L'avantage des séries audio, c'est qu'on peut solliciter l'imagination de l'auditeur pour dépeindre des univers un peu trop coûteux à retranscrire à l’écran; en l'occurrence une enquête policière dans un monde souterrain où des communautés vivent relativement recluses dans les profondeurs depuis que la surface est devenue inhabitable : quelques officiers sont chargés de maintenir l'ordre, les communications et un semblant de cohésion entre ses groupes disparates mais pas facile de faire appliquer la Loi lorsque les technologies sont devenues rudimentaires et que de nombreux mystères demeurent irrésolus sur les ruines des Anciens, le peuple visiblement dominant sur la Terre avant que l'humanité ne reparte à la case zéro; bref un concept alléchant d'autant que la série audio fait preuve d'un certain savoir faire en matière de World Building, on en dit suffisamment à l'auditeur pour éveiller sa curiosité sans non plus surcharger le récit d'une exposition lourdingue ou expliciter les moindres zones d'ombres de ce monde fictionnel, certains personnages sont de toute façon aussi ignorants que nous sur le passé tumultueux de l'espèce humaine et très vite, ce n'est plus cela qui importe le plus.
Car très vite, l'intrigue met en place une disparition suspecte à résoudre et en dépit de son cadre fantaisiste, De Profondis s'achemine initialement comme une vraie enquête policière avec ces suspects, ses alibis et ses coupables tout désignés; bien sûr, le cadre demeure atypique et on songe volontiers à l'univers des livres et jeux Métro mais les musiques largement inspirées d'Alien nous indiquent vite dans quoi on va mettre les pieds; attention du Body Horror est au programme et la série audio lorgne progressivement vers une épouvante assez efficace. La série tire évidemment parti de son décor souterrain pour multiplier les échos, les voix déformées et autres terreurs insoupçonnées qui se terrent dans les profondeurs et force est de constater que c'est du tout bon en matière de fabrication sonore: l'interprétation s'avère excellente, notamment une Clémence Poésy étonnamment efficace en enquêtrice autoritaire et pugnace; le récit a également l'ingéniosité d'inclure fréquemment les enregistrements audios de l’héroïne pour légitimer l'omniprésence du son et amener les inévitables descriptions des scènes d'horreur de manière plus naturelle.
Seul écueil de taille, mais non des moindres, le scénario s'avère malheureusement trop prévisible en ce qui concerne certains antagonistes, bien mal dissimulés, et parfois même carrément maladroit envers certaines trahisons inévitables; l’héroïne se jetant inévitablement dans la gueule du loup malgré sa sagacité. En contrepartie, le mystère s'avère assez haletant jusqu'au dénouement du récit et la fin a également le mérite d'être assez audacieuse même si elle véhicule un certain sentiment d'inachevé : peut être pour mieux préparer le terrain d'une éventuelle saison 2.
Quoiqu'il en soit, c'est une série de très bonne facture et qui parvient même à faire froid dans le dos au moment où on ne s'y attend pas forcément. La science fiction en France, ça a toujours été compliqué au cinéma et à la télévision mais il semblerait que l'audio permette de contourner ce sempiternel écueil de nos productions locales; pour une fois oui, cela sonne juste et surtout cela semble vrai. ;)