Demon City Shinjuku
6.2
Demon City Shinjuku

OAV (1988)

Pour une lecture en images plus souple et plus agréable


Quelle a été ma surprise de voir que Demon City Shinjuku aka Makai Toshi en vo n’avait qu’une seule critique sur ce site. Et assez négative qui plus est. Je me propose donc de rétablir la balance pour les personnes qui seraient tentés par ce film qui mérite clairement d’être vu aussi bien par les fans de Kawajiri que pour les autres et c’est d’ailleurs surtout à ces derniers que ce petit billet s’adresse.


Disons le tout de suite, si on peut apprécier Makai Toshi ce n’est certainement pas pour son scénario. Comme pour la plupart des œuvres de Kawajiri ce n’est pas du tout à ce niveau que se situe le point fort du film. On suivra les aventures de Kyoya, jeune escrimeur surdoué dont le père a été vaincu par son condisciple qui aura vendu son âme au diable pour acquérir plus de pouvoir. Ce dernier - répondant au nom de Rebi Rah - souhaite récompenser son bienfaiteur maléfique en lui offrant la ville de Tokyo comme nouveau royaume, provoquant ainsi un énorme séisme d’où surgiront les créatures les plus vils. Le héros, un peu forcé par le destin prendra donc la suite de son père pour empêcher cette catastrophe de se répandre au delà de Shinjuku. Il aura comme récompense et motivation inavouée le cœur de la ravissante Sayaka a remporter. Comme on peut le voir ca ne vole pas très haut en terme d’intrigue d’autant plus que les personnages sont assez stéréotypés. On retrouve le jeune chevalier intrépide, la petite princesse en détresse et le vieux maitre c'est-à-dire le trio gagnant qu’on croisera à plusieurs reprises dans les meilleurs films de Kawajiri par la suite, ce qui prouve au passage que clichés et stéréotypes ne sont pas forcément synonymes de médiocrité.


En somme pour l’histoire on repassera. Mais ce qui permet de dire que Makai Toshi est un incontournable c’est qu’il pose les bases de ce que sera la marque de fabrique de Kawajiri pour ses productions futures de plus gros calibres : De l’Action frénétique et une Ambiance racée.


Ces deux piliers constituent les fondements du style Kawajirien et c’est ici que pour la première fois ils s’affirment. Les combats d’abords. Ils sont claires, vifs, rythmés et fluides. Certes courts (comme toujours chez ce réalisateur) mais maitrisés de bout en bout et crédibles (comprendre en adéquation avec l’univers proposé). Car Demon City est avant tout un pur animé d’action/aventure qui n’a aucunement la prétention de proposer une quelconque réflexion sur des thèmes précis. Le but est surtout de divertir le spectateur avec des combats spectaculaires en faisant intervenir toute une série de montres hideux, de personnages loufoques et mystérieux ayants la capacité de captiver notre attention pour nous faire rentrer de plein pied dans ce Tokyo dévasté aux allures d’enfer sur terre. Du point de vu de l’animation le challenge est amplement remporté avec pour point culminant un combat final qui tient toutes ses promesses, un peu court c’est vrai mais d’une puissante intensité.


Mais surtout, là ou Makai Toshi gagne ses galons de grand cru de l’animation old school c’est bien grâce à son ambiance ténébreuse et sinistre totalement réussi qu’il doit au fameux Inferno d’Argento auquel il rend un brillant hommage. Kawajiri a su porter à l’écran une ville de Tokyo ou plutôt un quartier de Shinjuku complètement ravagé par les turpitudes malsaines de Rebi Rah avec ses immeubles délabrés, usés, à moitié détruis et prêts à s’effondrer à tous moment sur leurs bases. Ces étroites ruelles sombres jalonnées de néons cassés et clignotants à intervalles irréguliers, ces loubards des rues dont il est préférable de ne jamais croiser le regard… Plus encore, il réussit à retranscrire une atmosphère menaçante et grave au travers de cet admirable jeu de couleurs froides avec ce bleu nuit, ce bleu électrique, plongeant progressivement vers le noir pour passer en suite au rouge vif, au rouge sang qui se mélange si bien aux teintes sombres typiques de ces grandes cités nocturnes. Ici c’est clairement l’imagerie d’Inferno qui ressort ou les couleurs ont un rôle déterminant en ce sens qu’elles expriment et décrivent la scène. L’introduction du film (d’une beauté à couper le souffle) en est l’un des plus parfait exemple. Nous sommes dans un Tokyo ou il fait tout le temps nuit et ou l’on ne verra quasiment jamais la lumière du jour, un habile procédé qui contribue fortement à installer ce sentiment d’angoisse et d’inquiétude qui traverse le spectateur tout autant que les protagonistes de l’histoire. Le cinéaste n’oublie pas d’inclure dans son métrage une teinte poétique via quelques scènes charmantes et envoutantes d’une éclatante beauté. Pensons notamment à la scène du parc ou pour un court moment les rôles s’inversent et ou Sayaka devient l’héroïne du film ou encore à cet amour platonique qui va naitre entre les deux personnages principaux. Une scène en particulier, celle de la flaque d’eau qui est une référence directe à Inferno démontre encore tout le talent de mise en scène dont fait preuve l’auteur pour nous dépeindre sa vision surréaliste du rêve et de l’illusion. Scène où l’on serait tenté de dire que Kawajiri en vient à surpasser Argento. Un pas que je ne m'aventurerais guère à franchir, mais incontestablement, l'animation permet certaine chose que le cinéma classique ne le pourra jamais.


Demon City Shinjuku est un film réussi et sans aucun doute l’un des plus beaux de Kawajiri malgré son âge de par son esthétisme et son atmosphère en plus d’être un bon animé d’action. Il est (avec Wicked City) l’œuvre qui caractérise le mieux le style du réalisateur tellement il y déploie tout son savoir faire et toute sa maitrise de la mise en scène. Et ce bien avant Ninja Scroll ou Vampire Hunter D.


Je ne lui mets que 7 car je trouve que Wicked City (qui lui ressemble assez) lui est tout de même supérieur, notamment au niveau des scènes d'actions.


EDIT : Note qui passe à 8 après un re-visionnage. Les 3 minutes d'intro explosent à elles seules toute la production de ces 5 dernières années ! Ce film est vraiment trop beau putain !

Saint-Just
8
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le 10 mai 2014

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