"C'est quoi un noir ?"
Parfois nous ne savons pas. Parfois nous ne voulons même pas savoir. Alors ça commence par une blague en apparence anodine sur les stéréotypes. Une blague raciste par exemple. D'une blague on en vient à ce qui semble une idée, puis une théorie, puis une idéologie. Enfin, chemin faisant, cette blague devient un acte. Et elle s'acheve là : la destruction d'une vie.
Et par destruction j'entends que si la mort qui nous attend tous n'est que néant, celle de ces cinq garcons a, elle, existée. Ils l'ont vécu. Ils ont dû en ressentir la présence chaque seconde pendant des années. Sale, collante, brûlante...
Pourquoi ? Il n'y a pas eu erreur judiciaire. Il y a eu faute. De la part de qui ? Tout à la fois d'un homme, d'un lieu, d'un système, d'une société !
"On était sorti faire une tour, c'était une belle soirée, c'est tout. On avait envie de trainer ensemble. Ils disent qu'il faut bien que jeunesse se passe. Mais quand ils parlent de jeunesse, ils parlent pas de la notre. Ils parlent de la jeunesse d'autres jeunes, qui viennent d'autres endroits. Et quand est-ce qu'on aurait pu vivre notre jeunesse ? Je peux pas être quelqu'un que je suis pas. Je suis pas un citoyen, ils veulent pas que j'en sois un. J'en ai même pas envie. J'suis dans un lieu que je connais pas, à moitié dehors à moitié dedans. Où que j'aille."
La question principale du racisme est traitée de façon millimétrée pour être juste. Avec beaucoup de pudeur. Une pudeur qui ne force pas notre jugement, il vient de lui-même. Il n'a pas besoin qu'on le provoque. Il y a ainsi une forme de bienveillance. Le racisme ici n'est jamais formule explicitement et aucun choix de réalisation, rien, ne cherche à le dénoncer de façon frontale. On le traite pour ce qu'il est vraiment dans la plupart des cas : insidieux et vicieux. On croit qu'il est absent. Il est omniprésent. On le crois localisé. Il est globale.
"Je me suis retrouvé ici parce que j'avais répondu à une question."
La série déconce de la meme manière l'emballement médiatique et l'absence de réserve quant à la présomption d'innocence.
Elle dénonce la possibilité et l'existence des erreurs judiciaires d'un système perfectible.
Elle plaide également contre la peine de mort. On ne peut ignorer la participation de Donald Trump. Par effet de "communication" on peut projeter sur lui tout ce que dénonce la série comme s'il en avait ete une cause parmis d'autres. Mais ce n'est qu'un effet. Voulu ( je pense et c'est légitime selon moi) ou non. Le seul reproche (mot bien pauvre) objectif que nous pourrions lui faire, au regard de ce qu'on nous montre, ce sont ses positions pour la peine de mort. On nous suggère d'imaginer des innocents condamnés et exécutés. Or la peine de mort est une atrocité et une absurdité. Et elle révèle plus clairement sa nature, qui est celle d'un crime, quand elle frappe un innocent. Tous les hommes sont innocents pour la mort.
Enfin, peut-etre plus discrètement, When they see us dénonce aussi une justice et des lois trop répressives (reinsertion impossible etc) qui ne sont plus là pour réparer et/ou punir mais pour écarter et détruire. Cette justice ne permet plus cette redemption toujours possible et que l'on peut espérer de criminels. Au contraire elle les entraîne toujours davantage à être hors-la-loi.
Le seul obstacle au bohneur auquel l'Homme aspire c'est l'injustice. Cette série est très violente et infiniment triste car elle la montre. Elle nous montre son visage et nous permet de la regarder distinctement. En même temps elle la denonce en nous rappellant de ne jamais la tolérer. C'est la force du message de When they see us que d'être universel.
Qui que nous soyons et quoi que nous pensions.