Creepshow
5.8
Creepshow

Série Shudder, AMC (2019)

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Ressusciter l'horreur d'antan (saisons 1 & 2)

-SAISON 1 (6/10)-
La nouvelle version des "Contes de la Crypte" par M. Night Shyamalan étant mort-née, la série "Creepshow" reste la seule représentante à pouvoir insuffler à nouveau le bon air macabre des BD EC Comics dans le monde impitoyable des anthologies horrifiques. Évidemment dans la même mouvance que le film à sketches culte de 1982 -fruit de l'association entre George A. Romero et Stephen King- en matière d'horreur rétro et d'humour noir corrosif, la série est la création de Greg Nicotero que les fans de "The Walking Dead" connaissent bien, toutefois, c'est surtout celui à l'oeuvre sur le mésestimé "Creepshow 2" en qualité de maquilleur qui va nous intéresser ici. Presque de fait, l'homme va en effet être le lien entre les deux époques en tentant de faire revivre une approche de l'horreur peut-être considérée comme un brin désuète par les nouvelles générations nourris aux CGI et aux jumpscares à outrance mais qui n'a en rien perdu de son pouvoir d'attractivité pour tous les spectateurs ayant grandi avec sa liberté de ton, son audace et ses ambiances où le fantastique était bien palpable et non numérisé. Bref, avec cette série, Nicotero devient le nouveau Creep (le cousin muet du squelette des "Contes..." que l'on voit entre chaque histoire), le gardien de la crypte qui nous balade entre les cases dessinées soudain dotées de vie de ces petits récits horrifiques afin de raviver toute la nostalgie d'une époque mais aussi pour la faire a fortiori rentrer en collision avec des sujets plus actuels. Et c'est sans doute là que l'on attend le plus la série "Creepshow" au tournant, celle-ci ne doit pas être qu'un simple reliquat du passé...


ÉPISODE 1: Gray Matter/The House of the Head
En guise de première histoire, "Creepshow" mise sur l'adaptation d'une nouvelle de Stephen King, "Matière Grise" et un casting opportuniste de noms célèbres (Adrienne Barbeau, Tobin Bell et Giancarlo Esposito) pour attirer les foules. On ne lui en voudra pas a priori car, vu les ingrédients de film de monstres que ce segment a dans sa besace, il a tout pour fonctionner... Problème, si le déroulement est à la hauteur, la "conclusion" gâche tout, comme incapable de tirer quelque chose de pertinent de la fin ouverte de l'écrit, et les grands noms de l'épisode donnent finalement l'impression de se débattre dans le vide vu leur faible temps de présence... Aïe, on démarre avec une déception.
La deuxième histoire va heureusement laisser une bien meilleure impression en traitant d'un invité surprise dans la maison de poupée d'une petite fille. L'originalité du concept, sa mise en scène très amusante, sa jeune héroïne et la montée en puissance des événements donnent toute sa saveur à ce segment qui ne déçoit pas... jusqu'à sa fin, une fois de plus inaboutie.
Déjà ce premier épisode montre donc des hauts et des bas souvent inhérents aux anthologies de sketches horrifiques mais il est clair que "Creepshow" peut miser sur son côté respectueux de l'esprit des films et son aspect de comicbook coloré. Esthétiquement, la série a un charme vintage indéniable et, comme attendu, complètement à contre-courant de tous ses collègues, cela peut faire sa différence à condition de retrouver la force des morales perverses que l'on est en droit d'attendre de ce type de proposition.


ÉPISODE 2: Bad Wolf Down/The Finger
Un bon deuxième épisode, bien meilleur que le premier, dans le sens où, tout en proposant deux histoires aux tons très différents, celles-ci sont moins inégales que le précédent et ont le mérite de réussir plus leurs conclusions.
Il y a d'ailleurs un schéma qui se dessine : la première histoire fait dans le "Creepshow" à l'ancienne, dans l'hommage pur jus au cinéma bis bien crado et qui tâche aussi bien sur le fond que sur la forme tandis que la deuxième place un élément "Creepshow-esque" dans le quotidien de personnages plus modernes et s'amuse à observer les conséquences du piège représentée par cette présence envahissante.
Ici, dans cette logique, on a d'abord un hommage bien sanglant aux films de nazisploitation avec la présence d'une créature légendaire au beau milieu du front de la Seconde Guerre Mondiale. Cela repose sur une idée simple mais bien exploité et, visuellement, c'est sans doute l'histoire qui profite le plus de l'esprit "Creepshow" et du format BD qu'il induit.
Mais avouons-le, pour l'instant, on a clairement un petit faible pour l'approche des deuxièmes histoires qui, de nouveau après le premier épisode, s'avère très réussie. Ici, il s'agit juste de la rencontre entre un gentil loser et... un doigt qui va bien entendu prendre des proportions folles. Drôle, métaphoriquement pas idiot et avec une créature (Bob !) juste géniale, ce segment nous conquiert instantanément !


