Demon City Shinjuku est d’abord un film d’ambiance. On pénètre ainsi avec les protagonistes dans le prestigieux quartier de Tokyo pour découvrir un paysage cauchemardesque très réussi. Les cieux agités sont noirs, gris, rouges, violets. Les bâtiments tombent en ruine, des crevasses séparent les avenues en deux. Des vauriens et des vagabonds y errent, moitié menaçants, moitié comme des âmes en peine. La lumière pénètre difficilement les rues, et une brume anormale flotte sur les environs.
Nos deux personnages principaux vont avancer par paliers dans cette ville en décomposition, combattant à chaque fois un nouvel ennemi. Cette progression en jeu vidéo s’accorde parfaitement avec l’ambiance de fin du monde qui baigne le film. Bokken en main chargé d’énergie spirituelle pour défaire les démons, comme si les armes modernes ne pouvaient faire face aux forces surnaturelles, Kyoya a fort à faire. De longues scènes inventives et rythmées s’enchaînent pour le plus grand plaisir des amateurs du genre. Citons en vrac, sans rien dévoiler pour autant, un petit chaperon rouge pas si vulnérable que ça, une succube tentaculaire insistante, des âmes de morts jalouses des vivants, un homme-araignée pas très joli à regarder, une mare rouge empoisonneuse et un reste de parc d’attraction peu engageant.
Qui viennent cependant un peu atténuer ce plaisir de visionnage, quelques banalités scénaristiques qui frisent parfois le ridicule. Voici donc Rebi Ra (nom qui en japonais envoie peut-être du pâté, mais qui tombe malheureusement à plat en français), super méchant de-la-mort-qui-tue (vraiment beaucoup), ayant vendu son âme au diable (pour changer), afin de détruire le monde, la galaxie, l’univers, le cosmos, et tout le tralala (en vue de régner sur quoi, on se le demande, mais le susnommé Rebi Ra, lui, ne semble pas se poser cette question). Pour parvenir à réaliser son plan machiavélique, diabolique, satanique (et tout plein d’autres adjectifs menaçants en « ique »), il décide d’ouvrir un portail démoniaque au-dessus de Shinjuku, grâce à un pentacle géant rose fluo. C’était sans compter sur l’intervention du jeune Kyoya venu essayer de lui mettre des bâtons dans les roues, et qui fait penser à un héros à la croisée de La Guerre des étoiles, d’Excalibur et du bouddhisme (c’est possible, la preuve en regardant le film). Notons aussi qu’on a pour l’accompagner une jouvencelle bien faite avec un gros ruban rose sur la tête, excessivement innocente et qui ne cesse de pousser des petits cris de souris effrayée ; on s’attend sans arrêt tout au long du récit à ce qu’elle se transforme en héroïne de hentaï, persécutée avec plaisir par les nombreuses tentacules qui accompagnent en général les démons chez les Japonais, mais je ne vous en dirai pas plus sur le sujet et vous laisse découvrir par vous-même ce qu’il en est.
Mis à part ces lourdeurs scénaristiques, le film est à conseiller aux fans des histoires du genre, ainsi qu’à ceux de Yoshiaki Kawajiri, le réalisateur, et à ceux du studio Madhouse. Bon visionnage !