Je me demande un peu à quoi sert ce genre de série. D'un côté, elle prétend dénoncer une réalité que tout le monde connaît même si ça nous arrange de ne pas y prêter attention sous peine de devoir remettre en cause nos petits conforts quotidiens, et de l'autre, elle met en scène un antagonisme entre le bien et le mal incarné par de très beaux acteurs dans un univers de papier glacé, avec ce qu'il faut de dramaturgie pour rendre cela parfaitement irréel et distrayant (c'est à dire non impliquant, exactement à l'inverse de ce que le côté "dénonciation" pourrait laisser supposer). Il en résulte un propos qui s'auto-annule.
Pour faire court, le bien, c'est l'Europe et surtout l'Euro, et le mal, c'est l'Amérique (enfin, ses patriotes suprémacistes) et le Dollar. Je suis désolé de "spoiler", mais à la fin l'euro est sauvé de la prédation du méchant dollar au bout d'un suspens insoutenable. Je sais, c'est mal de "spoiler" surtout pour ceux qui veulent voir la série qui se déroule en 2011, et qui 10 ans après ne savent toujours pas si l'Euro a survécu ou non (peut-être font-ils du troc en monnaies locales ou avec des coquillages, je m'excuse platement auprès d'eux).
Bon, la tentative de dénoncer ô combien, nous autres citoyens européens (et du reste du monde) ne sommes que des moutons qui nous laissons gentiment conduire à abattoir, est louable, mais d'une part, les moutons restent des moutons et je ne vois pas bien où nous pourrions aller ailleurs qu'à l'abattoir sans avoir le vertige, et d'autre part, le gentil et beau berger qui nous accompagne est tellement séduisant et tellement courageux pour nous défendre contre tous ces vilains loups qui voudraient bien nous croquer avant l’équarrissage, qu'il vaut mieux rester en rangs serrés derrière lui (ou Macron, ou Le Pen, ou les autres avatars de bons bergers).
Quitte à avoir l'amertume joyeuse, rien ne vaut pour l'instant la série "Succession" où les very important people qui nous tondent se dégomment mutuellement dans un jeu de massacre jubilatoire.