ÉPISODE 3: All Hallows Eve/The Man in the Suitcase
On retombe dans un épisode avec deux histoires inégales et c'est encore une fois la première qui pêche en qualité.
Pourtant, avec la thématique d'Halloween, on pouvait s'attendre à ce qu'une série comme "Creepshow" livre quelque chose d'explosif. Eh bien non, juste une virée en mode "trick or treat" qui, certes, est intriguante dans ses prémices mais dont le mystère s'étiole assez vite devant la banalité de l'histoire proposée. Bizarrement très sage et ordinaire.
C'est donc une fois de plus la deuxième histoire qui sauve les meubles avec encore un postulat complètement absurde (un type pas très chanceux trouve un homme plié en quatre dans sa valise) ! Elle reprend un mythe bien connu, s'en sert avec jubilation jusqu'à un point de non-retour et s'achève sur une belle note d'humour noir.
On en vient désormais à penser que la série aurait dû totalement miser sur l'approche de ces deuxièmes histoires au lieu d'offrir un double menu par épisode.


ÉPISODE 4: The Companion/Lydia Layne's Better Half
Cette fois, les deux histoires de cet épisode se valent mais par leur caractère anecdotique commun. Que ce soit le récit rétro sur un épouvantail vivant ou les péripéties d'une PDG se retrouvant avec un "objet" plus qu'encombrant sur les bras, toutes deux souffrent d'un caractère terriblement prévisible que leurs quelques qualités formelles ou sourires ne parviennent à effacer. Probablement l'épisode le plus décevant dans sa globalité jusqu'à présent.


ÉPISODE 5: Night of the Paw/Times is Tough in Musky Holler
Deux histoires placées sous le signe des morts-vivants et, évidemment, dans le pur style "Creepshow" avec l'apparence dégoulinante d'os, de sang et d'asticots qui avec !
Le premier segment dans la veine traditionnelle de la marque dure ici la majorité de l'épisode et... c'est bien dommage. Ressemblant à un énorme melting-pot d'éléments déjà capitaux dans certaines précédentes (vœux, membre cadavérique décisif, narration en mode histoire dans l'histoire, ...), "Night of the Paw" ressasse ce qui compose l'esprit "Creepshow" pour une proposition encore une fois trop classique malgré son esthétique 80's toujours aussi attrayante (la scène brumeuse du cimetière fait l'effet d'une machine à remonter dans le temps).
Bien plus passionnant, le deuxième segment a hélas moins de temps pour exister mais s'avère bien plus pertinent avec ses représentants du puritanisme américaine exécutés d'hilarante manière pour avoir commis les pires exactions lors d'une invasion de zombies. Une métaphore bien pensée d'un électorat endormi laissant le pouvoir à une caste prête à tout pour servir ses propres intérêts, un mauvais esprit complètement débridé, des morts-vivants hargneux et... David Arquette. N'en jetez plus, "Times is Tough in Musky Holler" est un des segments les plus jouissifs de cette saison !


