Un petit temps que je n'avais pas eu un vrai coup de coeur sur un anime, et indéniablement Devilman Crybaby m'a fait ressentir des choses. J'ai tendance à considérer ça comme un point de départ essentiel pour une analyse ou une critique intéressante d'une oeuvre : elle fait passer des trucs. Pourquoi ? Comment ? Pour moi c'est bien plus important que de pointer une loupe grossissante sur les défauts.
Je ne reviendrai pas sur l'histoire du manga, beaucoup d'autres ont bien développé ça, et je ne suis par ailleurs pas un grand expert de celui-ci, bien que l'anime m'ait fortement donné envie de m'y intéresser. Certes, la silhouette caractéristique de Devilman, j'y suis familier, tant elle est réexploitée largement dans la pop culture nippone, mais je n'en savais pas beaucoup plus que cela auparavant.
Cette petite parenthèse refermée, Devilman Crybaby. À l'insu de tous, l'humanité est en train d'être lentement détruite par les démons, des créatures qui ont régné avant l'Homme sur la Terre et qui vivent en infectant des hôtes. Afin de lutter contre cette invasion secrète, un certain Ryo parvient à faire posséder son ami Akira par un des démons les plus puissants, Amon, tout en conservant intacte son âme (à défaut d'un meilleur terme) humaine. Il est désormais un Devilman, mi-homme, mi-démon, et mène cette guerre qui gagne peu à peu le globe...
Apocalyptique, crépusculaire et un brin nihiliste, Devilman Crybaby s'avère particulièrement pertinent aujourd'hui, alors que la dégénérescence de la classe politique globale atteint des seuils qu'on avait plus vus depuis un bout de temps. L'anime dresse le portrait d'une humanité haineuse et paranoïaque, en proie à une profonde crise existentielle, et questionne la place de l'individu sensible dans tout ça.
Si l'on touche sans doute là à un grand poncif, ce n'est pas pour autant que la réflexion n'est pas intéressante et marquante. Mais c'est dans son exécution que Crybaby fait réellement mouche. Les épisodes sont rythmés et prenants, grâce à un format soigneusement étudié de 10 épisodes qui vont à l'essentiel. Si un tel parti pris peut être discuté, il n'en reste pas moins que le résultat est là : trop court pour ennuyer et assez long que pour assumer un propos construit et développé, Crybaby fonctionne plutôt bien. Le style visuel est très efficace (j'ai cru comprendre qu'on a des grands noms qui ont bossé à ça, je n'en suis pas familier mais ça se voit) et s'accorde avec la très chouette bande-son. J'ai particulièrement apprécié ces petits moments de rap, qui viennent trancher avec l'action tout en posant subtilement quelques trucs.
Bref, identité très forte. Un peu affectée, diront certains, et j'ai effectivement eu ce ressenti aussi par moments. Cependant, cela s'inscrit dans une logique d'ensemble qui fait que ça ne m'a pas gêné outre mesure.
Avant de conclure, glissons un petit mot sur l'aspect "public averti" de l'anime. Y a du cul, y a de la bidoche, y a du nihilisme un peu crade, et c'est vrai qu'on flirte parfois avec la vulgarité, certains moments paraissant un poil trop complaisants et racoleurs. Mais dans l'ensemble, c'est plutôt bien géré, le cul est pas trop de mauvais goût et le gore est (un peu trop à mon goût) en fait assez soft (bon mettez pas des gosses devant quand même, déconnez pas). Du coup c'est quelque chose que j'ai apprécié, dans la mesure où les anime qui se permettent ce genre de choses ne sont pas super nombreux.
Malgré quelques faiblesses, Crybaby est une belle surprise, que je n'espérais absolument pas.