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Avec ce Dévoré par les flammes, on frôle à nouveau les limites – morales, éthiques, artistiques – de l’approche Netflix quand il s’agit d’exploiter, à des fins d’audience et de recrutement de nouveaux abonnés, de faits divers marquants, voire horribles, dans chacun des pays où la plateforme développe de nouvelles œuvres, films ou séries. On sélectionne donc un drame sordide ayant marqué les esprits, ici – on est en Espagne – ce sera le « crimen de la Guardia Urbana » datant de 2017, avec la découverte du corps calciné d’un policier, et la révélation par l’enquête qui s’en est suivie de l’implication de la compagne de celui-ci, et de son amant de longue date, tous deux policiers. Il faut ajouter que le procès des amants criminels fut hautement médiatisé à l’époque, l’affaire présentant un mélange détonnant et sordide de tout ce qui émoustille le public : de la dépravation sexuelle, des bavures policières, un crime atroce et difficilement explicable. Et au centre de tout ce micmac, une jolie fille sexy, Rosa Peral. On crée avec tout ça une mini-série plus ou moins fictionnalisée (cet El cuerpo en llamas) et un documentaire polémique donnant la version des faits par l’inculpée.

Bien entendu, il est impossible de construire un thriller traditionnel à partir de faits réels bien connus, et il suffira au téléspectateur de se rendre sur Wikipedia pour trouver tout seul tous les spoilers possibles. Il ne s’agira donc pas ici de deviner / débusquer les coupables, qui sont connus, mais de nous faire parcourir le trajet de Rosa Peral, de ses débuts dans la police – elle était danseuse / strip teaseuse, a priori – à la planification et l’exécution de l’assassinat de son partenaire, le motard de la police Pedro Rodríguez. Le suspense naît de la découverte progressive du comportement inhabituel, on pourrait dire déviant de Rosa, et de la montée en puissance de sa relation toxique avec son collègue policier et amant Albert López. La mini-série, après un premier épisode laissant encore planer le doute sur l’innocence de Rosa, se concentre donc sur la personnalité manipulatrice, mais surtout très déséquilibrée de Rosa, prenant et jetant les hommes à toute allure, tombant amoureuse instantanément, pour mieux haïr ensuite ceux qu’elle a séduit.

Comme très souvent avec le format sériel, huit épisodes de cinquante minutes sont clairement d’une durée excessive, même pour raconter par le menu une vie aussi complexe que celle de Rosa Peral, et la minisérie aurait pu être réduite de moitié sans aucun problème : la construction laborieuse et assez confuse en flashbacks s’avère souvent irritante, et n’apporte pas grand-chose, si ce n’est de faire « durer le suspense », aussi bien sur le parcours qui a amené au crime – qu’on verra, mais heureusement pas complètement – à la fin, que sur l’enquête qui conduira à l’arrestation, puis au jugement des coupables.

Si le scénario de Laura Sarmiento Pallarés est trop détaillé, la réalisation est suffisamment habile pour faire naître la tension nécessaire. Mais c’est surtout l’interprétation d’Úrsula Corberó, révélée par la Casa de Papel, qui fait tenir la série : elle déploie un mélange de charme et d’intelligence qui rend son personnage réellement séduisant, et effrayant, voire répugnant à la fois, et elle justifie presque le visionnage de Dévoré par les flammes. « Presque », car le vrai échec du projet reste finalement l’incapacité de la mini-série à imaginer, puis à représenter les raisons d’un crime aussi absurde, aussi inutile. Ou alors, il aurait peut-être fallu que la série soit plus ambitieuse, et embrasse pleinement le « vertige métaphysique » qui pourrait nous saisir devant ce spectacle du « Mal » le plus pur. Mais on imagine bien que ce genre d’audace n’est pas dans le cahier des charges établi par Netflix…

[Critique écrite en 2023]

https://www.benzinemag.net/2023/09/20/netflix-devore-par-les-flammes-un-fait-divers-celebre-et-incomprehensible/

EricDebarnot
5
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le 20 sept. 2023

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Eric BBYoda

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