ÉPISODE 6: Skincrawlers/By the Silver Water of Lake Champlain
La première saison de "Creepshow" s'achève sur un épisode consacré aux créatures sous-marines avec deux histoires de plutôt bonne facture. D'ailleurs, les deux segments paraissent ici avoir été volontairement inversés pour laisser la saison se conclure sur celui réalisé par Tom Savini et donc bien ancré dans l'esprit traditionnel de ceux présentés en première partie. C'est un peu dommage pour celui moderne qui en ressort un peu déconsidéré alors que son pitch autour d'une sangsue friande de graisse humaine et utilisée pour soulager les personnes obèses ne manque pas de mordant. Avec son énorme carnage final, il allie les explosions gores à un détournement du culte de la minceur au cœur de nos sociétés pour un résultat franchement amusant.
Et c'est donc Nessie, enfin son cousin Champy en l'occurence, qui boucle la saison. Avec cette famille dirigée par un beau-père tyrannique découvrant une créature préhistorique dans un lac, Savini délivre un segment sympathique (écrit par Joe Hill), bien ancré dans les 80's à la fois par ses références et par le coup de nageoire apporté par son monstre aux jeunes héros. Néanmoins, on notera que l'histoire de l'épouvantail de l'épisode 4 avait déjà l'exacte même finalité en mettant en scène un grand frère violent qui subissait le même traitement.


-SAISON 2 (5/10)-


Le Creeper ouvre à nouveau les portes de son antre pour nous plonger dans une deuxième fournée d'histoires macabres inspirées de l'esprit EC Comics !


Comme pour mieux réappuyer sur la fibre nostalgique des amateurs d'horreur rétro que la série a sans doute plus facilement acquis à sa cause, cette deuxième saison débute sur un épisode en forme de double hommage où des créatures de la Hammer franchissent le seuil de notre réalité (Model Kid) tandis que les studios d'une chaîne TV deviennent le théâtre d'une suite inattendue de "Evil Dead" en présence de Ted Raimi himself (Public Television of the Dead)! Si ces deux histoires génèrent forcément plusieurs séquences en forme de clins d'oeil aussi sanglants que réjouissants, leurs teneurs respectives font en fait office de prétextes très faibles pour offrir du fan service facile à une partie du public. Les effluves du passé qui s'en dégagent ont beau être agréables sur l'instant, la vacuité sur laquelle ils reposent ne peut que leur conférer un caractère anecdotique.
Il en sera d'ailleurs de même pour le cinquième et dernier épisode de cette saison qui, cas rare, ne proposera qu'une seule histoire. En réalisant le fantasme de tout cinéphile avec la possibilité donnée à son héros (Justin Long) de voyager au coeur des films, Night of the Living Late Show aura de prime abord un côté fascinant, surtout que cette virée cinématographique littérale se déroulera en compagnie de Christopher Lee et Peter Cushing au sein de "Terreur dans le Shanghaï Express", mais l'épisode ne pourra jamais prétendre à plus, la faute encore une fois à l'incapacité de la série à dépasser le simple stade du concept attrayant lorsqu'elle choisit de se confronter directement au passé.


Comme dans la première, ce seront à nouveau les histoires disons plus "inédites" qui vont tirer leur épingle du jeu et redonner de l'intérêt à cette deuxième saison.
Enfin, ce ne sera pas le cas du deuxième épisode, probablement le plus raté de la série jusque-là : le brin de folie autour de la belle idée de Dead and Breakfast ne se concrétisera que de manière superficielle et Pesticide n'aura vraiment que pour lui ses animatronics amusants.
En réalité, il faudra attendre le troisième épisode pour que "Creepshow" reparte du bon pied, d'abord par l'intermédiaire de The Right Snuff, une aventure spatiale un peu convenue dans sa thématique d'ombre paternelle envahissante mais à la conclusion délicieusement cynique, puis surtout grâce à Sibling Rivalry, excellent segment s'ouvrant sur une discussion très légère entre une lycéenne et sa proviseure (Molly Ringwald) pour prendre une direction complètement inattendue.
Le quatrième épisode sera dans la même continuité : les mésaventures d'un plombier dans un immeuble (appartenant à Barbara Crampton) feront de Pipe Screams un bon exemple de ce que la série a à offrir de meilleur en termes d'humour noir et, sans forcément briller, Within the Walls of Madness sera un ersatz correct des fameuses "Montagnes Hallucinées" de l'ami Lovecraft.


Toujours aussi inégale, cette deuxième saison confirme que les qualités de "Creepshow" résident davantage dans sa faculté à se servir du passé comme tremplin à des histoires plus originales et non d'en faire un centre de gravité voué à camoufler l'indigence de certaines d'entre elles. En espérant que la troisième saison (déjà confirmée) privilégiera désormais la première option...

RedArrow
6
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Créée

le 30 nov. 2019

Critique lue 1.9K fois

4 j'aime

RedArrow

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