Tenir la distance humaine
Ce qui m'intéresse beaucoup dans cette série, c'est le personnage central, stéréotype d'un monde en crise... et ce n'est pas pour rien que ça se passe à Chicago.
Cela dit, je me suis toujours demandé comment il faisait pour vivre : bon, on voit un peu où il habite, c'est assez modeste... Il a des amis aussi. Mais... faut bien vivre non ? (là commence la fiction). Et c'est pas avec son générique au xylophone et à la flûte de pan amérindienne qu'il pourrait faire la manche.
Le trait caractéristique de cette série, c'est ce personnage dans un contexte extrêmement appauvri, typique de la fin des années 80, ce personnage qui se fait dicter par un chat roux (symbole de la passion et de son aveuglement) alors que ce même personnage dictait les lois du monde via les marchés boursiers.
Ce qui m'intéresse surtout, c'est comment faire passer l'humanisme à l'écran ? Comment l'imager, de sorte à ce que Gary soit un exemple ?
Gary ne vit pas. Il court tout le temps et il n'a jamais faim. Il a décidé de passer sa vie à donner. Sa relation avec le chat le contraint à ne tirer aucun profit de son activité de super-héros ordinaire. C'est même la condition sine qua non de cette série : sauver des vies ou être égoïste. Or de question pour Gary de gagner aux courses ou au loto, sinon il n'a plus de journal. Ce journal, chaque matin, et ce chat maudit, c'est un sens à sa vie.
On notera au passage que l'humanisme combat la cupidité et l'accumulation de richesse entre une seule main. Le principe humaniste de base, c'est vraiment de ne pas être le mécène d'autres exploitations, c'est vraiment de montrer le désintéressement et le dénuement... Et je me suis posé la question de savoir si on pouvait le montrer autrement. Autrement dit, mettre de la nuance dans une psychologie de personnage ne discrédite-t-il pas ce qui fait le fondement de cette série ? Je veux dire si Gary n'était pas aussi "benêt au grand coeur", est-ce qu'il ne perdrait pas de charisme en tant que modèle de bonté ? Alors, évidemment, je trouve ça écoeurant et pas très humain au final, mais est-ce que, dans le cadre d'une série, il y a vraiment le choix ? (le principe d'une série étant de proposer une psychologie de personnage avec ses qualités et ses défauts, lesquels reviendront invariablement à chaque épisode).
S'il y a vraiment un point de nuance dans cette série, c'est qu'il n'a pas été licencié. Je ne connais pas l'épisode où il choisit de quitter le monde de la finance (tout un symbole) pour celui de la philantropie, mais il choisit ce chemin-là et démissionne d'une vie matérielle. D'ailleurs, en dehors du journal, Gary ne prend aucune décision, aucune autre décision que ce qui l'a amené à quitter son emploi. Et on le montre en permanence prisonnier de son "journal du lendemain".
Pour moi, c'est important de voir qu'il est responsable de ses actes - non pas parce que c'est bien ou quoi mais bien pour caractériser ce personnage et donc, ce qu'on veut nous montrer. Si Gary avait été licencié, on en aurait fait un personnage qui aurait été remis en cause par un autre que lui (de là surgirait toute l'imagerie du licenciement). Gary n'a pas par conséquent de vision de classe : sauver le riche et sauver le pauvre lui est égal... Mais nous admettrons dans cette série que rarement Gary n'a à sauver d'autres gens que "les petites gens". Parmi ces "petites gens", il y a ceux qui sont bien, tel qu'un humaniste le présage, c'est-à-dire distinctement de tout contexte social et économique (alors que ça se passe à Chicago !) et il y a ceux qui sont mal, et qu'il faut sauver quand même, même s'ils enquiquinent le monde...
C'est cette omission totale de classe sociale qui m'interpelle dans cette série, tout ça pour faire couler cet humanisme un peu trop empathique. Alors oui, il était possible de faire autrement, notamment en incorporant cette vision sociale. Dans cette série, on a le sentiment permanent qu'il faut survivre dans un monde gris, fait de béton et de parcs urbains entre les murs, on a le sentiment d'une crise qui s'abat sur tous, un peu comme une chape de plomb. Il n'est pas étonnant de voir dans chaque épisode un lien avec le monde du travail, avec les quartiers défavorisées, les habitations abandonnées, évidées de toute vie. Mais Gary s'adapte, lui son métier c'est de récupérer des pots cassés... mais sans rien casser.
Gary est chelou.
Gary est gars bien. Il ne ment pas. Il ne sait tellement pas dire non qu'il est devenu simplet (pas sûr que de changer d'existence vous rende plus déficient mais bon).
Gary est l'ami judéo-chrétien de Tintin croisé avec MacGyver (cf.ma critique rigoloïde).
***
Ceci est ma 500 ème critique.
Oui, moi aussi,
j'ai donné.