, conflits et dilemmes vont faire que rien ne se déroulera comme prévu.

Derrière l'aspect bucolique, se cache une étude intelligente et satirique de l'islamisme, et de l'humanité en général. Le cynisme, la jalousie, la cruauté mentale, la vengeance, sont montrées de façon amusante et touchante. On passe de l'anxiété et de l'émotion à l'éclat de rire en quelques secondes.

Les personnages principaux comme secondaires sont superbement imaginés. Marwan, timide, gaffeur et complexé, en même temps très bienveillant. Adil, tendre et intelligent, mais aussi déterminé. Tariq, simplet et naïf, mais très sympathique, attaché à la ferme où il a passé son enfance. Christine, petite fille adorable, affectueuse et têtue. Et enfin le meilleur personnage, Kabib. Derrière son visage couverte d'une longue barbe noire, derrière son extrémisme, sa force physique et sa violence, se cache un homme capable d'une gentillesse et d'une affection forte en s'attachant à Christine (l'amitié naissante entre la petite fille et l'ancien champion de MMA est aussi drôle que touchante). À l'exception de l'innocente Christine, les quatre personnages principaux sont poursuivis par leur passé nostalgique et traumatisant, source de colère, de haine, de regrets, de vengeance.

À chaque épisode, les personnages sont toujours plus creusés. Ils sont totalement différents de leurs compagnons. Aucun ne tombe dans la caricature, les stéréotypes sont moqués et tournés en dérision. Même Adil, Khabib et Tariq attirent notre sympathie. On comprend leurs motivations profondes, même si bien sûr aucune excuse n'est donnée à l'inexcusable.

Cette série nous prouve que notre vie dépend des choix que l'on prend, et que l'on peut toujours la changer, à condition d'avoir la volonté de le faire. Elle nous montre aussi les conséquences des pensées néfastes, de l'islamisme, de l'extrémisme religieux et politique, de l'intolérance. De voir comment la haine et la bêtise sont comme un boomerang : elles reviennent sans cesse. Ne jamais se laisser manipuler par autrui, ni s'en prendre gratuitement à d'autres personnes. D'ailleurs, de nombreux passages du Coran et des anecdotes historiques subtilement dilistées dans l'histoire montrent toute l'incohérence et la bêtise de l'islamisme, qui n'a rien a voir avec l'islam et la religion en général. De plus, la série montre que la société humaine n'est pas et ne doit jamais être uniforme, que la différence doit être acceptée, sans conduire à la catégorisation des gens.

La satire et le burlesque sont très présents, notamment à travers de nombreux personnages secondaires colorés habitant dans le village juste à côté de la ferme : Une policière débonnaire qui a un faible pour Adil, une directrice d'école hypocrite (et qui a aussi un faible pour Adil), un propriétaire de décharge excentrique et buveur, une fermière jalouse et rancunière, un facho local, un chauffeur et un contrôleur de bus paranoïaques, un président de Chambre de Commerce opportuniste... La société norvégienne est montrée sous tous ses angles.

Malgré quelques incohérences, chaque épisode est à savourer, chaque épisode arrive à nous faire rire des pires aspects de l'humanité.

En conclusion, une série intelligente et divertissante, qui nous interroge sur l'humanité et le sens de la vie. Aucun doute sur le fait que l'Homme est capable du pire, mais il est aussi capable du meilleur... Comme un homme froid et déterminé fond devant le sourire d'une petite fille.