« Karl…
- Tout doux FranxX.
- Il a anéanti notre belle salade !! »
L’âge de glace (2002)
C’était devenu un rituel. Tous les samedis depuis le début de l’année je réservais une petite demi-heure au visionnage du dernier animé signé Trigger, secondé par A-1 Pictures. Geste mécanique que j’avais renoncé à rationaliser depuis longtemps. Pourquoi continuer Darling in the FranxX après l’horreur des premiers épisodes ? Peut-être par acquis de conscience avant de le passer à la moulinette de la critique, dans l’attente naïve d’un épisode qui sauverait tous les autres. A l’issue du visionnage de l’épisode 19, je me demande pourquoi avoir continué. Après tout l’animé n’avait suscité en moi que déplaisir et désarroi. De plus, la critique que vous lisez actuellement aurait pu être formulée en des termes très similaires avant la fin mars tellement la série était déjà empêtrée dans ses problèmes jusqu’au cou. C’est peut-être plus la curiosité morbide qui me maintint devant l’écran, fasciné par cette série qui se contemple en train de s’enfoncer dans la nullité tout en étant persuadée de faire partie du haut de tableau dans le merveilleux monde de l’animation japonaise : This is fine.
Expérience sociale
Mettez une bande de 10 gamins élevés dans le seul but de servir de pilotes de mécha dans une ravissante maisonnette et observez ce qui se passe. Rien d’étonnant là-dedans, vous le savez : le mécha c’est un peu l’équivalent de l’apocalypse zombie, il y a beau y avoir des monstres et des méchas qui se foutent sur la gueule, ce qui intéresse ce sont les fameuses relations entre êtres humains qui sont rarement apaisées dans des situations où chaque jour est une lutte pour sa propre survie. Dans cet exercice Darling in the FranxX est malheureusement plus proche de feu Loft Story que d’Evangelion. Il s’agit de suivre la vie de quelques adolescents aux personnalités superficielles et montrés sous leur pire jour possible mais qui ont la particularité de monter dans des gros robots qui se conduisent en couple hétérosexuel uniquement. Je vous passe les détails du mode de conduite, ô combien subtile allégorie du rapport sexuel. Un simple coup d’œil suffira pour réaliser à quel point on se fout royalement du spectateur chez Trigger, un design qui ne peut être pris que comme une insulte à son endroit.
Rien ne sera véritablement mis en relief hormis les romances insipides et autres triangles amoureux entre des personnages bien embarrassés par la découverte de leurs sentiments parce que nés dans un environnement aseptisé, dans une société où il n’y a plus d’amour, il n’ont pas de repères par rapport auxquels se positionner… On s’attache et on s’empoisonne, on s’attache et on s’emprisonne, pendant ce temps je m’ennuie sec puisque je n’arrive pas à m’attacher au moindre personnage. Le bon Hiro qui est censé être le héros (t’as compris ?) a la vivacité et l’autonomie d’une plante de salon, il est là et il attend que des choses se passent autour de lui tout en foutant le bordel dans son unité par son comportement irresponsable les rares fois où il se bouche les miches. Étonnamment il semble être apprécié de ses camarades, probablement pour des raisons qui ne seront jamais explicitées. Les camarades en question semblent un peu plus intéressants au premier abord mais sont maltraités par le scénariste tout au long du script jusqu’à devenir insupportables.
Du côté des kaijuus, les klaxosaures, sortes de dinosaures watercoolés tout droit sortis d’une pub pour PC « gamer », pas grand-chose à se mettre sous la dent non plus. Ça arrive, ça crève et on oublie aussitôt que c’est passé faire coucou devant la caméra, tels Stan Lee dans un Marvel le côté cool en moins.
Rien d’excitant dans le background non plus. Ce qui nous est révélé dans l’épisode 18 ou 19 n’apporte rien qui puisse annuler le naufrage. Il faut dire qu’on attendait plus rien tellement l’animé organise la rétention d’information tout au long de la série. Du moins c’est qu’on serait porté à croire avant les révélations. Il n’y avait finalement rien à voir, rien qui puisse mettre en place les enjeux qui manquent cruellement à la série, qui se comporte comme si elle avait des choses à nous cacher pour mieux nous cacher qu’il n’y a rien à cacher. Il ne reste que des gamins, leurs relations artificielles et leurs difficultés sentimentales pathétiques.
