Quand je regarde ce programme ou celui d'Eric André, je peux retrouver l'anarchie de certains sketches destructeurs et nonsensiques des Monty Python. Mais dans ces entretiens volontairement sabotés (André) ou conduits par un débile (Ali G), je reconnais surtout l'idée d' UN sketch, systématisée, UNE pauvre idée étirée tant qu'elle rapportera de l'argent. Et pour une fois, ce sont les anglo-saxons qui ont copié la démarche, car le triste privilège de l'avoir initiée revient à un "humoriste" français dont j'ignore le nom qui, il y a une vingtaine d'années, reproduisait le schéma d'un entretien mené par Pierre Desproges il y a plus de quarante ans.
Dans celui-ci, il profitait de la bonne volonté de l'adorable Françoise Sagan, pour lui montrer ses photos de famille et lui parler de l'état de santé de son chien, au lieu de conduire un véritable entretien qui porterait sur elle. Ca réussissait le rare exploit d'être gentil ET hilarant (j'ai récemment entendu un entretien légèrement plus sérieux où Françoise expliquait dans les années 60 que la bienveillance était une tactique relationnelle qu'elle avait délibérément adoptée).
Le plagieur, vingt ans plus tard, transformerait ça en un exercice d'irrespect consistant à taper sur les nerfs de la personne interviewée, afin de la faire sortir de ses gonds malgré la composition et le caractère sympathique qu'elle devait arborer pour le public. C'était grossier, et on voyait l'"humoriste" se foutre de manière flagrante de la gueule de son interlocuteur - le plus souvent un "artiste" chargé d'accomplir un travail de promotion qui l'usait déjà nerveusement, et auquel il se pliait avec mauvaise grâce, et auquel notre comique venait porter le dit coup de "grâce". Il n'y avait dans toute cette "grâce" aucune élégance ; ce genre de comportement initierait même un courant de "caméras cachées" comme celle de françois Damiens, consistant à intimider et harceler des quidams.
Et hélas, je n'ai jamais eu écho d'un cas où l'un de ces quidams lui aurait mis une branlée, au nom de l'humour de qualité.
On peut au moins reconnaître cette qualité à Michael Moore, qu'il cassait la plupart du temps les couilles des puissants et malfaisants.