Devilman Crybaby
7.4
Devilman Crybaby

Anime (mangas) Netflix (2018)

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Année 70, un Japon puritain, moraliste, fermé. Et ainsi naquit Devilman, la nouvelle pièce d’un maître qui n’avait, d’ores et déjà, plus besoin de preuve. Un manga d’une violence nouvelle, d’une violence par le propos, par la graphie, par les scènes, par le rejet de cette moralité étouffante.



  1. Le monde occidental connait une diverge névrotique, une séparation profonde, entre un progressisme « décadent », et un conservatisme « puritain ». Où la violence et le sexe n’ont, soit aucun sens pour certains, soit noyé de tabous pour d’autre. Et ainsi naquit Devilman Crybaby, la nouvelle pièce d’un maître qui as plus trop à prouver.
    Devilman Crybaby se rapproche d’un film de 2016, de part sa nature de remake/adaptation d’une licence connus et culte, de part une actualisation d’un propos politique daté, et d’une profondeur cachée derrière un vernis baroque, Mad Max Fury Road.
    En effet, la force de ces deux œuvres réside principalement dans le réseau de symbole et dans la multiplicité des lectures. Mais avant toutes choses, ce sont des œuvres baroques, des œuvres mythiques, voir mythologiques, et une réactualisation de l’œuvre d’art total de Wagner.


Pour Wagner, l’art doit être total, ou plutôt, doit porter l’unité d’une vie. L’œuvre d’art total doit être une œuvre parlant à l’érudit, au sage, au prolétaire, à l’étudiant, au nonchalant. Il doit savoir transfigurer une force vitale, charnelle et spirituelle. L’Opéra fut le premier médium qui accueillit une telle œuvre. Et comme le cinéma en est l’héritier, logique d’y voir de telles œuvres.
Mais en quoi Devilman Crybaby est une œuvre d’art totale ?


La majeur partie des spectateurs, à la fin de l’œuvre, sont confrontés au même sentiment, celui du vain, du lacunaire, du néant qui distords le cœur et l’esprit. Le nihilisme positif mais cynique s’infiltre en nous. Le pire n’étant pas la mort même d’Akira, mais les larmes de Satan. Nous ressentons un sentiment qui n’a pu être complet que par l’enchaînement des actions. Sans la mort de Miki, des parents, de Taro, sans le sexe, Silene, le prêtre, jamais on ne serait arrivé à une telle désolation existentielle. Devilman Crybaby œuvre une construction du ressentit et d’une bombe redoutable.
Cela est dû par la force du réseau symbolique, se fait que tout forme une harmonie holistique, et se répond l’un l’autre. Miki est à Miko, ce que finalement Akira est à Ryo, la course athlétique est de même nature que la course à la puissance d’Akira, que la course à l’armement des pays, que la course de Ryo et de Satan. Cette redondance amplifie la portée de chaque élément.


Mais si Devilman Crybaby parle au cœur, il parle aussi à l’esprit, et en voilà une de ses lectures et thème centrale : la dualité émotion/raison.
Ryo est l’esprit, Akira est le cœur. L’un ne répond que par la logique et la science, l’autre ne fait qu’exprimer se qu’il ressent pour le monde. Mais là où la dualité Ryo/Akira s’arrête se situe dans l’extrémisme de l’un et l’humanité de l’autre. En effet, la logique de Ryo devient dogmatique, et quitte la raison : en redevenant Satan, il radicalise son propos à le rendre absolu, et scellera sa perte et celle d’Akira. Alors qu’Akira, lui, reste humain. Car ses sentiments ne se radicalise pas car reste toujours sur la même lignée, la même force, dirigé vers l’humain. Il porte un amour christique – et non catholique ou chrétien – ce n’est pas l’amour de celui qui porte le monde en pitié, mais l’amour de celui qui porte le monde, seul. Un amour inconditionnel et sans raison. Mais qui sera brisé face à, justement, les sentiments qui sont déformés par l’individualité toxique. En effet, les civils ne portant non pas un amour universel et instinctif envers le monde, mais un amour comme projection de son amour personnel, se radicalise. Car leur amour ne visant que eux même, ou leur semblable – c’est-à-dire une extension d’eux même – ils commettent sans problème l’irréparable. Tout cela permet de porter une lecture christique, voir néo-christique de Devilman. Akira est le christ originel, non pas celui qui fonde les croyances, mais celui qui donne corps et âmes au monde, mais qui se retrouve seul, seul face à la non empathie universelle et à la crucifixion de ses amours. Miki représentant le Akira humain, du moins une partie, sa mort sur les piques, crucifia Akira, laissant le démon hurler sa douleur enflammée.
Cette figure Christique porte un amour comme souffrance envers autrui, comme si l’amour était d’abord le fait de souffrir pour autrui. Comme une compassion originelle, non pas la compassion intellectuelle et donc possiblement hypocrite, mais la compassion existentielle. « Ton malheur me maudit, et je pleure avec toi ».


Il existe néanmoins une autre lecture. Une lecture anti-libérale. La course comme compétition envers autrui serait annonciateur de chaos. En effet, toutes les courses où il est question non pas de se dépassé, mais de dépassé autrui a généré plus ou moins de conflit. Entre l’athlétisme qui généra les complexes de Miko, entre la course militaire qui provoqua des morts, la course sécuritaire aussi, la course de Miki voulant échappé à ses poursuivants, la course dans le stade. Finalement, peu de course amène du positif, principalement celle d’Akira face à la mort. Car il n’était pas question de battre autrui – autrui au sens humain du terme – mais de battre, à la fois une représentation de la mort – le démon – et sa condition – avec la comparaison du chien.

Et c’est en se dépassant qu’il accomplit, non pas le chaos, mais une libération. Car cet acte n’était pas égoïste, au sens qu’il aliénerai autrui, mais altruiste, ce n’était pas se dépasser que pour se dépasser mais aussi sauver Ryo. Alors que Miko elle, deviendra une démone uniquement pour dépasser Miki, causant la mort de Butterfly. Et la course de Satan pour détrôner Dieu tua tous les humains et les démons au passage.


Il y a encore de multiple lecture. Notamment plus secondaire, comme le rapport au corps et à la sexualité, la puberté etc.
Mais c’est assez pour démontrer en quoi Devilman Crybaby est une tentative d’œuvre d’art totale.

Markus_Kaiser_Kane
9

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le 12 janv. 2018

Critique lue 2.8K fois

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Markus Kane

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