Tombstone Blues.
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le 10 oct. 2016
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A l’heure où Netflix propose sa série en live action, qu’il est bon de se remater l’anime culte de Shin’ichiro Watanabe. D’autant plus que vingt ans ont beau avoir passé, il n’a pas vraiment pris de coup de vieux, son animation restant toujours parmi les plus fluides et les plus virtuoses que nous ait offert la japanime.
Créé et diffusé pour la première fois en 1998, Cowboy Bebop garde encore aujourd’hui un statut d’oeuvre culte. Cette popularité, la série la doit autant à la qualité de son animation et de son écriture qu’à l’agglomération d’influences stylistiques qui en font toute sa singularité. Dans son désir de se distinguer des autres animes de l’époque, Watanabe choisit tout d’abord de donner à sa série une identité musicale forte. Dès son générique d’ouverture et son morceau Tank!, Cowboy Bebop frappe déjà par son élégance et sa coolitude. Le visuel de son intro emprunte autant à l’identité graphique des génériques bondiens de Maurice Binder qu’à la tonitruance des effets stylistiques des seventies. Cette importance de la musique dans la série se traduira d’ailleurs tout autant dans la variété des genres musicaux abordés dans chaque épisode (jazz, bebop, funk, heavy metal et sonorités morriconiennes) que dans les titres/clins d’oeil de bon nombre des 26 épisodes qui constituent la série et qui empruntent aux titres de morceaux et d’albums musicaux (Honky Tonk Women, Sympathy for the Devil, Heavy Metal Queen, Jamming with Edward, Toys in the Attic, Bohemian Rhapsody, Wild Horses, My Funny Valentine…). Pour définir cette alternance des genres et en tirer une identité musicale propre, Watanabe s’est tourné vers la géniale Yoko Kanno. Déjà responsable des superbes thèmes de Vision d’Escaflowne, la compositrice et son groupe The Seatbelts puisaient ici aux sources de différents courants musicaux pour nous offrir une BO riche de morceaux inoubliables (Tank!, The Real Folk Blues, Ballad of Fallen Angels, Blue).
Outre sa musique, la série brille aussi par la qualité de son animation, celle-ci se révélant toujours aussi virtuose malgré les années alors que bon nombre d’animes de la même époque (Berserk, Trigun, GTO) ont par comparaison pris un petit coup de vieux. On appréciera d’autant plus l’esthétique de la série et les différents mondes traversés par nos héros en 2071 : la métropole martienne, la splendeur hivernale de Callisto, les massifs chaotiques d’une Terre continuellement défigurée par la chute de débris lunaires et la noirceur sépulcrale de la cité cauchemardesque hantée par Pierrot le fou.
A ces qualités graphiques s’ajoutent une pluralité d’influences stylistiques tous droits issus du cinéma et de la pop culture, les scénaristes piochant tout autant dans le space opera que dans le western, en passant par le cinéma d’horreur (l’épisode Toys in the Attic faisant ouvertement référence à Alien pour sa chasse dans les conduits d’aération), le cyberpunk, la blaxploitation (on croise tout de même Shaft et une simili-Foxy Brown), les yakuzas eigas ou encore les films de Bruce Lee. Mais ces emprunts ne pèsent jamais trop lourdement sur la série et ne servent qu’à nourrir les tribulations de l’équipage du Bebop.
Car Cowboy Bebop, ce n’est pas uniquement de la bonne musique et une foultitude d’emprunts à la pop culture. C’est aussi un alignement d’épisodes faisant la part belle à une équipe d’anti-héros hauts en couleurs, des chasseurs de primes de l’espace, sortes de cowboys spatiaux aux grands coeurs sillonnant le système solaire à la recherche de primes. Toujours dans la dèche et souvent le ventre vide, ce petit groupe se distingue par l’originalité de ses membres. Il y a bien sûr Spike Spiegel, ancien membre d’un syndicat criminel ayant fait croire à sa mort pour se mettre au vert quelque temps, Jet Black, l’ancien détective reconverti en chasseur de primes et propriétaire du vaisseau le Bebop, Faye Valentine, l’arnaqueuse/flingueuse amnésique aussi drôle que sexy et bien sûr Ed, la gamine hackeuse de génie au look androgyne, aussi excentrique que délurée (un vrai personnage de cartoon), la gamine se voyant toujours suivie de près par Ein, le Welsh Corgi échappé d’un laboratoire et à l’intelligence surdéveloppée. Tout ce joli petit groupe d’anti-héros atypiques croiseront et affronteront bon nombre de personnages aussi drôles et touchants que redoutables, voire parfois carrément dérangeants (le « gamin » Wen, le terrifiant Pierrot le fou).
Proposée sous forme épisodique (la plupart des épisodes peuvent s’apprécier indépendamment les uns des autres), la série alterne avec brio humour, violence et émotion et développe suffisamment la personnalité de ses héros pour les rendre terriblement attachants. Les trajectoires de Spike et de Faye en particulier, sont les plus développées, l’un cherchant à échapper/oublier son passé quand l’autre tente plutôt de le retrouver. A travers eux, la série aborde la thématique assez fataliste de la difficulté de s’affranchir de ses erreurs passées, Faye réussissant finalement à en faire le deuil pour avancer quand Spike, lui, s’en révélera prisonnier. Leur dialogue final, avant la virée suicidaire de Spike, fera alors ressortir l’idée que le passé de chacun garde toujours une résonance sur son existence et qu’il devient parfois impossible de l’ignorer, Spike allant jusqu’à confier qu’il a voulu y échapper en vivant dans un rêve (ses pérégrinations avec l’équipe du Bebop) jusqu’à ce que vienne le moment où il s’est réveillé sans même s’en rendre compte. Le héros conquiert alors une aura tragique, voire quasiment leonienne, car évoluant toujours sur le fil du rasoir, indifférent au danger et sans jamais vraiment craindre la mort. En cela l’épisode de Pierrot le fou prend une signification plus importante qu’elle n’y parait puisque c’est la seule fois où Spike semble vraiment craindre pour sa vie, alors qu’il se sait destiné à affronter son ennemi juré, Vicious.
Le mot « rêve » revient d’ailleurs plusieurs fois à travers les dialogues des personnages, comme pour sous-entendre que leur existence elle-même est un songe. En ce sens, la trajectoire de Spike ne peut qu’initier et conclure à elle-seule les pérégrinations de notre équipe de héros, la série s’acheminant progressivement vers un final des plus mémorables, magnifié par les choeurs célestes de la chanson Blue et la vision fugace d’une étoile anonyme brillant à son firmament avant de s’éteindre dans l’immensité de l’espace.
Bourrée d’humour, de fun et d’émotion, Cowboy Bebop reste encore aujourd’hui une oeuvre à part au sein du monde de l’animation, un objet de culte aussi réjouissant à découvrir qu’à (re)revoir. La série la plus fun de l’histoire, intemporelle et sans véritable équivalent, si ce n’est peut-être sa petite soeur Samourai Champloo, autre anime génial de Watanabe où l’on retrouvera tout le mélange d’influences qui ont fait la réussite de cette première série. Sans oublier la qualité du long-métrage Cowboy Bebop le film sorti en 2001 et dont l’action se déroule avant la conclusion de la série (son intrigue est à situer entre les épisodes 22 et 23). Ne reste plus qu’à souhaiter que cette adaptation éponyme sur Netflix en retrouve toute la coolitude.
See you Space Cowboy…
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Créée
le 19 nov. 2021
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