Du drama réaliste et éducatif. Degrassi est LA série teen.

Woh, quatorze saisons, cette nouvelle génération ne comprend pas moins de six remises de diplôme, quatre décès dont un suicide, trois viols, une fusillade, cinq directeurs, un prof de math, six groupes de musiques, deux bipolaires, quatre filles enceintes (ou possiblement), je ne sais combien de réalisations théâtrales, de bagarres, d'élection de président de l'école, de soirées de fin d'année gâchées, d'heures de colle, de "it's a date !", et un nombre incalculable de couples se faisant, se séparant, se remettant ensemble pour mieux se trahir ensuite.

Bon, Degrassi fut un long temps ma série péché que je n'osais aborder en public. Pourtant, quand je la compare à d'autres séries ado/drama, anciennes ou actuelles (de One Three Hill à Riverdale), je considère que les scénaristes et producteurs ont toujours réussi à tirer leur épingle du jeu. Sans être un fin connaisseur, je reproche souvent aux autres séries de tirer la corde de la dramaturgie jusqu'à l'extrême. L'exemple type étant Riverdale qui enchaîne les situations les plus rocambolesques sans réellement songer ou assumer les conséquences (en vérité, il est certain que les scénaristes en jouent).

Les élèves de Degrassi traversent bien entendu un nombre incalculable de drames dans leur vie.
Mais la série possède à mes yeux deux grandes qualités qui font d'elle une série plus intéressante à visionner.

Première qualité : Son grand nombre de personnages. Certaines séries ne possèdent qu'un casting réduit à cinq, six personnages. Il en devient fantasque que tous les malheurs du monde s'acharnent sur eux d'épisode en épisode. Mais Degrassi compte, dès la première saison, un grand nombre de personnages réparti en plusieurs classes. Chaque épisode s'attarde à chaque fois sur deux à trois personnages différents. Un moyen d'offrir à chacun un temps narratif plus ou moins égal. Un grand nombre d'intrigues se divise ainsi grâce à cette grande variété de personnages et de caractère.

En premier lieu, les protagonistes semblent correspondre aux archétypes connus. La blonde pompom-girl, son amie un peu forte, l'élève modèle, le sportif, le geek, son copain marrant, le lourdeau bêta, la romantique, l'écologique, l'élève rebelle sont tous de la partie. Impossible de ne pas trouver un personnage qui nous correspond de près ou de loin. Mais quelques épisodes (ou saisons) dévoile le potentiel de chacun d'eux, leur profondeur, mais aussi leur évolution et leurs chutes. Aucun personnage de cette série n'est parfait. Tel des adolescents, tous font des mauvais choix (souvent stupides) et nous déçoivent. Mais cela ne les rend que plus réalistes. Personne n'aime un personnage parfait.

De plus, le casting se renouvelle à chaque cycle. Du collège jusqu'au lycée et le diplôme, la règle est telle que les personnages quittant Degrassi disparaissent (quasiment) des écrans, pour laisser la place à de nouvelles têtes. Les premières saisons correspondent à une année scolaire chacune, puis une demi-année à partir de la saison 6. Plusieurs saisons où nous voyons progressivement des personnages grandir de la pré-adolescence à la majorité.

La deuxième qualité de Degrassi : L'aspect éducatif de ses intrigues. Le public type de cette série est un public adolescent. Les récits correspondent donc aux questionnements de leur quotidien . Les intrigues passent ainsi par les premières règles, le rapport au corps, les érections incontrôlées, la question du genre, le rapport au sexe, à la sexualité, les amitiés toxiques, les difficultés scolaires, les différences de classe sociale, la pression familiale, l'acceptation de soi. Bien entendu, des intrigues certes plus marquantes et moins générales sont abordées, mais sont tout aussi importantes tel que les prédateurs sur internet, la drogue, les maladies mentales, l'avortement, l'automutilation, le viol, le suicide, la persécution. Elles servent le drama, mais restent cohérentes car elles explorent non seulement le moment, mais également les conséquences au moyen ou long terme.

Certes, quatorze saisons induisent bien entendu des hauts et des bas. Mais les scénaristes ont fait de leur mieux pour conserver l'intérêt du spectateur tout du long. A mon goût, les dernières saisons ont fait les erreurs que je reprochais aux autres séries drama. Un trop grand nombre d'intrigues à départager entre un nombre décroissant de protagonistes. Faute à une diminution du budget ? Je l'ignore. Pourtant, malgré une perte progressive du coté éducatif pour se concentrer sur le drama, Degrassi a jusqu'à la fin cherché à conserver un message. La série a continué de poser des questions, à amener le spectateur à réfléchir sur lui-même et son rapport aux autres.

Le fan en moi a toujours également apprécié la présence durant les premières saisons des protagonistes de la série des années 80. Tous adultes, continuant de faire face à leurs propres crises, ou servant de guide pour les nouveaux protagonistes. Ces intrigues ont fini par s'évaporer pour laisser plus de place aux adolescents. Malgré tout, leur présence fut un excellent hommage à l'ancienne série et à ses spectateurs.