Dégustation en couple (hétéro)
Au-delà de l’ennui profond, il faut dédier une parenthèse au message bien dégueulasse véhiculé par la série. Le mécha ne peut être conduit que par un homme et une femme. La démonstration en est faite lorsque deux des personnages féminins tentent de faire tourner le moteur sans grand succès. Le cockpit disposant les pilotes comme dans un acte sexuel et les personnages exprimant le souhait de piloter avec l’élu de leur cœur, on comprend bien de quoi il s’agit : l’homosexualité, et bien apprenez que ça ne marche pas. Voilà si vous êtes concernés vous n’êtes pas un être humain fonctionnel, ou du moins votre couple ne l’est pas. Il existe bien quelques pilotes androgynes qui parviennent à piloter avec des personnes de n’importe quel sexe, mais voilà, ils sont méchants et dénués de sentiments, pas très humains en somme. La seule lesbienne de la bande de pilotes est présentée comme mentalement instable et mal dans sa peau.
Il y a tout un trip autour de la natalité introduit par un personnage qui découvre un livre d’éducation sexuelle dans des ruines d’une vieille ville. Révélation : il est possible pour un homme et une femme de faire des gamins. Mais voilà la société triste et visiblement totalitaire dans laquelle nos chers pilotes évoluent n’a plus recours à ces méthodes arriérées depuis longtemps. Les humains n’ont plus de sentiments, ils sont immortels mais n’ont pas l’air de vivre à vrai dire. Comprenez : vous ne faites pas d’enfants, vous n’êtes pas humains. L’homosexualité c’est contre nature…etc. BONNE AMBIANCE.
Trigger a perdu la voie
Et ce n’est pas nouveau. Entre le quelconque Inou Battle wa nichijou-kei no nake de et le sympathique Little Witch Academia, Trigger nous faisait déjà la démonstration méthodique qu’avoir de bons scénaristes ça fait le café tant le contraste entre ces séries médiocres et les succès passés était saisissant. Même combat pour Darling in the FranxX, qui ne parvient jamais à instaurer de véritables enjeux qui pourraient servir de fil conducteur à l’intrigue. La série ressemble plus à un gros tas d’éléments empilés de manière hasardeuse censé nous plaire par je ne sais quel miracle. Il manque une ossature solide, il manque un soin qui aurait pu être apporté aux personnages, qui disposent de leurs petits moments anecdotiques quand ceux de Gurren Lagann et de Kill la Kill évoluaient au fil des événements, et m’étaient tous sympathiques.
Actuellement, Trigger c’est avant tout un style graphique et des animations soignées mises au service d’histoires peu intéressantes. Pour compliquer un peu plus les choses Darling in the FranxX est d’une arrogance ahurissante dans sa réalisation. Avec ses changements soudains de format d’image et ses phrases affichées sur fond noir façon powerpoint/monogatari pour souligner l’importance d’une scène ou d’un dialogue en réalité quelconque, le passage à la narration première personne de Hiro en début et fin d’épisode façon « je ne réalisais pas encore à quel point cette rencontre allait changer ma vie », on est porté à penser que le scénariste est persuadé qu’il raconte des trucs hyper profonds. On peut d’ailleurs constater dans les interviews du personnage que c’est bien le cas. Voilà qui est particulièrement enrageant quand on est épris de la série comme je le suis. Quand on affiche aussi ouvertement ses ambitions, il faut avoir la matière pour les soutenir, sinon on passe pour un naze. Le ton très sérieux et premier degré de la série, contrairement aux productions habituelles de Trigger, rend le calvaire encore pire puisqu’on a même plus l’opportunité de se marrer un bon coup pour évacuer le stress induit par le visionnage, ce qui pouvait se produire dans Inou Battle et Little Witch Academia.
Urbex
Bon et bien on est arrivé au bout. Inutile de vous dire que je ne saurais recommander le visionnage, si ce n’est pour des cas très particulier. Par exemple si vous partagez avec moi un goût inexpliqué pour les naufrages imminents. On sait que ça va mal tourner dès le départ, mais on reste planté devant l’écran pour savoir comment. Autant dire que ce fut une expérience bien singulière de visionner cette désagréable plaisanterie, aussi fascinante qu’éprouvante pour les nerfs et que je ne souhaite pas répéter à l’avenir.
Mais le premier ending était cool.